How can we control the coronavirus pandemic? | Adam Kucharski
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Accuser certains groupes d’être à l’origine d’épidémies n’est pas un phénomène nouveau. Au XVI° siècle, les Anglais pensaient que la syphilis – ou vérole – venait de France, ils l’appelaient donc la French pox (la vérole française). Les Français, persuadés qu’elle venait de Naples, l’appelaient la maladie napolitaine. En Russie, c’était la maladie polonaise, en Pologne, elle était turque et en Turquie, elle était chrétienne.
Ce genre d’accusations peut perdurer. On fait toujours référence à la pandémie grippale de 1918, qui a tué dix millions de personnes au total, comme étant la grippe espagnole. Ce nom a fait son apparition pendant l’épidémie car la presse laissait entendre que l’Espagne était le pays le plus durement touché d’Europe. La réalité est cependant assez différente. À l’époque, malgré la guerre, les médias espagnols n’étaient pas censurés, contrairement à l’Allemagne, au Royaume-Uni et à la France qui étouffaient toutes les informations sur la maladie par peur de démoraliser les populations. Le silence médiatique dans ces pays donnait ainsi l’impression que le nombre de cas en Espagne était supérieur au reste du continent. (De leur côté, les médias espagnols tentaient de rejeter la responsabilité de la maladie sur les Français.)
Pour éviter d’associer les noms des maladies à des noms de pays, mieux vaut proposer des alternatives.
Au-delà de mon domaine d’intervention, j’ai découvert que l’analyse mathématique peut susciter deux réactions. D’abord, la suspicion. C’est bien compréhensible : face à ce qui est opaque et inhabituel, notre instinct peut nous souffler de nous méfier. Dans ce cas, on se désintéressera sans doute de l’analyse. L’autre réaction est totalement inverse. Plutôt que d’ignorer les résultats, nous allons leur accorder une confiance aveugle. L’opacité et la difficulté sont perçues comme des signaux positifs. J’ai souvent entendu dire qu’une notion mathématique était formidable parce que personne ne la comprenait. Dans ce cas, on assimile complexité et intelligence. Pour le statisticien George Box, les observateurs ne sont pas les seuls à pouvoir se laisser séduire par les analyses mathématiques. On raconte qu’il aurait dit un jour : « les statisticiens, comme les artistes, ont cette manie de tomber amoureux de leurs modèles. »
Pourquoi les hommes se sont-ils mis à raconter des histoires ? Parce qu'elles nous aident notamment à conserver des informations utiles. Savoir raconter des histoires était une compétence très prisée dans les sociétés des chasseurs-cueilleurs ; cela laisse supposer que les histoires remontent aux tout premiers stades de l'humanité car ceux qui savaient bien les raconter étaient des compagnons plus recherchés.
Bien sûr, l'influence médiatique ne date pas d'hier ; nous savons depuis longtemps que les journalistes peuvent peser sur le cycle de l'information. Dans son roman satirique de 1938, Scoop, Evelyn Waugh raconte l'histoire d'une star du journalisme, Wenlock Jakes, envoyé pour couvrir une révolution. Malheureusement, Jakes s'assoupit dans le train, manque son arrêt et se réveille dans le mauvais pays. Inconscient de son erreur, il invente un article qui raconte les "barricades dans les rues, les églises en flammes, le son des mitraillettes qui fait écho à celui de sa machine à écrire." De peur d'être en reste, d'autres journalistes arrivent sur place et concoctent le même genre d'articles. En un rien de temps, la bourse dégringole, le pays subit de plein fouet un krach économique qui déclenche un état d'urgence et, finalement, une révolution.