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Citation de alzaia



L'incendie de Lyon 1ère partie /2
Mon cher Luculius

Voici que notre ami Libéralis a été plongé dans la consternation par la nouvelle de cet incendie qui a totalement réduit en cendres la colonie de Lyon. Cette catastrophe pourrait émouvoir n’importe qui – à plus ofrte raison, un homme qui aime plus que tout sa cité natale. Le résultat, c’est que le voici en quête de cette fermeté d’âme à laquelle il s’est exercé pour faire face, évidemment, aux accidents qu’il pensait pouvoir redouter. Mais ce malheur si inattendu, et presque inouï, je ne m’étone pas qu’il n’en ait pas eu la crainte, puisqu’il était sans précédent : car bien des cités ont été malmenées par un incendie, aucune n’a été ainsi emportée. En effet, même quand c’est la main de l’ennemi qui amis le feu aux édifices, celui-ci, en bien des endroits, manque à sa tâche ; on a beau l’attiser ici et là, il est rare qu’un feu dévore tout au point de ne laisser aucune besogne au fer. Jamais non plus un trembleement de terre ne ut violent et destructeur au point de mettre à bas des villes entières. En un mot, jamais n’éclata un incendie agressi au point de ne pas laisser matière à un second incendie. Tant d’œuvres humaines si belles, dont chacune aurait suffi à faire la gloire d’une ville, une nuit, une seule, les a jetées à bas, et au cœur d’une paix si profonde est survenu un désastre d’une telle ampleur qu’on ne pourrait le redouter même en pleine guerre. Qui le croirait ? Partout les armes se taisent ; la tranquillité règne sur tout notre monde ; et cette ville de Lyon, que l’on montrait fièrement en Gaule, voici qu’on la cherche en vain. A tous ceux qu’elle a frappés d’un malheur public, la Fortune a permis de redouter le sort, qu’ils allaient subir ; toute grande chose, avant de s’effondrer, bénéficie de quelque délai ; là, une seule nuit a séparé une très grande ville et son inexistence. Bref, pour te raconter qu’elle a péri, je mets plus de temps qu’elle n’en mit à périr. Tout cela fait vaciller le moral de notre cher Libéralis, ce moral qu’il tenait bien ferme et bien droit pour aire face à tout ce qui dépend de lui ; et ce n’est pas pour rien qu’il a été ébranlé. L’innatendu accable plus lourdement ; l’absence de précédent aggrave les calamités, et il n’est point de mortel qui ne souffre davantage d’un mal qui, de surcroît, le surpend. Voilà pourquoi rien, pour nous , ne doit être imprévu ; c’est contre toute éventualité qu’il faut envoyer notre âme en reconnaissance, et il faut méditer non pas sur tous les maux habituels, mais sur tous les maux possibles. Qu’existe-t-il, en effet, que la Fortune, si elle le veu, ne puisse faire choir de la plus haute prospérité, et qu’elle n’attaque et bouscule d’autant plus volontiers que brille là plus bel éclat ? Qu’existe-t-il, pour elle, d’innaccessible, de difficile ? Elle ne fond pas sur nous en courant sur le même chemin, même si c’est son chemin battu ; tantôt, c’est notre propre main qu’elle enrôle contre nous-mêmes ; tantôt ne comptant que sur ses propres forces, elle invente des périls dont nul ne sait l’auteur. Aucun moment, pour elle, ne fait exception : même au beau milieu des plaisirs peuvent naître cent raisons de souffrir. La guerre surgit d’un bond au milieu de la paix, et ce qui renforce notre tranquillité passe au service de nos craintes : d’un ami, elle fait un ennemi, et d’un allié, un adversaire. La bonnasse de l’été s’agite en tempêtes subites, pires encore que celles de l’hiver. Même sans ennimis, nous sommes en guerre, et, même si manque tout autre motif, l’excès de nos bonheurs s’invente, pour lui-même, les causes d’un désastre. La maladie attaque les plus tempérants ; la phtisie, les plus robustes ; le châtiment, les plus irréprochables ; le vacarme du monde, les plus strictes retriates. Le malheur trouve un moyen nouveau de lancer sur nous ses forces, comme si nous l’avions oublié. Tout ce qu’a construit une longue série d’années, au prix de grands labeurs et grâce à une grande bienveillance des dieux, un seul jour l’éparpille et le disperse. Accorder un seul jour de délai à ces malheurs qui se précipitent sur nous, c’est beaucoup donner ; une heure, un instant suffit pour renverser des empires. Ce serait une consolation, pour notre fragilité et pour celle de nos œuvres, si totu était aussi lent à périr qu’à être réalisé ; mais voilà : la croissance est lente à venir au jour, à toute allure se fait la destruction. Aucun bien, ni public ni privé, n’est stable ; le destin brasse le sort des hommes comme celui des villes. Au milieu du plus grand calme, soudain, se dresse la terreur et, sans qu’aucune cause ne siot venue sonner l’alerte, le malheur fait irruption, surgissant d’où on l’attendait le moins. Des empires que les guerres civiles, que les guerres étrangères avaient laissés debout, s’écroulent sans que nul ne les pousse : en connaît-on beaucoup, des Etas qui aient supporté jusqu’au bout le poids de leur réussite ? Il faut donc penser à tout, et affermir son âme face à tout événement possible. Exis, tortures de la maladie, guerres, naufrages, médite sur tout cela. Une catastrophe peut t’arracher à ta patrie (…), elle peut te reléguer dans un désert, elle peut même, de celieu où suffoque la foule, faire un désert. Ayons là, sous les yeux, toute la condition hasardeuse de l’homme, et représentons-nous non point ce qui arrive couramment, mais ce qui peut arriver de plus grave, si du moins nous ne voulons pas être écrasés par l’inaccoutumé, ni ébaubis par l’inédit : il nous faut imaginer la Fortune en sa pleine extension. Que de fois en Asie, que de fois en Achaïe, un tremblement de terre a fait chuter des villes ! Combien de bourgs en Syrie, combien en Macédoine ont-ils été dévorés ! Combien de fois ce fléau a-t-il ravagé Chypre, combien de fois Paphos a-t-elle croulé sur elle-meme ! Il n’est pas rare, pour nous, d’apprendre la disparition d’une ville entière, et nous, chez qui une telle nouvelle est si fréquente, quelle part de tout l’univers sommes nous ? Dressons-nous debout, donc, contre les maux du hasards, et, quoi qu’il soit survenu, sachons que l’ampleur de ce malheur ne se mesure pas au bruit qu’en fait la rumeur. Une cité opulente a brulé, l’ornement de provinces qui, à la fois, l’enserrait et la mettait en exergue – et pourtant, elle n’avait paour assise qu’ne colline, pas très large ; mais toutes ces cités dont on te rappore aujourd’hui la magnificence et lanoblesse, le temps efacera jusqu’à leurs vestiges ! Tu ne vois ps come déjà les fondements même des plus illustres ville d’Achaïe ont été détruits, et que rien ne reste qui puisse laisser apparaître qu’elles ont seulement existé ? Ce que renverse le temps qui passe, ce ne sont pas seulement les œuvres de nos mains, ce ne sont pas eulement ce qu’ont bâti l’art et l’indusstrie des hommes : les crêtes des montagnes s’effritent, des régions entières s’affaissent (…) La puissance dévorante du feu a rongé les volcans qu’elle illuminait, elle a rabaissé au niveau du sol de très hauts promontoires, qui rassuraient les marins et portaeint des vigies. Les œuvres de la nature elle-même sont mises à mal : voilà pourqoi nous devons supporter sans sourciller les désastres qui ruinent les villes. Elles ne se dressent que pour crouler, que ce soit la puissance des vents etleur souffle violent entravé par les murs qui ont fait éclater la masse qui les freine, ou bien le tourbillon trop envahissant des torrents cachés qui a brisé tout obstacle, ou bien encore la violence des flammes qui a fait se rompre la charpente du sol, ou bien enfin l’âge, conte lequel rien n’est à l’abri, qui a morceau par morceau emporté la place, la sévérité du climat qui a chassé les habitants, la décompositon putride qui apourri n site et l’a rendu désert. Vaste programme, que d’énumérer les voies du destin ! Je ne sais que ceci : toute les œuvres des mortels sont condamnées à la mortalité, nous vivons parmi des être destinés périr. Voici donc les consolations, et d’autres du même genre, que je présente à notre cher Libéralis, qui brûle d’un incroyable amour pour sa petite patrie : peut-être n’a-t-elle été consumée que pour se réveiller plus belle. Souvent, un tort subi libèr la place pour une plus grande destinée : bien des effondrements ont fait surgir plus de hauteur. Timagène, cet ennemi juré de la réussite de notre ville, disait que si les incendies de Rome le chagrinaient, c’était seulement parce qu’il savait que ses bâtiments renaîtraient plus beau qu’ils n’avaient brûlé. Pour la ville de Lyon, il est vraisemblable que tous vont rivaliser pour rebâtir des monuments plus grands et plus sûrs que ceux qui ont été perdus. Puissent-ils être fondés pour durer, sous de meilleurs auspices, et pour plus longtemps ! car cette colonie n’avait, depuis son origine, qu’une centaine d’années, pas même, pour homme, l’âge le pllus avancé. Installée par Plancus, elle se développa jusqu’à atteindre cette population grâce à la qualité de son site ; et pourtant, dans l’espace d’une vie de vieillard, que de terribles malheurs elle a surmonté !
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