Sanguine

— Pourquoi est-ce que je me farcis les recherches dans un bouquin qui pue comme une chèvre oubliée, alors que toi, tu utilises le Wi-Fi ?
— Parce que tu insultes trop souvent les gens sur internet.

C'était cette particularité propre à la Louisiane que préférais Céleste, d'ailleurs ; ici, la nature ne s'avouait jamais vaincue, ne rendait jamais les armes, même au cœur de l'hiver, en rien comparable avec celui de quantité d'autres pays.

— J'suis plutôt douée en herboristerie et j'ai toujours beaucoup d'herbes, de simples et d'autres trucs avec moi. Et comme je suis légèrement distraite en plus d'être myope, je frôle parfois la mort en confectionnant mon thé.

La forêt était là bien avant elle, et perdurerait bien après elle. Mais aujourd'hui, dans ce moment qui n'avait de sens que pour la frêle humaine qu'elle était, la forêt acceptait son sacrifice et offrait le sien en retour.

Les pactes, ça se scelle avec du sang, c’est une règle absolue qui ne peut pas être changée.

Se battre sans cesse, face à Lucifer, face à sa douleur, ses regrets, c'était bien assez, non ? Ou peut-être que, rien que cette fois, elle avait envie d'accepter l'aide qui lui était proposée. Quand on n'y était pas habituée, que l'on s'y refusait par souci de se préserver, c'était d'une difficulté extrême et elle espérait que Céleste le comprendrait.

Si je voulais avoir un teint frais de rose, j'aurais fait influenceuse.

T'as déjà vu un lapin affronter un renard ? Moi, oui, et ça s'est pas bien fini pour le premier

On ne peut pas gagner contre les fous en restant prévisible.

— La plupart des trucs réputés insurmontables le sont, car personne n’essaie. Et depuis qu’une catastrophe ambulante a un jour été élue à la tête des USA, j’ai vachement relativisé sur la notion d’impossible.

— T’en fais pas, Sunshine, grogna Nessa en roulant dans une flaque qui aurait pu suffire à inonder le Sahel. J’ai jamais tué personne en bagnole.

Le chat vint d’ailleurs saluer Nessa, se frottant à ses jambes avec force ronronnements. Spectaculairement rond et lourd, d’un roux flamboyant, il avait naturellement hérité du prénom « Citrouille » lorsque Céleste l’avait trouvé dans la rue, quelques années plus tôt. Cependant, l’animal était au demeurant si con que Nessa l’appelait de préférence « la courge ».

L'avenir est bien incertain, mon amour. Tu es mon seul phare dans les ombres qui jouent entre ces murs et si tu partais, je deviendrais folle. Ici vivent les ténèbres,tu sais.

Lorsque des clients spéciaux franchissaient le seuil du shop, Nessa les reconnaissait à chaque fois.

Seigneur, même vendre une caisse d'alcool ou un chargement de meth à la gamine serait pourtant moins grave que ce qu'elle s'apprêtait à lui fourguer.

Tant que l'aiguille allait et venait dans un bourdonnement, Nessa ne pouvait s'empêcher de repenser aux paroles de Céleste. Pour être exacte, elles tournaient en boucle dans sa tête, comme un détestable carrousel dont le frein aurait lâché.
Bien sûr qu'elle avait déjà songé à escroquer son employeur ; Nessa pouvait mentir pour ses propres intérêts avec la même facilité que d'autres respirent, mais Lucifer n'était pas de ceux qu'on arnaque aisément.
Normal. C'est le Père du Mensonge après tout.
Nessa essuya le surplus d'encre d'un geste rapide, et poursuivit sa tâche. Elle avait piqué cette surface tant et tant de fois qu'elle se demandait si, finalement, elle n'avait pas cramé toutes ses terminaisons nerveuses.