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Citation de SZRAMOWO


Les amants magnifiques

CLITIDAS fait semblant de chanter : La, la, la, la, ah !
ÉRIPHILE : Clitidas.
CLITIDAS : Je ne vous avais pas vue là, Madame.
ÉRIPHILE : Approche. D’où viens-tu ?
CLITIDAS : De laisser la Princesse votre mère, qui s’en allait vers le temple d’Apollon, accompagnée de beaucoup de gens.
ÉRIPHILE : Ne trouves-tu pas ces lieux les plus charmants du monde ?
CLITIDAS : Assurément. Les Princes, vos amants, y étaient.
ÉRIPHILE : Le fleuve Pénée fait ici d’agréables détours.
CLITIDAS : Fort agréables. Sostrate y était aussi.
ÉRIPHILE : D’où vient qu’il n’est pas venu à la promenade ?
CLITIDAS : Il a quelque chose dans la tête qui l’empêche de prendre plaisir à tous ces beaux régales. Il m’a voulu entretenir ; mais vous m’avez défendu si expressément de me charger d’aucune affaire auprès de vous, que je n’ai point voulu lui prêter l’oreille, et je lui ai dit nettement que je n’avais pas le loisir de l’entendre.
ÉRIPHILE : Tu as eu tort de lui dire cela, et tu devais l’écouter.
CLITIDAS : Je lui ai dit d’abord que je n’avais pas le loisir de l’entendre ; mais après je lui ai donné audience.
ÉRIPHILE : Tu as bien fait.
CLITIDAS : En vérité, c’est un homme qui me revient, un homme fait comme je veux que les hommes soient faits : ne prenant point des manières bruyantes et des tons de voix assommants ; sage et posé en toutes choses ; ne parlant jamais que bien à propos ; point prompt à décider ; point du tout exagérateur incommode ; et, quelques beaux vers que nos poètes lui aient récités, je ne lui ai jamais ouï dire : "Voilà qui est plus beau que tout ce qu’a jamais fait Homère." Enfin c’est un homme pour qui je me sens de l’inclination ; et si j’étais Princesse, il ne serait pas malheureux.
ÉRIPHILE : C’est un homme d’un grand mérite assurément ; mais de quoi t’a-t-il parlé ?
CLITIDAS : Il m’a demandé si vous aviez témoigné grande joie au magnifique régale que l’on vous a donné, m’a parlé de votre personne avec des transports les plus grands du monde, vous a mise au-dessus du Ciel, et vous a donné toutes les louanges qu’on peut donner à la Princesse la plus accomplie de la terre, entremêlant tout cela de plusieurs soupirs, qui disaient plus qu’il ne voulait. Enfin, à force de le tourner de tous côtés, et de le presser sur la cause de cette profonde mélancolie, dont toute la cour s’aperçoit, il a été contraint de m’avouer qu’il était amoureux.
ÉRIPHILE : Comment amoureux ? quelle témérité est la sienne ! c’est un extravagant que je ne verrai de ma vie.
CLITIDAS : De quoi vous plaignez-vous, Madame ?
ÉRIPHILE : Avoir l’audace de m’aimer, et de plus avoir l’audace de le dire ?
CLITIDAS : Ce n’est pas vous, Madame, dont il est amoureux.
ÉRIPHILE : Ce n’est pas moi ?
CLITIDAS : Non, Madame : il vous respecte trop pour cela, et est trop sage pour y penser.
ÉRIPHILE : Et de qui donc, Clitidas ?
CLITIDAS : D’une de vos filles, la jeune Arsinoé.
ÉRIPHILE : A-t-elle tant d’appas, qu’il n’ait trouvé qu’elle digne de son amour ?
CLITIDAS : Il l’aime éperdument, et vous conjure d’honorer sa flamme de votre protection.
ÉRIPHILE : Moi ?
CLITIDAS : Non, non, Madame : je vois que la chose ne vous plaît pas. Votre colère m’a obligé à prendre ce détour, et pour vous dire la vérité, c’est vous qu’il aime éperdument.
ÉRIPHILE : Vous êtes un insolent de venir ainsi surprendre mes sentiments. Allons, sortez d’ici ; vous vous mêlez de vouloir lire dans les âmes, de vouloir pénétrer dans les secrets du cœur d’une Princesse. Ôtez-vous de mes yeux, et que je ne vous voie jamais, Clitidas.
CLITIDAS : Madame.
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