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3.51/5 (sur 35 notes)

Nationalité : France
Né(e) : 1978
Biographie :

Agathe Sanjuan est conservatrice-archiviste à la Comédie Française.

Après la prestigieuse école des Chartes, elle poursuit par l’ENSSIB de Villeurbanne. Cette école forme les conservateurs de bibliothèques.

Son premier poste l’amène à la BNF (Bibliothèque Nationale de France). Elle débute au département des acquisitions de livres en langue étrangère. Puis elle intègre le département des Arts du Spectacle.


Source : La Parisienne
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Bibliographie de Agathe Sanjuan   (4)Voir plus

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{Conférence autour des expositions de l'année Molière} Molière a-t-il écrit de grands rôles de femmes? L'implicite de cette question : Molière était-il misogyne, à l'instar de son temps, de ses contemporains, de son siècle ? Suggérons simplement qu'il est pétri de contradictions, comme tout un chacun, mais que son génie lui a permis d'échapper aux caricatures ou de les dépasser. Cette séance accompagne les expositions de la BnF et de la Comédie-Française commémorant le 400e anniversaire de la naissance de Molière. Avec Anne Kessler et Suzanne Aubert, comédiennes, et Agathe Sanjuan, conservatrice-archiviste de la Comédie-Française. Conférence animée par Joël Huthwohl, directeur du département des Arts du spectacle de la BnF, et enregistrée le 1er décembre 2022 à la BnF I Richelieu.

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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
« Zoé organisa son quotidien autour de son travail et de sa nouvelle occupation.
Sa vie privée commençait une fois passées les portes de l'immeuble haussmannien siège du cabinet où elle travaillait, du côté de la Bourse. L'emplacement était idéal pour fureter vers Drouot, aller voir les expositions précédant les ventes aux enchères, mais aussi rayonner vers les galeries qui se situaient entre les grands boulevards et, de l’autre côté de la Seine, les quartiers Saint-Germain et Saint-Michel. Elle prenait un vrai plaisir à ces visites et attendait impatiemment le soir pour parcourir la capitale, dans ces rendez-vous avec elle-même qui la comblaient. Quand un artiste l’intéressait, ses recherches étaient un prétexte pour revoir son portefeuille en galerie, sentir son univers à travers les feuilles à disposition. Elle se repaissait de l’ensemble en attendant, un jour, d'en élire une.
Le week-end était davantage consacré à des voyages pour visiter des lieux de vente inconnus d'elle ou des foires, des salons.
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L’appartement était petit et le jeune homme pouvait en embrasser l’ensemble d’un seul coup d’œil : l’entrée donnant sur la salle de bain à gauche, et sur la cuisine en face, elle-même jouxtant la chambre. Les deux pièces principales étaient séparées par une large porte vitrée qui laissait apercevoir, dans l’emprise de la chambre, un local aveugle, blanc, neutre. Il demanda à Zoé à quoi lui servait cet endroit et la sentit se raidir. Elle éluda en répondant qu’il s’agissait de son cabinet. Elle avait laissé la petite clé sur sa table de chevet. Pour plaisanter, il suggéra qu’elle devait enterrer là ses amants médiocres ou désobéissants, ceux qui ne lui avaient pas donné satisfaction. Devant ses allusions, voyant l’affaire avancer, Zoé s’éclipsa dans la salle de bain, le laissant seul.
Le garçon se saisit de la clé, si pressé par la curiosité que, sans considérer que cela était malhonnête, devant la porte du cabinet, il s’arrêta quelque temps, songeant à la défense que Zoé lui avait signifiée et pensant qu’il pourrait lui arriver malheur d’avoir été désobéissant. Mais la tentation était si forte qu’il ne put la surmonter : il prit donc la petite clé et ouvrit la porte du cabinet.
D’abord il ne vit rien, parce que la pièce était aveugle ; après quelques moments, il commença à voir que le plancher était jonché de feuilles de papier froissées, et qu’à cette curieuse litière répondaient les dépouilles de plusieurs cadres vides suspendus aux murs.
Stupéfait par cette vision étrange, il referma la porte et trouva les yeux furieux de Zoé.
Elle le pria de quitter son appartement, avec calme mais agitée par une colère intérieure. Il jeta un dernier regard au rectangle blanc de la porte, d’une présence désormais obsédante, qui avait brusquement agi comme un écran entre Zoé et son invité.
Alors qu’il se tenait dans le cadre de la porte d’entrée, une morale, tirée d’un vieux conte, revint à Zoé. Elle la lui livra :
« La curiosité malgré tous ses attraits / Coûte souvent bien des regrets. »
Elle referma la porte, décidée qu’on ne l’y prendrait plus.
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"Pourtant l'histoire de la "maison de Molière", bien au delà des murs qui l'ont abritée, raconte l'Histoire."
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(Les premières pages du livre)
Tard dans la nuit, Zoé marchait, la cheville souple, le soulier claquant sur la chaussée. Le pied était couvert d’un escarpin presque fermé, tenu par des lanières recouvrant la cambrure, épousant la finesse des attaches, ajusté tel un chausson de danseuse. La silhouette fluide du tailleur en tissu de crêpe suivait le rythme imprimé par le pas, transmis au corps. L’allant de la démarche, trop rapide pour être naturel, scandait le silence avec vigueur. Elle filait droit devant elle. L’heure était trop avancée pour que quiconque surprît et perturbât ce chemine¬ment régulier. Elle le savait et avançait, sûre de sa puissance, de son règne sur cette partie du monde endormi. Seuls quelques insomniaques pourraient l’apercevoir, jetant un coup d’œil derrière le rideau de leurs chambres sans sommeil. La constance du pas leur donnerait envie de compter les accents de cette pulsation. Une femme en phase avec le battement de cette ville, se diraient-ils : déterminée et impatiente.
Elle entra dans la cage d’escalier, sortit ses clés de sa serviette de cuir vert, la posa par terre pour ouvrir la boîte aux lettres, vida les prospectus dans la corbeille mise à disposition des habitants de l’im¬meuble, et, quand elle se redressa, glissa une facture dans sa serviette. Raide et droite, elle prit l’escalier. Elle sentit son corps s’affaisser à partir du troisième étage, se relâcher sous l’effort, son cou ployer et sa tête se vider, se délester d’une journée de travail, d’une concentration inutile et idiote, de chiffres s’alignant, se croisant, se combinant. L’allure gagna en tendresse et en grâce ce qu’elle perdait en vitalité. Quand elle eut atteint le palier du quatrième, il ne restait presque rien de la silhouette énergique qui donnait son âme à la ville, semblable à tant d’autres, incarnant l’esprit de travail, de modernité, de célé¬rité, d’accélération exponentielle. Un bruit retentit, un peu plus haut, dans la cage d’escalier, laissant entendre, peut-être, un autre pas. Elle eut le réflexe de se redresser, de gainer à nouveau son buste fati¬gué, avant d’ouvrir la porte de son appartement et de laisser sa bogue de tension sur le palier.
Une fois chez elle, Zoé se débarrassa de ses atours de femme pressée, dénouant ses chaussures, faisant glisser à ses pieds et sur ses hanches l’étoffe soyeuse et glissante. La silhouette nerveuse s’alan¬guit, se détendit dans la chaleur de l’appartement. La mollesse des chairs, la délicatesse des courbes lui apparurent fugitivement dans le miroir, tandis qu’elle s’adonnait aux préliminaires. Elle emplit une bassine d’eau chaude, fit tomber quelques cuillers de sels et d’huiles odorantes, y introduisit ses pieds, les orteils d’abord, doucement, pour les habituer à la chaleur, puis la plante et enfin la totalité. La brûlure la saisit, circulant sur l’épiderme rougi, paralysant les muscles, mais, peu à peu, les tissus, les articu-lations se détendirent et elle put à nouveau remuer les orteils. Les effluves, l’humidité de l’étuve la pénétrèrent. Rien ne l’aidait mieux à se débarrasser des tracas et des déceptions du jour. Elle retrouvait alors les odeurs de l’enfance, le délassement du bain hebdomadaire du dimanche, enfin seule, dans la salle d’eau, isolée du reste de la famille, une réclu¬sion rare et désirée, et ce sentiment étrange d’ou¬blier son corps dans une torpeur éveillée, d’atteindre l’inactivité cérébrale avec l’unique perception, apai¬sante, d’être en vie.
L’eau brûlante calmait son impatience, anesthé¬siait sa pensée. Mais le bain tiédissait et, par vagues, elle reprenait conscience de ce qui l’entourait, de ce qu’elle devait faire. Elle glissa ses pieds hors de l’eau, les frictionna vigoureusement et enfila un peignoir.
Elle saisit le large carton à dessins, l’allongea sur la table de la cuisine, fit glisser les lanières en déga¬geant les boucles d’un coup sec et ouvrit le plat supé¬rieur. Elle caressa la toile protectrice qui masquait encore le contenu, un peu rêche, crissant sous la main, puis, brusquement, l’écarta pour laisser appa¬raître le ventre blanc du papier. Elle éprouva une intense satisfaction en redécouvrant cette nappe immaculée. Les chemises superposées ne laissaient rien deviner de l’intériorité secrète de cette peau fine et étanche dont elle frôlait l’arête avec la paume de la main. Elle s’arrêta un moment, émue par la perfec¬tion de cet empilement, puis fit glisser la première enveloppe sur le plat gauche pour en écarter les deux pans. L’image lui sauta au visage, il ne lui fallut qu’un instant pour en percevoir le sens, avant de se laisser doucement envahir par les méandres de ses propositions. Ce moment proprement voluptueux lui procurait toujours un intense plaisir, un étonne-ment renouvelé malgré la répétition. L’observation dura quelques secondes, puis elle referma délicate¬ment la chemise, superposa la seconde et se livra à la même opération.
Elle n’avait pas besoin de s’attarder plus que cela et n’éprouvait pas la nécessité de rester de longues minutes absorbée devant une œuvre. L’émotion qu’elle ressentait à la vue d’une image tenait à la brutalité de la découverte et à l’activation de souve¬nirs profonds, anciens, oubliés. Comme en rêve, les serrures s’ouvraient, libérant des flux de sensations qui la faisaient accéder aux recoins de son intimité. Exhumée du fond de sa solitude, son ouverture au monde des représentations la transportait. Seule, chez elle, elle se livrait à des expériences de voyage, de rencontres, de dangers excitants, de joies oubliées.
Image après image, au cours de ces explorations, elle goûtait la découverte, la reconnaissance, le souvenir des lectures précédentes, le décèlement de nouvelles propositions que lui suggéraient ces feuilles imprimées d’un autre temps. La surprise se déclinait selon son humeur, l’attention qu’elle réser¬vait à ce moment, tantôt latente, tantôt concentrée, et surtout, selon l’ordre d’apparition des feuilles dans ce rituel de manipulation. Car la combinaison était différente à chaque dévoilement. Après la séance, avant de renfermer les images dans leur armure, elle prenait soin de mélanger les chemises selon un rangement aléatoire qui préparait son plaisir futur, de nouvelles associations, un sens de lecture inédit. Le hasard des combinaisons faisait surgir des histoires, des liens, des chocs, qu’elle déchiffrait avec l’allégresse du virtuose face à une nouvelle partition.
Après avoir exploré l’ensemble et construit un nouveau récit dans ce quart d’heure onirique, elle rebattit les cartes de son histoire, serra les liens du carton à dessins et le rangea soigneusement dans le porte-cartons. Elle se glissa entre les draps blancs et se laissa envahir par la torpeur d’un songe amorcé dans les fibres et les encres.

Quelques années plus tôt, à dix-huit ans, Zoé avait pris le train, son bac en poche, pour rejoindre Paris depuis Rouen. Elle n’avait cessé de regarder par la fenêtre opposée du carré où elle était assise. La voiture était quasiment vide, aussi avait-elle toute latitude pour observer le paysage dans ce morceau de verre. Il lui importait d’inscrire la campagne, les forêts et les villes moyennes qui défilaient sous ses yeux, non pas dans la transparence irréelle d’un voyage sans entrave, tels qu’ils apparaissaient de son côté de la rame, se déroulant à la manière d’un long ruban, quand elle appuyait sa tête contre le carreau, mais dans les limites des montants de la vitre du train : cadrer le paysage lui permettait de maîtriser son appréhension. Elle connaissait Paris pour y être allée plusieurs fois avec sa famille, en week-end, mais s’y installer pour poursuivre des études était autre chose.
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La curiosité, malgré tous ses attraits
Coûte souvent bien des regrets.
(Reprise d'une citation de Charles Perrault dans Barbe bleue)
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