Nathalie P.

Le sang de la vengeance.

Le vent souffle assez fort cette nuit-là. C’est la pleine lune et je me déplace sans mal dans le village. Telle une ombre, je bascule de rue en rue, de mur en mur. Mes mains sont moites, mon cerveau est concentré sur mon objectif, mon cœur palpite d’impatience à l’idée de ce que je m’apprête à faire.

Très rapidement, je me retrouve devant la maison voulue. Je m’arrête un instant pour m’assurer que personne ne m’a suivi ou ne me voie devant celle-ci.

Je me concentre un bref instant et me mets en condition. Plus rien n’existe, à part ce que je m’apprête à faire.

Je rentre sans un bruit dans la petite maison de monsieur Quéré. Celui-ci semble endormi paisiblement, aucun son ne parvient jusqu’à moi sauf le bruit d’une vieille horloge. Son fils est absent et ça tombe à pic. Parce que je suis sur le point de faire ma première victime, ici, maintenant.

L’engrenage est lancé et rien ne m’arrêtera.

Je ne dors plus la nuit, tantôt roulée en boule dans un coin de ma chambre, tantôt à vérifier encore et encore que toutes les serrures de ma porte sont fermées, à épier chaque fait et geste de chaque passant par la fenêtre… Je ne trouve plus la paix. L’angoisse est permanente. Elle s’est installée en moi, tapie bien au creux de mes entrailles et ne compte a priori plus partir. Je n’en peux plus, je suis complètement à bout. Je prends au moins dix douches par jour, pour tenter d’effacer chaque contact de sa peau sur la mienne, mais sans grande réussite. J’ai même essayé de mettre des écouteurs dans mes oreilles pour faire taire l’écho de sa voix et le remplacer par la musique, en vain. Je n’ai qu’une idée en tête : en finir. Je n’ai plus de famille, je ne manquerai à personne de toute façon.

Se sentir impuissant.
 
C’est un sentiment particulier, qui vous submerge, vous inonde, pour finir par vous engloutir.
C’est cet instant précis où la vie se retourne contre vous pour vous faire lâcher prise, pour vous faire perdre les pédales.
C’est ce moment où vous n’êtes plus maître de vos mots, de vos gestes, de votre esprit et où vous devez tenter de prendre une décision.
Ce sentiment est plus fort que vous,
vous ne contrôlez plus rien.
Tout vous atteint et vous vous sentez coincés dans une spirale infernale. Un étau géant vous encercle, la panique s’empare de vous et vous ne savez plus quoi faire pour vous sortir de là.
Alors vous tentez de vous battre et de vous débattre, de garder la tête hors de l’eau et de simplement…
respirer.

Promets-moi de vivre la vie que tu as toujours rêvé, celle que nous rêvions tous les deux pour nous.

– Ton pantalon te moule le cul parfaitement et je crois que toute la table a vue sur ton décolleté impressionnant!

J’éclate de rire. Venant de X, je sais qu’il me cherche et qu’il plaisante.

Mais ce qui m’amuse c’est la tête de XX en face de moi. Mi-figue mi raisin.

Soit il est prêt à bondir pour lui refaire le portrait, soit il prêt à bondir pour me prendre là maintenant sur la petite table et vu comment ses yeux se baladent sur moi de haut en bas j’opterais plutôt pour la deuxième solution.

Il est tellement froid que personne n’a envie de l’approcher, sauf ses poules du moment qu’il prend au passage pour se soulager un soir. Il me dégoûte, il n’a aucun respect pour personne ni pour lui-même. En plus, il ne fait rien de ses journées, je ne sais pas ce qu’il trafique, mais il a une belle voiture et occupe un des appartements qui appartiennent à mes parents, pour une modique somme. Nous n’avons vraiment rien en commun et ne pas passer des moments avec lui ne me manque pas le moins du monde.

Ma mère est une femme adorable en facette, mais par-derrière… Elle n’a fait que tromper mon père, écartant les cuisses à tout bout de champ. Je suis persuadé que nous n’avons pas le même père. Pour moi, elle n’est pas grand-chose. Juste la femme qui m’a mise au monde et qui doit me faire profiter de son fric. Rien de plus.

– Tu es vraiment trop belle.

Elle se regarde devant le miroir.

– Arrête, regarde…

Elle me montre son bleu sur son visage. Je l’enlace par derrière et dépose un baiser léger dessus.

– Pour moi, tu seras toujours la plus belle Jess.

Mon regard plonge dans le sien et je sens mon cœur battre à cent à l’heure.

« J’avais peur. Pour qu’un autre homme n’accepte pas ma fille ni sa particularité. Je préfère utiliser ce terme plutôt que différente, car pour moi elle n’est pas différente. Elle est un être humain comme tout le monde, il y a seulement eu une erreur de parcours, c’est tout. Et cette erreur la rend exceptionnelle.

Je t'aime trop pour te laisser partir. Toi et moi c'est pour toujours, pour la vie, à l'infini.
(Téo)