Adrien Hogrel

"Les vitres des panneaux publicitaires qui bordent le quai lui renvoient son reflet accompagné de promotions Leclerc, de T-shirts H&M et du dernier portable Samsung. Ses joues ont pris une vive couleur rouge sous le vent frais du matin. Des mèches de cheveux noirs collent à son front, rendu moite par sa course.

Elle se dévisage d’un œil morne. Le portrait que lui renvoie le panneau publicitaire lui paraît bien terne. Son sourire est triste et ses lèvres tombantes. Elle ne voit qu’un visage fatigué, pâle image d’un cœur flétri. Que lui est-il donc arrivé ? Elle a l’impression que quelqu’un a lentement tiré sur un fil et détricoté ses plus beaux habits de vie."

En face, Marine la dévisage un moment. Les traits ivres d’Anna dégagent une animalité qu’elle n’avait pas encore perçue. Comme une renarde qui s’approcherait innocemment de sa prochaine victime, Marine s’avance vers son amie. Elle s’avance, sans qu’Anna n’esquisse le moindre mouvement.

Tétanisée, Anna attend, les jambes rivées au bitume. Pour la deuxième fois de la soirée, elle sent le souffle d’une autre personne à quelques centimètres d’elle. Des cheveux de Marine lui frôlent le menton. Soudain, plus rien n’existe que ce visage si proche. Elle ne sait plus où s’arrête son propre corps. Le parfum de Marine pénètre cruellement ses narines affolées. Elle se demande si elle va éternuer.