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Citation de colka


Parfois quand on écrit un livre, on exprime sans le vouloir, sans le savoir, sans s'en rendre compte sur le moment, une vérité sur soi-même qui, généralement, a peu de liens avec le déroulement de l'oeuvre, son objectif, son esthétique. J'ignore comment ces jaillissements ont lieu. Cela tient peut-être à la valeur médiumnique de l'écriture. Cela advient par surprise, dans la gratuité du geste, dans l'inconscience du propos. La plupart du temps on ne repère cet heureux accident qu'à la relecture, et le plus souvent, lors d'une relecture tardive.
Il existe un lien pour moi entre exil et lecture, entre déportation et lecture, entre persécution et lecture, entre humiliation sociale et lecture, entre le mot "juif" et le mot "livre". Des années durant j'ai refusé de lire parce que mon grand-père maternel avait été déporté, parce que la famille de mon père avait été contrainte de quitter la Libye, puis l'Algérie, parce que malgré nos efforts, nous n'étions jamais suffisamment français, parce que la lecture par un malheureux jeu de passe-passe, avait été associée à la France, la France au terroir, le terroir à ce que je ne connaîtrais, ne posséderais jamais.
La lecture c'était un autre genre d'effraction, la pénétration d'un cerveau dans le mien. Cela expliquerait ma réticence, entre vingt et quarante ans, alors même que j'étais devenue une lectrice vorace à lire Marcel Proust. "Je ne peux pas avoir ce type installé comme ça dans ma psyché vingt-quatre heures, sur vingt-quatre, déclarais-je. Il est trop présent, trop encombrant."
Il s'agit pour l'écrivain de confier au langage le soin de transmettre au lecteur une impression qui, à l'origine, n'était pas faite de mots. L'objet à apprivoiser, à cerner, à décrire est fait de lumière, d'intensité, de parfum, d'épaisseur, de saveur, il évolue, se transforme, se dérobe à l'analyse.
Ecrire n'est pas un choix, c'est une nécessité, mais cela n'a jamais aidé personne à vivre, et surtout pas l'auteur lui-même. La fatigue que génère cette activité contrebalance et, la plupart du temps, annule les moments d'euphorie liés à la trouvaille, à l'adéquation, même illusoire, même passagère, entre ce qui précède les mots et ce que ces derniers parviennent, toujours très mal, à exprimer.
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