Balthus

L'art doit être anonyme. L'artiste ne doit pas chercher à s'exprimer, mais à exprimer ce qui est universel...

Sartre disait que Giacometti avait tenté de peindre le vide, d'expulser le monde de ses toiles, chose que personne n'avait faite avant lui.

C"est la peinture du XXe siècle qui a détruit toute forme de beauté, ou plutôt l'idée même de beauté.

Mais aussi bien moi que certains de mes maîtres, parmi lesquels Courbet, nous sommes restés fidèles à cette vision primitive de la nature.De tous les peintres occidentaux, Courbet est l'un des rares, avec les Siennois et Breughel, à rejoindre les Chinois, la splendeur des paysagistes chinois. Lui aussi faisait une peinture qui ne tendait pas à la représentation, mais à l'identification des choses.

En Suisse, pendant l'hiver, je regardais par les fenêtres les montagnes, la neige, ces grands paysages, partout, qui apparaissaient et disparaissaient à vue d'oeil, selon les brusques changements de temps. Ces paysages me semblaient très familiers dans la mesure où ils me rappelaient ce que j'avais éprouvé en découvrant l'art de l'Extrême-Orient. La même vision de la nature.

Poussin a aussi inspiré Balzac, qui en a fait l'un des personnages principaux du "Chef-d'oeuvre inconnu", cette magnifique nouvelle que Picasso a illustrée.

{pour Bacon} le meilleur cri en peinture était celui qu'avait fait Poussin dans le Massacre des Innocents. Par contre il ne citait pas le Cri de Munch qui est pourtant très célèbre

Je crois que les tableaux ne peuvent pas s'expliquer par des mots, des discours, par la psychanalyse. Le langage de la peinture est un langage autonome, spécifique, qui n'a pas besoin d'autres langages pour être expliqué et compris.

Dans le musée qui lui est consacré à Vinci est reproduite en grands caractères sur un mur la phrase du peintre qui dit : "Le dessin est une science quand il explore l'anatomie par la précision du trait, une divinité q'il suggère le mystère par le fonds de l'ombre".

- Quels autres artistes la voyaient et la peignaient comme les Chinois et les Japonais ?
- Les primitifs italiens, les Siennois, particulièrement, comme Duccio di Buoninsegna et Simone Martini, la voyaient et la représentaient de la même façon. En Occident, cette façon de voir et de peindre la nature cesse avec la Renaissance, quand, avec l'invention de la perspective; s'impose peu à peu une conception plus réaliste de la représentation artistique.

Si l'on peut décrire un tableau avec des mots, pourquoi le peindre ?

La naissance d'un tableau ne peut être expliquée. Le peintre lui-même ne peut l'expliquer.

Pierre Loeb raconta la visite qu'il avait faite dans votre atelier et décrivit l'impression que "La Rue" avait produite sur lui. Il avait été frappé, disait-il, par l'attitude des personnages : ils étaient figés comme ceux de la Grande Jatte de Seurat, mais dans l'instantané, pas dans la pose ; ils n'étaient pas saisis en action comme ceux de Degas, mais pétrifiés sur place.

Je n'ai jamais aimé les surréalistes .... ni les interprétations freudiennes de la peinture. Les primitifs italiens, je les admirais pour la façon dont ils concevaient l'art, pour leur métier, pour la qualité de la matière qu'ils employaient, pour les résultats merveilleux qu'ils obtenaient.

Ce que Masson aimait surtout dans les fresques des primitifs italiens, c'était la matité. Il disait que la matité de ses propres tableaux, particulièrement ceux de la période américaine, provenait de ces fresques, et qu'après son séjour en Italie, il avait toujours recherché la matité.

C'était Bonnard et Marquet qui m'avaient suggéré d'aller au Louvre faire des copies, copier Poussin. L'un des tableaux de Poussin qui m'enchantait le plus était "Echo et Narcisse". J'étais séduit par sa douce splendeur, par la magie subtile qui est répandue. Ce tableau avait déjà inspiré Corot, surtout la partie de la peinture où la Nymphe gît sur les rochers, au milieu des arbres et des plantes en fleurs. Je dis "inspiré" parce que Corot n'imitait personne.

letres de la correspondance amoureuse du peintre