Comme le remède et le poison
Participent de la même essence
En produisant deux effets distincts,
Les actes négatifs et leurs antidotes
Ont la même nature et ne diffèrent point.
Ce que réalisant, les sages ne rejettent rien,
Mais les êtres puérils, dans leur ignorance,
Ne le réalisent pas et errent dans le samsâra,
Mûs par les cinq poisons.
Dans la compréhension de l’union de ces deux phases [développement et résorption], il [Guru Kalapa] abandonna la conception dualiste du moi et d’autrui et adopta un comportement de complète spontanéité. Tous les gens de Radzapura dirent alors de lui :
– C’est un fou.
Il leur répondit :
– La saisie d’un moi entraîne le concept d’autrui. Cette dualité nous conduit à chérir une nature propre. Si le sage le comprend, dans l’ensemble des déités de la conceptualisation et dans la lettre A, comme l’arc-en-ciel s’évanouit dans l’azur, se dissolvent naissance, cessation et essence propre. Moi le fou, le moi ne gouverne pas mes actions. L’action spontanée dans la non-dualité est félicité, la réalisation de l’incessante clarté est félicité, la méditation des six consciences (des objets des sens) est félicité, le fruit de l’absence de quête de réalisation est félicité. (pp. 102-103)
Il y avait au pays de Kapilasatru un brahmane [Guru Kukkuripa] qui, ayant foi dans le Véhicule Tantrique, adopta le comportement d’un yogui.
Parti mendier, il trouva une chienne affamée sur le chemin conduisant à Lumbini. Pris de compassion, il l’emmena avec lui. Aux abords de la ville, il regarda autour de lui et aperçut une grotte vide. Il y laissa la chienne et partit à la recherche d’aumônes.
Au bout de douze années passées dans cet endroit, il obtint certains pouvoirs mondains tels que la clairvoyance. Alors, il reçut une invitation de la part des Trente-Trois Dieux à laquelle il accéda, laissant derrière lui la chienne seule dans la grotte. Elle demeura là, buvant et mangeant ce qui surgissait du sol qu’elle grattait.
Les dieux firent de grandes offrandes au yogui qui, se souvenant de la chienne, songea à retourner à ses côtés. Les dieux lui dirent :
– Atteindre de telles qualités que les vôtres et ne pas pourtant être capable de mettre un terme à ce souci d’un chien, une telle attitude n’est pas convenable ! Demeurez ici, insistèrent-ils à plusieurs reprises, s’opposant à son projet.
Un jour pourtant, il ne les écouta plus et s’en retourna à la grotte où il retrouva la chienne. Il était en train de la caresser lorsqu’elle se transforme en Dakkini qui lui dit :
– C’est bien, c’est bien, noble fils ; tu n’es pas tombé sous l’emprise des obstacles mais tu es revenu recevoir les Siddhis sacrés. Tes pouvoirs passés n’étaient rien ; ils n’étaient dus qu’à une légère purification des vues erronées. Loin d’être dignes d’admiration, de tels pouvoirs sont soumis au changement. La mère va maintenant te donner les pouvoirs de l’immense et ineffable.
Lui ayant parlé ainsi, elle lui révéla les symboles de l’union de la méthode et de la sagesse. La vue non changeante et correcte naquit en lui et il obtint les plus excellents pouvoirs. (pp. 122-123)