J’avais toujours été fière du fait qu’il soit médecin, il soignait les gens, sauvait des vies et aidait à la donner aussi quand il y avait un accouchement, mais là, c’était encore autre chose, il se battait au côté d’un confrère pour comprendre comment cette femme était morte, ils allaient en quelque sorte faire parler ce corps. L’autopsie continua, le chirurgien descendit cette fois vers les parties génitales, il écarta comme il le pouvait les lèvres du sexe du cadavre, je voyais qu’il farfouillait avec ses mains, puis il se baissa pour observer son entrecuisse, je ne voyais plus que le dessus de sa tête.
Au début, j’aimais mon boulot – je suis infirmière –, mais c’est devenu difficile, voire pénible. En fait, ce n’est pas mon métier que je n’aime plus. Non, c’est la structure dans laquelle je travaille. Il s’agit d’un centre médicalisé, il y a vraiment toutes sortes de patients : du fou gentil au schizophrène, des suites opératoires au toxico que l’on prépare pour un sevrage, en passant par le dépressif et l’accidenté de la route. On y croise aussi pas mal de malades en fin de vie. Ce qui est paradoxal puisque d’autres patients viennent dans ce même service pour se reconstituer moralement et physiquement.
Dans quel monde vit-on ? La violence est-elle devenue, tout comme la cruauté, une banalité de la vie… Et pourtant, toutes ces horreurs sont loin d’être des légendes, les histoires qui font peurs sont bien plus souvent inspirées de la réalité plutôt que l’inverse. Soyez prudents et n’accordez pas votre confiance trop facilement mes enfants, ce sont là les derniers conseils d’une vielle dame qui a échappé au pire…
Dans le noir, il nous était impossible d’éviter toutes les épines, elles nous écorchaient le visage et les bras, s’accrochaient à nos vêtements déchirant nos chemisiers. J’entendais ma sœur proférer des jurons entre ses dents à chaque fois qu’une épine la blessait ; ce n’était pas dans ses habitudes, mais je suppose que l’angoisse de la situation justifiait cette entorse à la bonne éducation que nous inculquaient pourtant nos parents.
Mon père aurait adoré avoir un fils mais, manque de chance, il a eu deux filles ! À ce moment-là, Suzanne avait sept ans et moi Jeanne, j’avais onze ans. Papa nous appelait souvent « les garçons » parce qu’il disait que, malgré nos beaux cheveux longs, nous étions de vrais garçons manqués, courageuses, téméraires et que nous adorions aller chasser avec lui.
À l’époque, certains avaient de l’argent, d’autres moins ; un peu comme maintenant, me direz-vous. Nous, nous n’étions ni riches, ni pauvres, nous ne manquions de rien et c’était là le principal. De toute façon, il n’y avait pas de grands magasins donc pas autant de choses à acheter qu’aujourd’hui ; nous avions l’essentiel et même un peu plus que d’autres.
Elle avait été un peu légère si je puis dire, pour s’en sortir il lui arrivait d’offrir ses services à des messieurs contre de l’argent, elle n’était pas farouche, mais elle voulait vraiment vivre autrement et elle s’était tournée vers l’église, vers notre Seigneur. Mon Dieu, pauvre enfant qui a bien pu lui faire ça ? Mais c’est vraiment horrible !
Saint-Pierre était une ville très éclectique, riche en métissages, il y avait cependant encore beaucoup de gens qui n’appréciaient pas qu’une femme de couleur soit avec un homme blanc ou inversement, l’époque de l’esclavagisme avait beau être révolue, il restait des traces. Il m’était arrivé d’entendre dire qu’un homme de couleur avait été lynché alors qu’il rentrait tranquillement chez lui retrouver son épouse qui, elle était blanche, il est même arrivé qu’une femme blanche soit battue par d’autres blancs parce qu’elle avait choisi de faire sa vie avec un homme de couleur. Tout ça me paraissait injuste, je n’arrivais pas à comprendre pourquoi il y avait des soi-disant codes établis par certains hommes, des hommes blancs, bien évidemment.
Quelle horreur, tu imagines un bon père de famille faire de telles atrocités puis rentrer gentiment chez lui auprès de sa femme et ses enfants ? Les embrasser et les serrer dans ses bras comme si tu rien n’était alors qu’il vient de commettre l’irréparable ?
Quant à ceux qui seraient capables de telles horreurs, des histoires me viennent en tête. On m’a parlé un jour d’un homme qui découpait ses victimes en morceaux et il s’amusait avec leurs parties génitales, c’était à Londres, il l’appelait Jack l’Eventreur. Il s’attaquait aux prostitués dans les quartiers mal fréquentés, entre les bars et les bordels où les hommes riches allaient fumer de l’opium, pour « chasser le dragon » comme ils disaient. Ses pauvres femmes étaient retrouvées égorgées le plus souvent et, en plus de leur découper le sexe, il prélevait un organe différent à chaque fois, un coup le cœur, une autre fois l’intestin…