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Il lui avait fallu expliquer la complexité de la société médiévale à des bureaucrates lobotomisés, des militaires obtus ou des politiques n’ayant que l’art de la parole pour seule intelligence. Les personnes qui se trouvaient à la tête de Paris, qui étaient supposées représenter la société moderne aux yeux des médiévaux, n’étaient selon l’archiviste qu’un ramassis d’incompétents incultes, hypocrites et vulgaires.

Auguste n’avait jamais été très à l’aise en société. Il était même carrément bizarre, selon les dires de ses collègues ou de ses trop rares connaissances. En fait, il ne s’était jamais vraiment senti intégré à la société moderne […]. Il avait toujours été rejeté par ses camarades de classe et avait accumulé un sérieux retard social tout au long de sa scolarité qui s’était traduit chez lui par une personnalité très à la marge. Auguste ne comprenait pas les codes de monsieur Tout-le-Monde ni l’intérêt de leurs conversations, et cela se ressentait. Tout cela avait fait d’Auguste, à presque 30 ans, un homme amer qui avait développé un certain complexe de supériorité pour cacher son immense frustration, rejetant continuellement sur les autres la faute de ses malheurs.

Dans un fracas monumental, les membres de l’Assemblée s’étaient maintenant levées pour continuer d’ovationner la proposition du président. Quelques hurlements de soutien, voire quelques sifflets enthousiastes, se firent entendre. Comme quoi la nature de la gueusaille ne change point, quel que soit l’endroit, pensa-t-il, accordez leur un tant soit peu de pouvoir, et ils transforment n’importe quel parterre en carnaval.

Investi sans enthousiasme à la tête de son parti, élu au second tour par défaut contre l’extrême-gauche quelques années plus tôt, Jean-Marc Lemahieux était avant tout un technocrate, un bon gestionnaire qui n’avait pas accédé aux plus hautes fonctions sur la promesse d’un changement radical, bien au contraire.

Il [le président de la République, Jean-Marc Lemahieux] pensait avoir assez donné le change pour que son chef d'état-major le pense bien occupé. Même si cette matinée de travail gâchée était exceptionnelle, il était persuadé qu'un véritable leader ne devait jamais montré ses moments de faiblesse au grand jour.

—Comment ça, négocier ? La loi de la République passe avant tout, si nous avons dissous les milices de Barbès, nous devons dissoudre ces milices de campagnards ! Nous avons déjà assez de problèmes sur le dos pour qu’on nous fasse en plus un procès en racisme !

—Des milices ? On serait de retour sous Pétain ? […] Qui sont ces miliciens ?
Le général hésita quelques secondes avant de répondre.
—Eh bien, ce sont pour la plupart des milices communautaires constituées d’individus en provenance d’Afrique ou d’Asie. Elles sont particulièrement actives dans des quartiers comme Barbès, Château d’Eau ou encore Belleville. C’est malheureux, mais en temps de crise, les gens ont vite fait de se raccrocher aux personnes qui leur ressemblent le plus. Par ailleurs, des imams et des pasteurs évangélistes sont persuadés que ce que nous vivons est le début de la fin des temps. Ils se livrent à un prosélytisme très agressif dans tout Paris […].

Néanmoins, sa femme lui semblait plus inquiète que réjouie, ce qui l'inquiéta.