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3.83/5 (sur 6 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Aimé Agnel est psychanalyste et ancien président de la Société Française de la Psychologie Analytique.

Il est l'auteur de nombreux ouvrages tel que "L'homme au tablier : le jeu des contraires dans les films de John Ford" (La Part Commune 2002).

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Otto Rank (1884-1939), la volonté créatrice : Une vie, une œuvre (1997 / France Culture). Diffusion sur France Culture le 3 avril 1997. Par Bénédicte Niogret. Réalisation : Jean-Claude Loiseau. Avec Pierre Bitoun, Claude-Louis Combet, Alain de Mijolla, Aimé Agnel et Judith Dupont. Avec la voix d’Anaïs Nin. Textes dit par Jean-Luc Debattice. Otto Rank, né Otto Rosenfeld le 22 avril 1884 à Vienne et mort le 31 octobre 1939 à New York, est un psychologue et psychanalyste autrichien. D'abord membre du premier cercle freudien, secrétaire de la Société psychanalytique de Vienne et membre du « comité secret », l'évolution de ses recherches lui vaut d'être exclu de l'Association psychanalytique internationale en 1930. Il est considéré comme un dissident du mouvement international. Otto Rank est originaire de Vienne, issu d'une famille de la moyenne bourgeoisie juive. Fils de l’artisan d’art Simon Rosenfeld, il est contraint, dans un premier temps, de travailler lui-même comme artisan et de renoncer aux études supérieures. Il prend le nom de Rank à l'âge de dix-neuf ans, en référence au bon Dr Rank de la pièce d'Ibsen, "La Maison de poupée". Il lit à vingt ans "L'Interprétation des rêves" de Freud et écrit un essai que le psychanalyste Alfred Adler transmet à Freud. Il devient dès lors un psychanalyste du premier cercle et, en 1906, devient le premier secrétaire de la Société psychanalytique de Vienne et à ce titre, l'auteur des transcriptions des minutes de la société viennoise (conférences et d'échanges), de 1906 à 1918. En 1924, il publie "Le Traumatisme de la naissance", s'intéresse à ce qui se trouve avant le complexe d'Œdipe et propose une vision différente de celle de la psychanalyse d'orientation freudienne. Sigmund Freud l'analyse brièvement jusqu'à fin décembre 1924 puis le rejette ; Rank se trouve exclu des cercles psychanalytiques freudiens. En 1926, Rank s'installe à Paris, devenant l'analyste d'Henry Miller et d'Anaïs Nin, avec qui il a une courte liaison. Il voyage en Amérique, où il rencontre un certain succès. Il est invité notamment à la société de Rochester pour la Protection de l'enfance en danger où travaille alors Carl Rogers. Il est exclu de l'Association psychanalytique internationale le 10 mai 1930. En octobre 1939, il meurt à New York à l'âge de 55 ans, des suites d'une septicémie. Sources : France Culture et Wikipédia

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Citations et extraits (39) Voir plus Ajouter une citation
Non hypostasié, l’archétype demeure […] inconnaissable dans son essence et ne peut être appréhendé que dans ses manifestations imagées, donc symboliques, à la conscience, ou sous sa forme psychoïde qui le met en contact avec la matière ou l’esprit.
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Jung a construit sa psychologie sous le chef d’une finalité proclamée. Là où Freud, et encore plus Lacan à sa suite, valorisait de ce fait le « non-sens » inhérent de la vie, renvoyant le « sens » à une attitude religieuse, Jung va être amené à insister au contraire sur un sens qu’il s’agit à la fois de découvrir et de construire […].
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C’est le dégagement du collectif qui conditionne et accompagne l’élaboration de ce qui fera valeur pour le sujet.
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La conjonction des opposés n’en est vraiment une que si elle est dynamique et s’ouvre à l’invention qu’elle génère. De ce point de vue, toute théorie de la connaissance sera toujours incomplète et s’affrontera nécessairement à son propre dépassement.
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En se dégageant du monde binaire bien/mal, l’individu peut émettre un jugement de valeur subjectif qui tient compte notamment de facteurs apparemment contingents, par exemple d’éléments d’ordre affectif ou de données relevant de l’ici et maintenant. Cette opération active le sentiment comme fonction d’évaluation. Ainsi le sujet peut-il aboutir à une solution créative et assumer le risque de l’erreur, voire celui de la transgression (AS, 269). C’est à ce niveau que Jung situe l’éthique.
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Toute connaissance psychologique ne construit que des types, et plus profondément, des archétypes recteurs de celui qui la développe, et aucune psychologie n’est plus « vraie » qu’une autre : elle est différente.
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Aimé Agnel
Psychanalyse et religion

16J’ai dit, en commençant, combien la conception que Jung se faisait de Dieu et de la religion était complexe. Il faut noter, au moment de resserrer le propos sur la clinique, combien cette conception peut paraître aussi paradoxale.

17D’une part, en effet, Jung pense que l’« homme moderne » ne peut plus croire, ne veut plus croire, mais désire savoir, accroître sa conscience, et, en particulier, la conscience qu’il a de lui-même. Le dogme (religieux ou idéologique) n’étant plus pour lui un recours possible, il recherche un sens à sa vie dans une confrontation avec l’âme inconsciente. (Ce qui implique que la vie intérieure ait, pour lui, un même degré de réalité que ce que nous appelons communément le réel, c’est-à-dire ce monde des objets que nous situons et manipulons à l’extérieur de nous-mêmes.)

18D’autre part, dans le même temps – c’est là qu’est le paradoxe –, Jung ne cesse d’attribuer la plus haute valeur à la vie symbolique, à toute vie symbolique, par quoi se manifeste le monde des archétypes, avec son riche apport d’émotions et de sens – que ce soit celle dont témoignent les Indiens Pueblos, quand ils pensent, par leurs prières matinales, faire renaître le soleil qui est leur Dieu, ou celle, plus proche de nous, qui est vécue, sous des formes variées, dans les rituels des grandes religions, à la synagogue, à la mosquée, au temple ou à l’église...

19Jung pense que c’est le symbole vivant qui nous délivre de la névrose, quel que soit le rite ou le mythe auquel nous avons accès. Il est essentiel pour lui, d’un point de vue thérapeutique, que l’intellect fasse « allégeance au symbole », qu’il se mette « au service de la vie symbolique ». Car lorsqu’il rompt cette allégeance, il devient « diabolique » [16]
[16]
Jung C.G., La Vie symbolique, Paris, Albin Michel, 1989, p. 76..

20Aussi Jung distingue-t-il nettement les patients réellement croyants dont il dit qu’il n’en a reçus que très peu, de ceux, très nombreux, qui n’ont plus ou pas la foi. Il renvoie les premiers « à la valeur positive de leur Église d’origine » [17]
[17]
Ibid., p. 77., et les exhorte à se conformer au dogme, car, leur dit-il, « si vous deviez commencer à le critiquer intellectuellement de quelque manière, je vous analyse et alors vous êtes dans le pétrin » [18]
[18]
Ibid., p. 60..

21Pour avoir rejeté le protestantisme de son père, vécu comme lettre morte, puis l’« église » freudienne et son « dogme » de la sexualité, Jung a été lui-même dans le pétrin, c’est-à-dire dans le doute et la solitude. Il sait que « hors de l’Église », il n’y a « point de salut ». « On est seul, écrit-il, et tous les esprits infernaux sont déchaînés contre soi » [19]
[19]
Ibid., p. 66.. Pour la personne qui ne peut pas rester dans l’Église ou qui ne peut pas y retourner commence alors le temps de la perplexité... mais aussi celui de la quête. « Il faut qu’elle découvre, comme l’écrit Jung, ce que veut lui dire son âme. Il faut qu’elle traverse la solitude d’une contrée encore incréée » [20]
[20]
Ibid., p. 78..

22Pour ne pas se perdre dans cette traversée, Jung indique et conseille à ses patients le guide qu’il a trouvé pour lui-même : « Lorsqu’un homme vit dans une contrée sauvage, écrit-il, l’obscurité lui apporte des rêves – somnia a Deo missa – (des rêves envoyés par Dieu), et ceux-ci le guident. Il en a toujours été ainsi. Je ne me suis laissé guider par aucune sagesse; je me suis laissé guider par mes rêves, comme tout primitif (...)» [21]
[21]
1bid., p. 79..

23Que les rêves soient envoyés par Dieu signifie qu’il est possible de les considérer non plus comme Freud le suggérait, c’est-à-dire comme un désir inconscient qui trouve là sa réalisation (définition qui, à mon sens, conviendrait beaucoup mieux au fantasme), mais comme un facteur autonome, en grande partie indépendant du rêveur, qui peut s’opposer même à son attitude et à ses pensées conscientes.

24On voit, par cette conception du rêve qui introduit à une dynamique de la compensation et de la contradiction, combien, pour Jung, le moi a à se confronter avec un inconscient qui le dépasse et qui pourrait l’instruire. Inconscient qui ne saurait donc se réduire aux éléments refoulés par le moi, et qui, par son objectivité même, renvoie plutôt à l’image d’un dieu ou d’un démon, c’est-à-dire d’un contenu énergétique non-moi, d’un contenu impressionnant, voire sacré, que le sujet, dans le meilleur des cas, observe attentivement pour essayer d’entrer en dialogue avec lui, comme s’il s’agissait d’un être encore inconnu mais réellement existant. C’est la méthode thérapeutique que Jung propose, après l’avoir testée sur lui-même, tout en mettant en garde contre le risque, pour le moi, d’une identification avec ces contenus inconscients qui sont d’une autre nature que lui. L’inflation le guette lorsqu’il s’approprie naïvement ou frauduleusement cette énergie autonome, ce dieu ou ce démon qu’il a découverts en lui-même. C’est pourquoi la technique psychanalytique jungienne se fonde, en premier lieu, sur la différenciation. Le moi a tout à gagner à se distinguer nettement de cet Autre qui l’habite, et à reconnaître, en se confrontant justement à lui, ses propres limites.

25Cette attitude, la plus efficace pour le moi, faite d’observation rigoureuse des rêves, Jung, d’une façon qui peut surprendre, la nomme « religieuse ». « La vie religieuse consiste – je le cite – en l’observation attentive des données. » [20]
[20]
Ibid., p. 78. Jung se réfère, en effet, à l’étymologie latine : relegere et religio, dans le sens ancien d’attention scrupuleuse, d’attitude privilégiant la conscience, et non pas au verbe religare, repris par les Pères de l’Église dans cette autre acception qui a prévalu et qui met l’accent sur le lien avec la divinité.

26On comprend mieux, par cette utilisation si particulière des mots religieux et religion, avec quelle insistance et quelle constance Jung s’efforce de tenir ensemble (prêtant ainsi le flanc à de nombreux malentendus) l’expérience intime d’origine inconsciente et la conscience, le non rationnel et le rationnel. Pour ce faire, il a dû expérimenter et définir cette méthode dérivée de la phénoménologie : l’observation attentive et religieuse, qui permet la confrontation avec la psyché objective. Mais il fallait aussi définir des concepts opératoires, qui rendent compte de cet entre deux sans en trahir la complexité.

27Le premier concept est pris à Rudolf Otto, dont le livre Le Sacré, paru en 1917, a dû être lu par Jung dans les années trente. Il s’agit du terme numineux, forgé par Rudolf Otto sur le latin numen : volonté, force agissante de la divinité, pour caractériser certaines manifestations du sacré, telles qu’un sujet peut les recevoir, les vivre, non avec sa raison, mais avec ses émotions et ses sentiments. Jung retient du concept d’Otto le fait que certains événements psychiques, qui ne peuvent être compris intellectuellement – par exemple l’émergence d’un archétype –, provoquent chez le sujet un état de saisissement, qui peut, dans certaines conditions, être favorable à la thérapie. Jung pense, par exemple, – l’ayant expérimenté sur lui-même et l’ayant remarqué chez ses patients – que les effets déterminants, la force de conviction de l’archétype du soi – l’archétype organisateur du processus d’individuation – proviennent de sa numinosité, c’est-à-dire de sa charge énergétique spécifique. Notre sentiment est ainsi touché, malgré le rejet prévisible de ce processus inconscient par notre rationalité, toujours orientée vers une conception plus univoque, excluant les contraires.

28Le deuxième élément conceptuel intéressant très directement la clinique est le symbole. Si la numinosité caractérise l’archétype dans ses effets et sa prégnance sur le sujet, que peut-on dire de son sens, au moment de son émergence, ici et maintenant ? La conception jungienne du symbole répond à cette question en tenant compte de la langue particulière de l’archétype, des images typiques qui le représentent, de leur ambiguïté, de leur polysémie. Dire de l’image d’un rêve qu’elle est symbolique signifie alors qu’elle n’est pas rejetée par le moi pour son absurdité apparente, mais, qu’au contraire, elle l’interroge, l’étonne et le fait réfléchir. Jung précise que le sens recherché ne se trouve pas au-delà de l’image mais en elle, car elle exprime au mieux ce qui se trame, à ce moment-là, entre l’inconscient et la conscience. L’interprétation est une question de temps et un appel à la conjonction de la pensée intuitive et du sentiment, car elle seule peut appréhender une réalité aussi hybride.
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Dans le moment de profonde régression qui a suivi, de 1912 à 1917, sa rupture avec Freud, Jung s’est confronté aux images numineuses de l’inconscient en acceptant d’être affecté par elles. Cette expérience intérieure […] lui a fait découvrir « que l’afflux des contenus inconscients vivifie et enrichit la personnalité, et édifie une forme qui surpasse […] le moi en ampleur et en intensité.
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L’inconscient n’est pas seulement telle ou telle chose, mais l’inconnu qui nous affecte immédiatement.
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Aimé Agnel
La conception jungienne de Dieu – d’un dieu mis volontiers entre guillemets pour que le mot ne crée pas magiquement la chose – est une conception complexe et concrète. Complexe, car si Jung reconnaît l’existence en l’homme d’un facteur puissant et autonome, d’un Autre inconnaissable que le moi ressent comme plus grand que lui, il rejette dans le même temps toute croyance, tout recours à la métaphysique et toute adhésion à une religion particulière. Concrète, car seule compte pour Jung l’expérience individuelle immédiate : celle des mystiques, par exemple, mais aussi la sienne propre et celle de ses patients. Un dieu abstrait ne peut pas être compris psychologiquement. « Dieu » ne peut être un contenu de l’âme, et ne devient donc relativement observable qu’en tant qu’image, que figure, que symbole ressentis. C’est pourquoi Jung parle toujours d’imago Dei, d’une image de Dieu, c’est-à-dire d’une réalité psychique autonome (qu’on peut alors approcher par le moyen des termes techniques de complexe ou d’archétype) et non d’un Dieu extérieur à l’homme, d’une entité qui serait douée, comme le dit Jung, « d’une existence non-psychologique » [1]
[1]
Jung C.G., Psychologie et religion, Paris, Buchet/Chastel,….

2La position de Jung est claire, même si elle est complexe. C’est celle d’un scientifique qui se demande, à propos de cette question habituellement posée en termes métaphysiques ou d’une façon dogmatique, « jusqu’où la science peut aller » [2]
[2]
Jung C.G., Correspondance 1955-1957, Paris, Albin Michel, 1995,…. Celle d’un psychologue privilégiant l’attitude phénoménologique et l’empirisme, pour lequel, je le cite, « la seule forme d’existence dont nous ayons la connaissance immédiate est psychique » [3]
[3]
Jung C.G., Psychologie et religion, op. cit., 1958, pp. 25 et…, et qui considère, d’autre part, que tout ce qui est vécu dans l’âme est réel, quel que soit par ailleurs le jugement qu’on puisse porter sur le degré de vérité de ce vécu. Les preuves de l’existence de Dieu sont donc, de ce point de vue, nulles et non avenues, ou tout simplement inutiles, car non pertinentes.

3Bien entendu, cette position scientifique nettement affirmée et rigoureusement tenue comporte un soubassement subjectif. Jung ne nous a-t-il pas appris que chaque théorie est « l’expression la plus vraie de la psycho-logie personnelle » de son auteur, qu’elle contient, nécessairement, une certaine « profession de foi » [4]
[4]
Jung C.G., La Guérison psychologique, Genève, Georg, 1953,… ?

4Tout se passe en effet comme si le débat qu’enfant, Jung n’avait pas pu avoir avec son père pasteur sur les grandes questions religieuses, était repris, réengagé par lui dans ses écrits théoriques et sa correspondance – comme c’est le cas, sur un autre registre, pour le dialogue interrompu avec Freud, qui est présent tout au long de son œuvre, des Métamorphoses et symboles de la libido de 1912 au texte théorique ultime sur la conscience morale [5]
[5]
Jung C.G., « La conscience morale d’un point de vue….

5Son père pasteur est pour Jung un représentant type de ces religions qu’il préfère appeler « confessions », tant elles lui semblent privilégier, par leur conception conformiste du dogme, le temporel, le collectif et la morale conventionnelle. D’où, par moments, une certaine animosité dans le discours. Mais c’est cette confrontation subjective avec le père qui donne, par ailleurs, un tour si vivant à la démonstration.

6Jung reproche à son père (et, après lui, aux théologiens avec lesquels il est en correspondance) le fait qu’il lui ait manqué l’expérience de Dieu et qu’il ait dû, par conséquent, remplacer cette connaissance intime par une foi aveugle, c’est-à-dire un acte volontaire du moi, qui ne pouvait être maintenu que par le sacrifice de la pensée. « Les Églises, écrit-il en 1957 dans Présent et avenir, prônent des convictions traditionnelles et collectives qui, pour beaucoup de leurs adeptes, ne reposent plus en aucune manière sur une expérience intérieure personnelle, mais uniquement sur une croyance irréfléchie, croyance qu’on ne perd que trop facilement quand on commence à se laisser aller à la réflexion » [6]
[6]
Jung C.G., Présent et avenir, Paris, Buchet/Chastel, 1962,….

Découvrir Cairn-Pro7Jung ne conclut pas pour autant que toute foi serait une illusion. La réflexion pour lui n’est pas une rationalisation qui nous délivrerait d’un leurre. Elle est essentiellement une attitude, un arrêt dans l’écoulement naturel des choses [7]
[7]
Jung C.G., Essais sur la symbolique de l’esprit, Paris, Albin…, un après-coup, une liberté qu’on se donne et qui aboutit comme par surprise à un état de conscience que Mallarmé a justement nommé « conscience de l’écho » [8]
[8]
Mallarmé S., « Crayonné au théâtre », Œuvres complètes, Paris,…. À la « soumission totale à la foi » exigée par de nombreuses confessions, Jung oppose – ce sont ses mots – un Dieu qui « se révèle dans l’acte de réflexion humain » [9]
[9]
Jung C.G., « Essai d’interprétation psychologique du dogme de…. Il faut relire, pour bien comprendre cette phrase, le souvenir d’enfance rapporté par Jung dans son autobiographie : cette vision qu’il eut à douze ans du Bon Dieu siégeant dans le ciel sur son trône d’or [10]
[10]
Jung C.G., Ma vie. Souvenirs, rêves et pensées, Paris,…, et l’interdiction qu’il ressentit pendant deux jours de laisser l’image aller jusqu’au bout d’elle-même. Quand il s’autorisa enfin à penser, à penser ce qu’il ignorait, c’est-à-dire à réfléchir, il sut quel était le destin de cette image : «... de dessous le trône un énorme excrément tombe sur le toit neuf et chatoyant de l’église; il le met en pièces et fait éclater les murs » [11]
[11]
Ibid., p. 59.. Vision scatologique, incongrue et dérangeante, qui n’a d’équivalent en littérature que dans l’imaginaire d’un Georges Bataille.

8Jung a dû pressentir, à cet âge précoce, et à travers les deux temps de cette vision, combien il était difficile et dangereux pour le moi (à cause des risques de dissociation) d’accepter la mise en tension des pôles contraires : le Bon Dieu, d’une part, et le Dieu destructeur de l’autre, qui ne forment pourtant qu’une seule image de Dieu.

9Le moi a une capacité de synthèse réelle mais relative. On pourrait dire qu’il n’accède qu’à contrecœur à la complexité. Il choisit d’habitude un pôle contre l’autre, ce qui lui fait confondre – c’est plus facile et plus pratique, nous en avons tous fait un jour l’expérience – l’unilatéralité du jugement avec l’unité de l’être. Ce n’est pourtant que lorsque le moi peut penser contre lui-même, qu’il ne rejette pas, par conséquent, la contradiction interne ou les conflits de devoir, que la conscience s’accroît. « J’eus l’impression d’une illumination, note Jung. Bien des choses s’éclairèrent pour moi que je n’avais pas pu comprendre auparavant. J’avais fait l’expérience de ce que mon père n’avait pas saisi – la volonté de Dieu à laquelle il s’opposait à partir des meilleures raisons et à partir de la foi la plus profonde. C’est pourquoi il n’avait jamais vécu le miracle de la grâce (...) il ne connaissait pas le Dieu vivant [12]
[12]
Ibid., p. 60. (...) »

10Le Dieu qui « se révèle dans l’acte de réflexion humain » est donc un Dieu vivant, un Dieu qu’il faut craindre, entre les mains duquel il vaut mieux ne pas tomber, un Dieu composite, en lequel les opposés se heurtent, entrent en conflit, laissant apparaître une étrange unité plurielle.

11Par cette expérience immédiate d’une divinité complexe, Jung s’inscrit dans une filiation à laquelle son propre père n’a pas eu accès : celle des mystiques, ces expérimentateurs solitaires, dont Gershom Scholem a montré, dans son beau livre sur La Kabbale et sa symbolique, combien leurs rapports avec l’autorité religieuse ont été difficiles, dans les moments mêmes où ils se sont efforcés de « communiquer à autrui (...) les illuminations qu’ils ont reçues et les expériences qu’ils ont péniblement acquises » [13]
[13]
Scholem G., La Kabbale et sa symbolique, Paris, Payot, 1966,…. Difficultés que Jung connaîtra tout au long de sa vie, qui le condamneront à une certaine solitude, et qui lui feront rechercher dans les temps les plus anciens « la préfiguration historique de (ses) expériences intérieures » [14]
[14]
Jung C.G., Ma vie, op. cit., p. 233., et les prémisses de cette image d’un dieu « non clivé » (l’expression est de Jung), contenant, conciliant paradoxalement les contraires : Bien/Mal, Haut/Bas, Masculin/Féminin...

12Ce fut d’abord l’étude de la Gnose, à partir de 1918, puis celle de l’Alchimie, dans les années trente, et enfin, sans doute sous l’influence des conférences de Gershom Scholem faite aux rencontres d’Eranos, celle de la Kabbale, vraisemblablement au début des années cinquante.

13Jung s’est reconnu dans ces trois courants religieux non orthodoxes, qui ont su développer leurs troublantes intuitions à côté – on pourrait dire en dessous – des Traditions dominantes, par un long travail, une longue réflexion sur l’ombre, le laissé pour compte de ces Traditions : en particulier les aspects chthoniens de la divinité, et la question du Mal, considéré pour lui-même et non pas en tant que privation boni, absence de bien.

14Gnostiques, alchimistes et kabbalistes ne s’interdisaient pas de penser, et même de penser contre, ayant su établir, avant la lettre et sans a priori, une relation vivante avec ce que Jung appelle « le monde originel de l’inconscient » [15]
[15]
Ibid., p. 234..

15Ceci n’aurait cependant qu’un intérêt secondaire, purement biographique, si Jung n’avait pas découvert une étonnante analogie entre ses expériences de l’enfance, confortées par cette riche filiation historique, et les rêves, les visions et les dessins spontanés de ses patients.
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