Plus tard, le monde des livres m’a ouvert des portes inattendues. J’ai erré dans ce labyrinthe magique sans fil d’Ariane. Je suis passée par bien des détours avant d’arriver là où je devais arriver. De plus, il m’était interdit de regarder en arrière, de me remémorer les montagnes de livres que j’avais englouties. J’ai dévoré un nombre record de livres, comme si la mort était à mes trousses. Il est vrai : beaucoup furent avalés et jamais digérés - ce n’était sans doute qu’un réflexe d’affamée. Alors ils sont toujours là, entassés dans ma mémoire, comme un refus de s’anéantir. Ce n’est que plus tard, bien plus longtemps après, que moi, enfant d’origine humble, j’appris à apprécier le festin de la culture humaine.
Ce n’était pas une perte, mais un avertissement. Elle était venue, la messagère qui annonçait l'amour, elle avait patiemment attendu, puis elle est partie, comme un oiseau fuyant la neige....
Mais sur terre il est rarement donné aux âmes sœurs de se rencontrer. Alors elles glissent comme les astres innombrables dans le mystère de l’univers, se heurtant par hasard, laissant sur leur passage des blessures qui jamais ne se refermeront, des cicatrices brûlantes comme la lave des volcans temporairement endormis. Il est si rare de se comprendre sur terre. Une seule fois peut-être en deux ou trois siècles, il est donné à deux êtres de se rencontrer.
Ce n’était pas une perte mais un avertissement. Elle était venue, la messagère qui annonçait l’amour, elle avait patiemment attendu, puis elle est partie, comme un oiseau fuyant la neige. Il ne m’est resté qu’un peu d’espoir, l’espoir de l’accueillir un jour quand la saison chaude la ramènera.
Elle n’eut besoin de personne pour lui fermer les yeux. Elle avait vécu d’elle-même et pour tout ce qui l’entourait. Elle était partie emportant jusqu’au secret de sa présence étrange au sein de notre famille. La terre reprend toujours ce que le ciel a donné.
Les quatre océans de la terre semblent se déverser sur le toit déchiré qui abrite ma famille. A croire qu’on a payé quelqu’un pour pleurer sur notre maison. Comment se fait-il que l’eau de pluie soit si salée ?
Dès qu’elle se réveillait, elle inondait le monde de son sourire ensorcelant, de ce sourire qui nous faisait marcher avec précaution, parler avec douceur, et nous regarder avec plus de bienveillance.
Elle est venue, elle est partie, tel un ange, ne restant que le temps d’une brève halte dans son voyage sidéral.