Autrefois
Jusqu'au dernier client
Au portemanteau brun du restaurant
L'invisible restait pendu.
Dans tes yeux
Se promènent des inconnus
Qu'on ne voit que de dos.
Ils retournent au silence des avenues.
Des hommes jettent des ponts
Entre deux banques, deux magasins.
l'invisible franchit l'air
Et n'étonne personne.
Les détails.
Quels détails ?
Avec des bruits divers
De toutes les tailles
Des détails
Prenaient l'air
Rasant les murs.
15 juin
Je veille à ce qu'aucun linge ne soit oublié sur le bras du fauteuil où je voudrais voir une longue main posée en apprécier la patine.
Au gouffre de l'attente un jour un être en gloire viendra de très loin pour me visiter. Nous parlerons de choses graves et le visiteur repartira dans la fièvre d'un retour proche conquis par une conversation criblée de mots brulants comme des météores.
20 juin
Par-delà les toits je fixe au loin un mont grisâtre dans le bouillon du ciel.
D'autres regards s'y rencontrent à vol d'oiseau et règnent sur cette onduleuse certitude sans autre solution que celle de voir grandir les forces d'un premier âge de la contemplation….
24 juin
J'ouvre la fenêtre et me dresse contre l'orage, orgueil du vieux monde.
La jeunesse est de le regarder en face cet éclair qui jouit de sa domination sur la ville et ses habitants désarmés. J'attends de cette mouvance nuageuse qu'elle me donne des pouvoirs clandestins capables de m'unir à tous ceux qui tendront leur corps vers la menace avant d'être ensevelis sous la pluie.
21 juillet
Je sors à l'appel aérien d'une folle certitude dont je ne connais ni l'origine, ni l'aboutissement charnel.
Je dois ignorer que cette promenade me mènera vers l'inconnu dont la beauté de la rencontre imprimera en moi des mots graves sous le poids céleste d'une joie dont je goûte déjà l'interdit.
Crier
et que mon cri arrache cette opacité qui m'étouffe,
ce souffle qui advient quand la parole s'ensable
dans le désert du milieu où grouille l'imprenable.
La parole fertilisera cet abandon de vie. Elle
nommera ce qui s'éteint et franchira le champ
clos de la mémoire, d'un seul jet d'abeilles.
Nous n'avons que notre trace pour mourir et
le chemin alerte qui nous servait de guide dans
l'aridité des lendemains. Il faut désancrer et jeter
les boussoles dans les fourrés.
Changer l'obstacle, changer le crime en férocité
d'aimer jusqu'aux racines du chemin et apprendre
le dire, mot à mot, pour aimer encore plus la
patience de demeurer, fier comme une aube.
Il fait une rage de nuit
Où les miracles tus
Percent comme bourgeons de deuil.
Le sens est au vent
A l'apparition dentée de roses
Qui effraie le mystère même.
Chacun est à son poste
Dans l'avenir sans âge.
Quelle forme as-tu en ton royaume ?
Petit marcheur parmi les roses
Au rire envahi par un monde grave
Chaque pas soustrait au temps
T'affame de grandir
De pousser plus loin battant des bras
Dans l'allée où fuient tous les corps
Dans l'oubli traversé de soleils sans visage.
tu passes
Rêveur sans rêve.
Apparence de l'écho de rien
Ta nuit dans les pieds
Pas à pas.
Petite somme de rien du tout
Qui amasse encore le petit peu d'aujourd'hui.
Éclipse de la parole,
disque noir de la sécheresse qui interdit toute
vision sinon de constater l'absence de tout regard
vers le présent, l'épouvante du rien à dire qu'éprouvent
toutes les formes de l'attente.
Il n'est pas facile de brandir la parole quand elle
se meurt dans une infâme géométrie de gestes et
d'artifices qui n'appartiennent qu'à des ombres
à couper au couteau dans le brouillard des secondes.
Recommencer le désert avec un nouveau sable et
l'aridité de la parole. Donner à boire aux mots
assoiffés et vivre pas à pas une errance d'étoiles….
Nargué par l'image qui déploie ses plumes blanches,
bientôt l'écriture ne sera plus qu'un rituel d'oiseau.
Noire est la parole et des plantes tropicales que
je ne connais pas enlacent mon cœur. Noire
est la parole et je ne peux dire un nom de fleur
qui la rendrait éclatante. C'est qu'aux confins
de la langue règne la sève des grands fleuves
où ne s'aventurent que les souvenirs du sang.
Parole de terre et d'eau. J'ai partagé avec l'autre
que je ne connais pas ce festin de lumière. Et
le sentier est devenu plus facile, moins caillouteux.
Quelle victoire du froid se mêle à l'éternité du songe ?
Ténèbre et mouvance apportent leur chaos céleste. Finalité de houille
des ciels tirant leur glaise de nuages obscurs qui ne voient qu'une
terre inhabitée et seule mélangée à la poussière de fer astral. Tous les
messages appellent à la démesure du danger, à la tutelle de ce nouveau
siècle apparu comme un fleuve suspendu. Attaque et force rassemblent
leur énergie sombre. Tout est incalculé et vieux. Pourtant les veilleurs
articulent encore quelques mots de vigie.
Enfance
Nous avons la mémoire de ce ciel
Nous habitions la lumière
Nous étions propres
Nous vivions l'intime transparence du monde
Nous cheminions parmi les fragiles images
Le vent nous abritait.
Prières
Je voudrais l'immanence d'un sourire
La fraîcheur des heures dans ma poitrine
Chaque mot tombé du chaos de ta bouche
Dans le silence de mes paumes.
la fenêtre est au vide accrochée
Nulle part est un abri
Forcené, les cris enchantent les colombes de fer
Il fait une sombre algèbre, un temps coutumier
Tu n'as garde que de pétrir de l'air vivant
Et rien n'approchera ta douleur
Ta douleur d'étreindre l'inconnu,
Fiancé léger des nuits….