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Citation de cmpf


MOLIÈRE.

J'avais songé une comédie où il y aurait eu un poète, que j'aurais représenté moi-même, qui serait venu pour offrir une pièce à une troupe de comédiens nouvellement arrivés de la campagne. Avez-vous, aurait-il dit, des acteurs et des actrices, qui soient capables de bien faire valoir un ouvrage, car ma pièce est une pièce... Eh ! Monsieur, auraient répondu les comédiens, nous avons des hommes et des femmes qui ont été trouvés raisonnables partout où nous avons passé. – Et qui fait les rois parmi vous ? Voilà un acteur qui s'en démêle parfois. Qui ! Ce jeune homme bien fait ? Vous moquez-vous ? Il faut un Roi qui soit gros et gras comme quatre. Un roi, morbleu, qui soit entripaillé comme il faut ? Un roi d'une vaste circonférence, et qui puisse remplir un trône de la belle manière ! La belle chose qu'un roi d'une taille galante ! Voilà déjà un grand défaut ; mais que je l'entende un peu réciter une douzaine de vers. Là-dessus le comédien aurait récité, par exemple, quelques vers du roi de Nicomède :

Te le dirai-je, Araspe ? Il m'a trop bien servi ;

Augmentant mon pouvoir...

Le plus naturellement qu'il aurait été possible. Et le poète : Comment vous appelez cela réciter ? C'est se railler : il faut dire les choses avec emphase. Écoutez-moi.

Imitant Montfleury, excellent acteur de l'hôtel de Bourgogne

Te le dirai-je, Araspe ?... etc...

Voyez-vous cette posture ? Remarquez bien cela. Là, appuyer comme il faut le dernier vers. Voilà ce qui attire l'approbation, et fait faire le brouhaha. Mais, Monsieur, aurait répondu le comédien, il me semble qu'un roi qui s'entretient tout seul avec son Capitaine des Gardes parle un peu plus humainement, et ne prend guère ce ton de démoniaque. Vous ne savez ce que c'est. Allez-vous-en réciter comme vous faites, vous verrez si vous ferez faire aucun Ah ! Voyons un peu une scène d'amant et d'amante. Là-dessus une comédienne et un comédien auraient fait une scène ensemble, qui est celle de Camille et de Curiace.

Iras-tu, ma chère âme, et ce funeste honneur

Te plaît-il aux dépens de tout notre bonheur ?

Hélas ! Je vois trop bien..., etc...

Tout de même que l'autre, et le plus naturellement qu'ils auraient pu. Et le poète aussitôt : Vous vous moquez, vous ne faites rien qui vaille, et voici comme il faut réciter cela.

Imitant Mademoiselle Beauchâteau, comédienne de l'hôtel de Bourgogne.

Iras-tu, ma chère âme..., etc...

Non, je te connais mieux..., etc...

Voyez-vous comme cela est naturel et passionné ? Admirez ce visage riant qu'elle conserve dans les plus grandes afflictions. Enfin, voilà l'idée ; et il aurait parcouru de même tous les acteurs et toutes les actrices.
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