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Critiques de Albert Boissière (8)
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L'homme sans figure, tome 1

Ma première lecture des romans d'Albert Boissière et je dois reconnaître qu'il sait manier les mots, embrouiller les pistes et qu'il possède un machiavélisme sans borne !!



Tout autant que ses malheureux personnages principaux, difficiles à qualifier de héros, je me suis engouffrée dans le puits de ses idées et je me suis retrouvée asphyxiée, puis libérée et de nouveau plongée dans les affres infinies de son roman !



Le tome 2 est devenu indispensable et il est inimaginable de rester sur ces péripéties.



Challenge 50 Objets 2022/2023

Challenge Mauvais Genres 2023

Challenge Riquiqui 2023
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Z, le tueur à la corde

Raaah !!! Albert Boissière... Albert Boissière... Albert Boissière... après tout le plaisir littéraire que tu provoques en moi de roman en roman puis-je malgré tout t’en vouloir de remettre en cause mon objectivité et, du coup, la subjectivité que je puis reprocher à autrui plus souvent qu’à mon tour.



Mais, tout comme l’auteur qui démontra son art du « Teasing » (ou aguichage) à une époque où le mot n’existait pas encore, je reviendrais plus tard sur mon assertion première, préférant tout d’abord présenter aux yeux des malheureux lecteurs qui ne le connaîtraient pas encore, l’un des plus talentueux romanciers, feuilletonistes et conteurs du début du siècle précédant.



Albert Boissière, grâce, notamment, à de récentes rééditions numériques de certains de ses textes, est désormais accessible au commun des lecteurs et non plus uniquement aux afficionados des lectures anciennes et autres archéologistes littéraires passionnés des plumes d’autrefois.



Pour autant, il faut bien reconnaître qu’Albert Boissière demeure actuellement toujours aussi inconnu de la plupart des bibliophages et autres papivores, c’est dire ce qu’il en est auprès des plus retors à l’expérience de l’aventure par les mots.



Donc, puisque vou m’y forcez, je m’en vais vous parler un petit peu de cet excellent auteur qui mériterait plus que bien des Best-sellerophiles actuels de demeurer dans l’esprit de chacun et de faire vibrer l’âme de tout ceux pour qui les mots comptent.



Jean-Baptiste-Eugène-Albert Boissière, né en 1864 ou 1866 et mort en 1939 fut un feuilletoniste, romancier, poète, conteur, novelliste qui œuvra depuis la toute fin du XIXème siècle jusqu’à sa mort. Sa production fût principalement destinée aux journaux de l’époque pour lesquels il écrivit de nombreux romans et contes qui furent par la suite réédités sous la forme de romans et même traduits dans plusieurs pays d’Europe et d’ailleurs.



Difficile d’établir une liste exhaustive de ses textes tant l’homme a écrit.



Mais, ce que l’on découvre à travers ceux-ci, c’est qu’Albert Boissière, outre être un véritable poète, savait manier à la fois l’humour et la langue et qu’il avait un réel talent de conteur.



Cependant, le meilleur moyen de découvrir Albert Boissière (comme tout écrivain, d’ailleurs), étant encore de le lire, je vous laisserais vous faire votre propre avis en vous confrontant à sa plume.



M. Stephenson, un génie en aéronautique anglais du début du XXème siècle, se rend en France pour suivre les exploits des pionniers du vol motorisé.



En France, il fait la rencontre à Reims, ville dans laquelle se tient un important meeting, du couple Grenet, qu’il retrouve par hasard à Paris, quand il s’installe rue Marbeuf.



Un jour, Mme Grenet, en sortant de chez elle, le prévient que son mari veut le voir en tête à tête et Stephenson découvre alors le mari pendu dans la salle à manger.



En s’enfuyant, Stephenson croise la logeuse qui va le dénoncer à la police, car, en fait, M. Grenet a été étranglé avant d’être pendu. Chez Stephenson, la police découvre un début de lettre sur du papier à en-tête laissé par l’ancien propriétaire marqué de la lettre Z.



Très vite, le juge Marathon, chargé de l’affaire, surnomme Stephenson « Z, le tueur à la corde » et, tombé sous le charme de Mme Grenet, va tout faire pour l’innocenter...



4ème et ultime roman mettant en scène le personnage secondaire du juge Marathon que l’on avait pu découvrir dans « La tragique aventure du mime Properce » pour le retrouver, par la suite, dans « Un crime a été commis », puis, « L’homme sans figure ».



Le juge Marathon, bien qu’honnête et droit, et un juge butté et persuadé d’avoir raison même quand il a tort... surtout quand il a tort...



Aussi, quand il se persuade que Stephenson est bien « Z, le tueur à la corde », il ne va pa lâcher l’affaire et va lui aussi vivre une terrifiante et tragique aventure.



Dans « La tragique aventure du mime Properce », Albert Boissière nous avait démontré qu’il était déjà maître dans l’art du mystère, de l’humour et de la narration.



Avec un texte parfaitement ciselé pour mettre en valeur ses traits d’humour, il démontrait que, bien que probablement écrit très rapidement, ses textes étaient à la fois réfléchis et calculés afin de créer des effets voulus (ici, humoristiques).



Dans « Un crime a été commis », Albert Boissière prouvait (s’il en était besoin), qu’il maîtrisait parfaitement la narration à la première personne et qu’il savait reléguer l’humour au second plan au profit de son intrigue et de ses personnages.



Mais, à travers « Z, le tueur à la corde », Albert Boissière démontre également qu’il savait préparer d’autres effets grâce à l’art du « Teasing » dont je parlais au début.



Effectivement, tout au long de ce roman qui avoisine les 70 000 mots, l’auteur nous dévoile à l’avance, subtilement, à travers le personnage de Stephenson, qui est le narrateur de son aventure qu’il a couchée sur papier, ce qui va advenir aux personnages et, pourtant, le lecteur est à chaque fois happé, car s’il sait que tel ou tel personnage va être mangé par l’histoire, il ne sait pas encore à quelle sauce ni à quel moment.



On pouvait reprocher (pas moi) à Albert Boissière, dans l’aventure de son mime, de se cacher derrière son humour pour construire son intrigue, prétextant la légèreté de l’ensemble pour expliquer les coïncidences qui clairsemaient son histoire.



On aurait eu tort, car l’auteur persiste et signe dans les ouvrages suivants et plus encore dans celui-ci en basant toutes ou parties de ses intrigues sur les malencontreux hasards de la vie.



Et c’est là que rentre en ligne de compte la « subjectivité » dont je parlais au départ dans une tentative de « Teasing » tout aussi personnelle que maladroite.



Car, le lecteur assidu de mes chroniques que tu n’es forcément pas, car il n’en existe pas d’autre que moi, pourrait alors me ressortir celle que j’écrivis suite à ma lecture de « Maurice Gillar, détective » de Marcel Idiers, texte pourtant légèrement postérieur à celui dont il est question aujourd’hui, et dans lequel je reprochais à son auteur, Marcel Idiers, donc, de baser l’intégralité de son intrigue sur des ficelles hasardeuses aussi grosses voire grotesques que celles utilisées presque 200 ans plus tôt par Voltaire pour l’élaboration des aventures de Candide. Mais Voltaire, lui, avait pour excuse la naïveté de son personnage et des lecteurs de l’époque, naïveté qui seyait parfaitement à son intrigue.



Marcel Idiers, presque deux siècles plus tard, n’avait plus cette excuse.



Et, pourtant, on pourrait reprocher la même chose à Albert Boissière, du moins dans sa production policière. Effectivement, l’auteur s’appuie un peu, beaucoup, passionnément sur les hasards de la vie pour faire avancer son histoire. Et c’est peut-être encore plus le cas dans « Z, le tueur à la corde » que dans les précédents romans.



Alors, oui, d’aucuns diraient que moi aussi je sais faire preuve de subjectivité et que je suis capable d’apprécier chez l’auteur aimé ce que je reproche chez celui que j’abhorre.



À cet importun, je rétorquerai que, oui, j’aime Albert Boissière d’un amour de lecture incommensuré, mais que je ne déteste pas pour autant Marcel Idiers dont au moins la série « L’Homme au stylo » trouve grâce à mes yeux.



Plus encore, je pourrais mettre en avant que ce qui fait la différence entre ces deux cas d’école et entre les deux auteurs s’appelle tout simplement : le Talent ! avec un grand T.



Mais si l’on se penche un peu plus sur les productions des deux auteurs, on constatera que ce qui fait toute la différence, hormis ce fameux talent dont je parle, c’est avant tout la façon dont les choses sont amenées, mais, plus encore, le but de l’utilisation de cette facilité scénaristique, qui n’en est pas, une facilité, chez Boissière.



Car Albert Boissière assume et s’amuse des hasards qui peuplent son récit, les expliquant même, de la bouche de son héros, par l’intermédiaire d’une histoire que son grand-père (au héros, pas à Boissière), lui contait quand il était jeune à propos d’un chasseur borgne qui, lors d’une partie de chasse, reçoit un plomb, un seul, dans l’œil, le valide, le rendant aveugle.



Et cette histoire, le personnage la ressort plusieurs et notamment dans l’épilogue du roman, comme une explication à ses aventures.



Mais Boissière ne se contente pas de s’amuser que de son utilisation du hasard dans ses intrigues, il s’amuse également de lui-même, n’hésitant pas à faire dire à son héros narrateur de l’histoire que s’il était un véritable écrivain, un bon romancier, il écrirait autrement pour ménager ses effets et surprendre le lecteur. On retrouve dans cette attitude, peut-être, la mélancolie de l’auteur populaire qui n’est pas reconnu à sa juste valeur pour son talent, comme on a pu la retrouver plus tard dans bon nombre des aventures de San-Antonio à travers des piques qui, si elles étaient plus crues et plus directes, n’en émanaient pas moins de la même blessure égotiste justifiée.



Car, l’un et l’autre des deux auteurs cités ont été en leurs temps reconnus comme des auteurs populaires plus que comme des écrivains à part entière alors que l’un et l’autre maîtrisaient la langue avec maestria, le premier dans un langage désuet de son époque, le second, dans une langue argotique nouvelle et déjà renouvelée par lui.



Mais revenons à l’ouvrage lui-même et aux péripéties de M. Stephenson qui va alors tomber de Charybde en Scylla entraînant avec lui Mme Grenet ou entraîné par elle, mais également M. Marathon et bien d’autres personnages.



Car l’aventure se trouve être exaltante bien que constamment construite sur le hasard, mais tout n’est-il vraiment que hasard et sur les sentiments humains des plus nobles jusqu’aux plus inavouables.



Et Albert Boissière n’hésite pas à rendre humains ses personnages, ne reculant même pas devant le risque de les rendre moins héroïques, voire, pathétiques.



C’est là toute la réussite de cet exaltant roman dans lequel Albert Boissière ne se cache plus derrière son humour ni derrière sa poésie tout en n’évitant pas de parler de l’âme humaine dans toute sa complexité.



Bien sûr, on retrouve des fulgurances d’humour, de poésies, d’une certaine morale qui avaient déjà fait le sel des précédents romans, mais l’on trouve ici quelque chose de plus... la suspicion !



Le doute s’immisce dans les personnages. La question de la culpabilité ! Est-on parfaitement innocent à partir du moment où l’on n’est pas coupable ? Peut-on aimer quand le doute vous ronge ? Et qu’en est-il des coupables innocentés ?



Bref, des questions secondaires qui ne font qu’apporter une touche supplémentaire d’intérêt et d’humanité à un récit qui se veut avant tout exaltant et trépidant et qui y parvient parfaitement.



Je pourrais encore écrire des heures sur la production de l’auteur qui me ravit plus encore à chaque nouvelle lecture, pointer du doigt les qualités intrinsèques ou extrinsèques de la plume d’Albert Boissière, vous énumérer les atouts de ses romans, m’exalter à en sembler dénué de raison, mais il est préférable de se faire son propre avis et je me contenterai, alors, de vous inviter expressément à vous jeter sur « Z, le tueur à la corde », un excellent roman, un de plus, d’Albert Boissière, un auteur trop injustement inconnu de nos jours.



Au final, j’aimerais n’avoir qu’à citer le nom de l’auteur pour que celui-ci suffise à exprimer toutes les qualités de son roman tant l’homme était talentueux, mais, malheureusement, je suis contraint, face à l’injuste méconnaissance de mes prochains de la prose de Boissière à dire qu’il s’agit là d’un excellent roman, un de plus à mettre au compte d’Albert Boissière.
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L'homme sans figure, tome 1

Albert Boissière est un auteur très très injustement oublié.



Pourtant, Albert Boissière, de par la qualité et la quantité de sa production, depuis la toute fin du XIXe siècle jusqu’à la fin du premier tiers du XXe siècle, mériterait de demeurer dans l’esprit des lecteurs d’aujourd’hui.



Romancier, nouvelliste, conteur, Albert Boissière enchanta les lecteurs de son époque à travers ses romans diffusés en feuilletons dans les journaux ou en livres papier.



Romans sentimentaux, d’aventures, policiers, tout est prétexte, pour l’auteur, de se montrer comme témoin des mœurs de son époque, de proposer une vision de l’âme humaine sous ses différentes formes, mais, surtout, de combler les lecteurs en proposant des histoires pleines de rebondissements, d’humour, de poésie et d’humanité.



Barrabas, un artiste sculpteur bohème, découvre, en rentrant de la pêche, sa femme, morte, dans son atelier, d’un coup de marteau à la tête.



Son fils est prostré et avoue le meurtre, avançant comme mobile que sa mère lui a refusé 5 louis.



Pensant respecter les volontés de sa défunte épouse, Barrabas décide de sauver son fils en s’accusant à sa place par une lettre laissée sur les lieux du crime.



Il s’enfuit alors, ne sachant encore que faire, quand, par hasard, il rencontre un riche américain qui cherche un pauvre hère pour prendre l’identité de son associé décédé il y a 20 ans.



Alors Barrabas, devenu Jonathan Brentano, va devenir la marionnette de son sauveur et jouer un rôle déterminant dans la vengeance de ce dernier envers le fils né de l’adultère entre sa femme et le vrai Brentano...



Pousserai-je le bouchon un peu loin en affirmant que Albert Boissière était un Génie de la littérature ?



Bien évidemment, la puissance de ce terme pourrait être remise en cause en fonction du goût et de l’appétence du lecteur pour la prose d’Albert Boissière.



Aussi, je crierais haut et fort et sans risque de me tromper que Albert Boissière était un écrivain génial.



Aussi génial que mésestimé à l’époque, probablement.



Aussi génial qu’inconnu aujourd’hui, assurément.



Génial parce que conteur de génie.



Génial parce que manipulateur de mots dans l’excellence.



Génial parce qu’illusionniste des sentiments sans pareil.



Génial parce que témoin pertinent des mœurs de son époque.



Génial parce qu’humoriste admirable.



Génial parce qu’il parvenait à mêler toutes les qualités que je viens de citer dans un seul et même texte.



Génial parce qu’il savait se réinventer tout en reproduisant un même schéma.



Car, qui a lu les contes de Albert Boissière, sait qu’il était doué d’un humour sans égal, qu’il aimait croquer les défauts de ses contemporains.



Car, qui a lu son roman « La tragique aventure du mime Properce » sait que l’auteur ciselait à merveille ses textes et les paraît, probablement par timidité, par humilité, d’une cape de fantaisie et d’humour.



Car, qui a lu son roman « Un crime a été commis » sait que le romancier était passé maître dans l’art de la narration et du suspens grâce à une construction millimétrée de son histoire.



Car, qui a lu plusieurs ouvrages d’Albert Boissière, sait que celui-ci se complaisait à jouer du Hasard de la vie, pour manipuler ses personnages et ses lecteurs.



Mais qui eut pu se douter que ce grand écrivain, n’ayons pas peur des mots, parviendrait à se renouveler, à renouveler le plaisir du lecteur, en usant, à chaque fois, d’une même structure, d’une histoire similaire, d’un scénario aux rebondissements calés sur les mêmes stigmates ???



Probablement ceux qui ont dévorés « Z... le tueur à la corde » et « L’homme sans figure » deux romans d’Albert Boissière qui rivalisent d’excellences en puisant pourtant dans la même source.



Car, quand on a lu l’un, difficile de penser qu’avec les mêmes ingrédients, l’auteur parviendra à renouveler le même plaisir de lecture. Et, d’ailleurs, non seulement, il y parvient, mais, mieux, il réussit l’exploit d’accroître encore ce plaisir... et ce, malgré le fait que le lecteur averti a connaissance des ficelles que l’auteur va employer pour faire avancer son intrigue. Et ce, malgré qu’Albert Boissière, lui-même, à travers la narration à la première personne, distille au fur et à mesure des révélations sur les actes qui vont se produire.



Et, si cette fois, tout comme pour « Z... le tueur à la corde », Albert Boissière se dépouille de son humour, du moins de façon trop marquée, c’est pour mieux manipuler le lecteur, le subjuguer, le retourner, l’émouvoir.



Oui, il faut bien l’avouer, « L’homme sans figure » et « Z... le tueur à la corde » fonctionnent sur le même canevas, usent des mêmes artifices, d’identiques structures, narratives, émotives, constructives...



Certes, on rapprochera le héros des mésaventures de « Z... le tueur à la corde » à celui de « L’homme sans figure ». Et, si les héros sont comparables, leurs mésaventures le sont tout autant bien que dans le cas qui nous concerne aujourd’hui, les proportions sont encore plus grandes, plus grandioses...



Il n’y a pas de mot pour exprimer le génie d’un artiste. Aussi, je gagnerais probablement mon temps à me taire et devrais-je me contenter de vous inviter à vous plonger le plus rapidement possible dans la prose d’Albert Boissière ! Mais cela serait-il suffisant à vous convaincre de le faire ?



Je ne sais. Si j’en étais certain, je le ferais :



Dévorez l’œuvre d’Albert Boissière !



Malheureusement, même mon plus bel empressement, même ma plus grande exaltation, ne seraient pas suffisants à vous convaincre tous et, pourtant, en n’y réussissant point, je ferai passer certains d’entre vous à côté du plaisir de connaître la plume de cet auteur trop mésestimé à son époque et trop méconnu à la notre.



Nul besoin d’entrer dans les détails techniques de ses romans, de dire combien ils sont empreints d’humanité, d’espoirs, de désespoirs, de hasards et de fatalités.



Inutile de vous assurer retrouver une plume qualitative maniant à la perfection notre si belle langue avec toutes les subtilités et tout le vocabulaire que les auteurs d’aujourd’hui ont mis de côté pour satisfaire le plus grand nombre de lecteurs possibles, pensant, probablement à raison, que les mots inusités peuvent dérouter une grande partie de leur lectorat, qu’il n’y a pas pires supplices pour certains lecteurs que de méconnaître le sens d’un mot...



Peut-être parce que, ces lecteurs, face à un mot inconnu se sentent stupides, alors que, dans une telle situation, ils devraient se sentir heureux d’accroître leurs connaissances assurant ainsi la véracité de l’adage qui dit que l’on apprend à tout âge.



Mais là n’est pas la question ni le débat. Ne détournons pas (et quand je parle au pluriel, je ferais mieux de m’exprimer au singulier) cette chronique de son but premier : mettre en avant l’immense talent d’un écrivain que vous ne connaissez probablement pas, dont j’ignorerais probablement moi-même l’existence si, un jour, par hasard, je n’avais acheté deux romans de lui, parce que les livres n’étaient pas chers, parce que le titre de l’un, « La tragique aventure du mime Properce » m’avait interpellé, à cause de la profession, du prénom, parce que l’illustration de la couverture m’avait plu...



Et si je ne m’étais plongé dans la lecture de l’un des deux, « Un crime a été commis », dont j’avais grandement apprécié le style, l’histoire, sa construction et ses personnages, je ne me serais jamais plongé dans l’autre, un excellent roman dont je ne peux que vanter les qualités (plume, narration, humour, personnages, construction).



Mais, si alors je pensais avoir atteint le paroxysme du plaisir littéraire avec cet auteur, j’étais vite détrompé à la lecture de « Z... le tueur à la corde ».



Là, il devenait évident, j’en étais certain, que l’auteur ne pouvait pas me séduire davantage, m’accaparer plus et mieux... et j’avais tort, preuve en est avec la lecture de « L’homme sans figure ».



Car, effectivement, si ces deux romans fonctionnent sur le même canevas (tout comme « Un crime a été commis », d’ailleurs), l’histoire, ici, est encore plus éprouvante, pour le héros, pour Barrabas.



Barrabas qui, du début à la fin, pensant faire au mieux, se débat sans cesse dans une toile d’araignée tissée par un homme en mal de vengeance et par un auteur démoniaque.



Barrabas qui, poussé par l’instinct de sacrifice va mener toutes les personnes l’entourant à la catastrophe.



Barrabas qui, va pourtant sacrifier son identité, sa vie paisible, sa famille, son visage... pour, finalement pas grand-chose.



Barrabas dont le lecteur va suivre avec angoisse les mésaventures.



Certes, on pourrait reprocher à l’auteur d’utiliser un peu trop le hasard pour servir ses rebondissements, de faire du monde, un si petit territoire que chacun est forcé de se croiser et se recroiser, quelles que soient les manœuvres pour éviter ces rencontres.



Mais quand se hasard sert une histoire si exaltante, une plume à ce point alerte, alors, on ne peut que louer ce hasard.



Car, en plus des personnages, du style, d’une histoire, on sent à travers l’ensemble Albert Boissière, l’homme et non plus l’auteur.



Dans cette narration à la première personne, Albert Boissière fait passer des messages. Dans ces messages, que ce soit dans ce roman ou dans les autres, il ne cesse de clamer que, en tant que narrateur et personnage central de cette histoire qu’il conte, il n’est pas écrivain, et que, s’il l’était, il écrirait différemment, mieux, probablement.



Et, ces alertes, lancées par les personnages narrateurs, comment ne pas les interpréter comme des messages subliminaux hurlés par un auteur populaire qui manque de reconnaissance de la part de ses pairs, tout comme, plus tard, Frédéric Dard ne cessera de faire allusion à travers ses aventures de Sant-Antonio, de ce manque de reconnaissance des auteurs populaires.



Cette fragilité de l’artiste populaire qui voudrait être reconnu, avant tout, en tant qu’artiste, on la retrouve dans tous les arts, dans la littérature, dans la chanson, dans le cinéma, à la télévision.



Et Albert Boissière, et d’autres avant lui, souffrait déjà d’être considéré comme auteur d’un genre bas de gamme alors qu’il était auteur et un vrai grand auteur.



Oui, je pourrais continuer pendant des heures à parler de cet auteur que je ne connais qu’à travers ses textes, mais qui a su me conquérir totalement en me subjuguant devant sa prose, sa maîtrise, son talent...



Mais je vais m’arrêter là pour éviter de vous lasser.



Lisez Albert Boissière !



Au final, de roman en roman, Albert Boissière démontre qu’il était un grand écrivain qui pratiquait un genre considéré trop souvent comme mineur parce que populaire.
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Williamson brothers and Cie

Comment entamer une chronique sur un texte de Albert Boissière ???



Je ne saurais trop quoi vous dire pour vous convaincre de découvrir ou redécouvrir cet auteur sachant que je ne serais pas objectif tant j’adore tout ce que j’ai lu de lui.



Il est des auteurs qui, parfois, vous font vivre un bon moment de lecture sans pour autant vous marquer ou vous donner une envie irrésistible de dévorer un autre ouvrage d’eux.



Par contre, d’autres écrivains, eux, vont immédiatement vous rendre accroc à leur plume.



C’est le cas de Albert Boissière, du moins en ce qui me concerne.



Bébert, permets-moi cette familiarité tant j’ai l’impression, que tu es devenu un vieil oncle qui me raconte de bonnes histoires, tu m’avais déjà conquis dès le premier roman de toi que j’avais lu : « Un crime a été commis ».



Mais je t’avais découvert en mode « critique avancée ». Tu sais, ce genre de découverte durant lesquelles tu demeures sur tes gardes, ce qui t’empêche pleinement de profiter du spectacle qui défile sous tes yeux.



Mon second voyage à tes côtés, « L’aventure tragique du mime Properce », je le passais en toute décontraction, sachant désormais qu’il ne pouvait pas être mauvais, qu’il ne pouvait, même, qu’être bon.



Du coup, je me laissais totalement aller et je ne me concentrais plus que sur ce que tu avais à me proposer sans perdre d’énergie à autre chose.



Et, là, dans ces conditions, je constatais que, non seulement tu me contais de bonnes histoires, mais, qu’en plus, ta narration, ton style, étaient d’une maestria incomparable.



Car, c’est là le talent, de faire passer pour simples les choses les plus compliquées.



Et sous des dehors de simplicité, ce que peut sembler être une longue galéjade, se cache en fait un travail de précision d’une complexité rarement égalée.



Effectivement, en se penchant un peu sous le capot, on peut constater que presque chaque phrase est ciselée dans le but de proposer un maximum de niveaux d’humour (humour de situation, jeux de mots, références, humour de répétition, le zeugme si cher à Robert Lamoureux...).



Mais l’auteur n’oublie jamais de saupoudrer ses récits d’une pincée d’onirisme, d’une poignée de poésie et d’un fond de morale.



Et, cerise sur le gâteau, Albert Boissière était, avant tout et surtout, un véritable écrivain sachant manier la si belle et si complexe langue française et n’hésitant jamais à utiliser les mots idoines même si ceux-ci peuvent sembler pédants.



Certes, à première vue, et surtout au travers du prisme de la littérature contemporaine dont les acteurs principaux partent sur le principe qu’il ne faut surtout pas perdre des lecteurs en cours de route en les confrontant à des mots qu’ils ne connaissent pas et qui encouragent les auteurs, s’ils veulent avoir du succès, à ne pas utiliser plus de 300 mots de vocabulaire, à se contenter de constructions de phrases simplistes (sujet-verbe-complément) et, surtout, à ne jamais faire de références qui ne peuvent être appréhendées par la grande majorité, la plume d’Albert Boissière peut alors sembler désuète, voire pontifiante, mais elle se révèle, surtout, si riche et si précise qu’elle ne peut que faire le bonheur des lecteurs et, peut-être, encore plus à ceux qui se sont déjà essayés à l’écriture et savent combien il est difficile d’exceller en la matière, encore plus quand on trempe sa plume dans l’encre de l’humour puisque, pour beaucoup, l’humour est un art bas de gamme (ce que semble confirmer la grande majorité de la production de films humoristiques français de ces dernières années).



Oui, je sais, la phrase précédente manque de concision, mais, que voulez-vous, je suis un exalté qui se laisse porter par sa fougue à défaut de sa modération.



Mais, revenons-en à Albert Boissière.



Jean-Baptiste-Eugène Albert Boissière est né le 26 janvier 1864 et mort le 18 décembre 1939.



Il fut feuilletoniste et romancier, commença sa carrière à la toute fin du XIXe siècle (vers 1897) et développa de nombreux contes, nouvelles et romans pour divers journaux de l’époque.



La plupart de ses romans-feuilletons furent ensuite réédités en romans et même traduits en espagnol, italien et anglais (on note une réédition dans le Washington Post de « L’homme sans figure »).



S’il écrivit plusieurs romans policiers, c’est avant tout dans l’humour que l’auteur s’est épanoui.



Deux jeunes hommes se nommant Williamson ont abrité leur commerce de soierie dans le même immeuble, l’un au 2e étage, l’autre au 4e.



Les deux hommes se détestent de longue date et décident de régler enfin leur différent par un duel à l’épée.



Mais ils sont arrêtés par des agents de police et conduits au commissariat.



Là, le commissaire se charge de les interroger pour connaître la raison de leurs différents et à l’énoncé des noms, adresses et professions des deux individus, il pense à une blague, puisqu’ils répondent exactement la même chose. Sauf que l’un se prénomme William, l’autre Tommy et que l’un est le neveu de l’autre, mais également son oncle...



Les Williamson vont alors raconter la genèse de leur rancune, une histoire ubuesque...



On savait Albert Boissière passé maître de l’humour, si vous n’en êtes pas convaincus, lisez « La tragique aventure du mime Properce » et il le démontre une nouvelle fois avec cette nouvelle.



Publiée à l’origine en feuilleton dans le journal « Le Journal » de 1905, cette nouvelle d’un peu plus de 11 000 mots nous conte le conflit entre deux membres d’une même famille qui portent le même nom, font le même métier, dans le même immeuble.



Albert Boissière part d’un drôle de conflit entre un père et un fils qui va engendrer des rancunes jusque dans la descendance de chacun d’eux pour livrer un récit très drôle, de par la situation des deux jeunes hommes, mais également à travers le regard et l’incompréhension des autres et, notamment, du commissaire.



Mais comme un récit d’Albert Boissière est tel un millefeuille d’humour, l’auteur ne se contente pas de s’appuyer sur l’histoire contée par les deux duettistes, il propose également des petites touches d’humour supplémentaires par l’intermédiaire du secrétaire du commissaire et de quelques autres situations.



Bref, il est très très difficile d’expliquer pourquoi il faut à tout prix lire l’œuvre d’Albert Boissière puisque l’établissement d’une liste des qualités pourrait sembler rédhibitoire et contre-productive, car, plus qu’une addition d’éléments, la plume d’Albert Boissière est un tout, un tout unique, un tout exceptionnel et j’arrête là, car je m’emballe.



Au final, un court texte très drôle jouant sur les liens familiaux multiples qui lient deux personnages et qu’il était urgent de redécouvrir... comme toute l’œuvre d’Albert Boissière, un auteur malheureusement trop méconnu.
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La tragique aventure du mime Properce

Je ne pourrais répéter à propos de l'auteur de « La tragique aventure du mime Properce » ce que j'ai déjà évoqué lors de ma chronique sur « Un crime a été commis », déjà parce que l'auteur des deux romans est le même, Albert Boissière, et parce que je n'ai pas grand chose à y rajouter :



Albert Boissière est un feuilletoniste et écrivain du tout début du XXème siècle.



Si l'homme et l'écrivain est actuellement tombé dans le plus parfait anonymat, il livra, à son époque, plusieurs feuilletons et romans qui firent le bonheur des lecteurs.



Collaborant pour divers journaux ( Le Temps, Le Matin, le Petit Journal, Le Figaro), il écrira des contes, nouvelles et des romans qui, pour majorité, sortiront ensuite au format roman.



Parmi les genres travaillés par l'écrivain, le roman policier tient une certaine place.



On citera ainsi « La tragique aventure du mime Properce », « Z, le tueur à la corde », « Le scandale de la rue Boissière », « L'homme sans figure » (qui est possiblement une réédition des mésaventures du mime Properce)... et, bien sûr, « Un crime a été commis ».



Évidemment, dans cette oraison funèbre, l'on pourra intervertir le premier et le dernier titre de l'ultime chapitre, déjà, parce qu'aujourd'hui je parle du premier et, qu'ensuite, cette fois-ci, le dernier titre fait bien suite au premier et non l'inverse comme je l'indiquais alors... Quoi ? Vous n'avez rien compris ?



Bon, je reprends plus simplement :



« Un crime a été commis » fait suite, autant chronologiquement que dans l'ordre d'écriture à « La tragique aventure du mime Properce » de par le fait que le premier (qui est le second), évoque le second (qui est le premier) et que les deux titres ont en commun un personnage secondaire dans le nommé Juge M. Marathon.



Raaa, que n'ais-je connu auparavant (chinois), la plume de l'excellent Albert Boissière... Raaa, que ne connaissez-vous toujours pas le talent de cet écrivain ?



S'il est vrai que la littérature populaire de la première moitié du XXème siècle regorge de talentueux auteurs et d'excellents ouvrages, j'ai souvent tendance à me concentrer plus sur la fin de cette période, tant par l'attrait des sujets et que la plume un peu plus moderne, que vers le tout début.



Mais je dois faire là un mea culpa et battre ma coulpe, ce qui, vous le conviendrez avec moi, est déjà douloureux, mais confère au pléonasme, quand je me penche plus avidement sur le résultat de mes découvertes littéraires en la matière.



Car, si j'apprécie, si je préfère l'art de Marcel Priollet, sur la fin de sa vie, plus que sur le début de sa carrière... si je porte une passion démesurée pour le talent de J.A. Flanigham ou de Charles Richebourg, si j'apprécie tout particulièrement, celui de René Byzance, qui, tous, représentent plus la moitié du siècle en question que son début, les ouvrages m'ayant marqués, du moins, les romans ou oeuvres s'en approchant, sont pour beaucoup issues des toutes premières décennies de ce siècle. Je citerai, pêle-mêle, en exemple : « La momie rouge » de José Moselli (1925), « Le détective bizarre » de René Pujol (1929), les Toto Fouinard de Jules Lermina (1910), « Le poignard de cristal » de Rodolphe Bringer (1917), « L'énigme de la malle rouge » de H.J. Magog (1912)... et bien d'autres encore...



Et si, dans l'art de manier l'humour et parfois l'absurde, Albert Boissière est sans nul doute à rapprocher du talent de René Pujol, l'auteur ajoutait, pourtant, à cette qualité non négligeable, une maîtrise et une précision rarement égalée pour faute d'avoir été rarement concurrencée.



Car, si j'applaudissais, dans ma chronique sur « Un crime a été commis » (que j'ai lu avant celui-ci), la simplicité de la plume de Boissière, c'est, qu'en fait, j'étais passé totalement à côté de la minutie de celle-ci du fait de la narration à la première personne et, peut-être, du fait que l'auteur s'était montré volontairement moins précis pour préférer à cette finesse, une pointe d'ironie.



Mais, ce qui m'échappa à l'époque (mes deux lectures sont séparées de deux jours) m'a sauté aux yeux aujourd'hui comme un feu d'artifice aux yeux d'un aveugle... qui recouvre la vue pour l'occasion.



Ce roman d'Albert Boissière (« La tragique aventure du mime Properce », donc), s'avère être un assemblage d'une haute technicité caché derrière une apparente simplicité. Un peu comme lorsqu'on regarde un avion voler sans réfléchir à tout ce qu'il a fallut pour qu'un tas de métal pesant une compagnie d'éléphants, plane mieux qu'une feuille d'arbre au vent.



Bon, ma métaphore ne flirte pas avec l'excellence, mais elle n'a d'autre but que de tenter de vous expliquer que ce roman de Boissière est comme un casse-tête qui, en apparence, serait facile à résoudre mais qui s'avère être, en fait, d'une complexité rare.



Je vais tenter de vous expliquer autrement. Certes, on lit rarement un roman, et encore moins un roman de genre, pour assister à un exercice de style masturbatoire dans lequel l'auteur se ravierait de sa propre plume et cela tombe bien, ce n'est pas le cas ici. Mais, même si le but de l'auteur n'est pas d'en mettre plein la vue au lecteur, force est de constater, en se penchant quelque peu sur son écriture, qu'émane de celle-ci une précision diabolique. Précision qui n'a d'autre but que de faire sourire, même inconsciement, même en demeurant ignorant de la raison de ce sourire.



Pfff, je vois que ma tâche est ardue : vous faire comprendre mon propos. Et il se pourrait même que celui-ci soit si indigent qu'il vous dissuade, à tort, de découvrir et l'auteur et sa plume.



Albert Boissière use d'effets multiples pour faire sourire à travers une histoire sombre et tragique. Certes, il utilise l'humour de situation à travers ce mime forcé de se taire, puisque tel est sa destinée. Il en ajoute à travers ce personnage de juge Marathon qui se gausse de résoudre vite une enquête dans laquelle il patauge. Il accumule avec ses personnages secondaires, les situations cocasses, les réflexions...



Mais, surtout, et c'est là que la finesse entre en compte, sa plume virevolte à une telle vitesse que le lecteur ne la voit bouger mais ressent tout de même le souffle de son déplacement. Raa, encore des métaphores... Ce procédé agit comme une défense immunitaire face à mon incapacité à pointer précisemment du doigt ce que j'essaye de mettre en lumière tant cette lumière n'est pas émise par un point précis mais est élégamment diffusée par un tout.



Car, tout est au service de cet humour permanent qui ne nuit pas, pour autant, au récit.



Les répétitions, les contradictions, les personnages, les envolées lyriques...



Tout pourrait être résumé par une réflexion d'un policier :



— Oui, fit Dieudonné, mais le plus drôle, dans cette histoire où chacun a dit son mot, c’est qu’il n’y en a que deux qui aient véritablement parlé pour dire quelque chose !



— Deux ? s’étonna Fleury.



— Oui, deux, riposta Dieudonné, le mime, dont le métier est de se taire — le mime et... la morte !



Oui, ainsi amené, sans avoir conscience de l'histoire, le propos perd peut-être de sa finesse, mais effectivement, les deux seuls personnages dont la parole a eut un sens et du poids sont, par essence, les deux seuls ne pouvant parler : le mime et la morte...



Vous comprendrez mieux et cette assertion et mes propos en lisant cet ouvrage que je vous recommande tout particulièrement.



Car ce livre est drôle, ce livre est parfaitement maîtrisé par un auteur dont je me demande, après lecture de deux de ses ouvrages, comment il se fait que plus personne ne connaisse et ne reconnaisse son talent, ce livre est également émouvant, touchant, parfois poétique et lyrique, ce livre est ironique, cynique, et, enfin, ce livre apporte une certaine morale et une certaine critique sur la société et la gloire..



Mais enfin, que n'avez-vous encore dégusté ce formidable ouvrage ??? Il est temps de remédier à cette lacune au plus vite.



Au final, un livre dont je n'aurai assez de mot pour clâmer la qualité de la plume de l'auteur de la minutie de son récit, de sa narration, de son style et de ses personnages. Un livre qui, non seulement est drôle mais qui, en plus, est ciselé à la perfection jusqu'à un final qui pourrait sembler un peu long, un brin inutile alors qu'il assène, d'un coup, un poing final lyrique, poétique et moraliste dans le bon sens du terme.
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La tragique aventure du mime Properce

Un régal !
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Un crime a été commis

Albert Boissière est un feuilletoniste et écrivain du tout début du XXe siècle.



Si l’homme et l’écrivain est actuellement tombé dans le plus parfait anonymat, il livra, à son époque, plusieurs feuilletons et romans qui firent le bonheur des lecteurs.



Collaborant pour divers journaux (Le Temps, Le Matin, le Petit Journal, Le Figaro), il écrira des contes, des nouvelles et des romans qui, pour majorité, sortiront ensuite au format roman.



Parmi les genres travaillés par l’écrivain, le roman policier tient une certaine place.



On citera ainsi « La tragique aventure du mime Properce », « Z, le tueur à la corde », « Le scandale de la rue Boissière », « L’homme sans figure » (qui est possiblement une réédition des mésaventures du mime Properce)... et, bien sûr, « Un crime a été commis ».



« Un crime a été commis » fait d’ailleurs suite à « La tragique aventure du mime Properce » puisqu’il met partiellement en scène le même juge d’instruction M. Marathon dans les deux histoires et que le second titre est plusieurs fois cité dans le premier, ce qui fait donc que le second est le premier et le premier, le second... Les derniers seront les premiers, disait l’autre, c’est ici le cas.



Mais, bien évidemment, les deux titres sont totalement indépendants et, d’ailleurs, le juge Marathon n’est qu’un personnage secondaire de l’histoire.



On oublie parfois que le bonheur, c’est simple comme un coup de plume (en supposant que Albert Boissière écrivait à la plume, ce que je serai incapable d’assurer).



Il est vrai que le lecteur (moi, du moins) cherche souvent l’extraordinaire en oubliant qu’un ordinaire bien maîtrisé peut souvent apporter tout autant si ce n’est plus de plaisir.



Bien sûr, je ne suis pas contre une plume altière et flamboyante, un récit à l’intrigue échevelée, de l’humour marquant, des personnages étoffés, des rebondissements surprenants, des aventures rocambolesques... au point d’avoir oublié, pour me répéter, que la simplicité a parfois du bon.



Et je rendrai grâce à sieur Albert Boissière de me l’avoir rappelé avec son ouvrage « Un crime a été commis » (tout comme, je suis persuadé, il l’aurait fait avec « La tragique aventure du mime Properce » si tant est que j’avais fait sa connaissance via ce roman-ci).



Car, dans « Un crime a été commis », Albert Boissière fait preuve d’une certaine sobriété. Sobriété qui était certes, une marque de fabrique à son époque (à part quand les récits partaient dans toutes les directions pour exciter la liesse populaire), mais une sobriété présente à tous les niveaux de l’ouvrage.



Car le style, sans être plat, n’est pas virevoltant. Les personnages, sans être creux, ne sont pas des modèles d’originalité. L’intrigue, sans être inintéressante, ne rivalise pas avec les plus grands mystères de la littérature. L’humour, bien qu’omniprésent, ne fait toujours qu’effleurer le lecteur pour lui conserver sa bonne humeur sans jamais le faire sortir du récit, sans jamais servir à cacher une faiblesse, comme c’est trop souvent le cas et je sais de quoi je parle.



Bref, c’est le genre d’œuvre dont il serait difficile de mettre en avant une qualité particulière tant l’ensemble tient sur une alchimie de simplicité.



Certes, on pourrait arguer que l’intrigue, désormais, avec les moyens techniques de la police judiciaire, ne tient plus la route. On pourrait aussi ajouter qu’avec quelques questions bien placées, il aurait été facile de résoudre le casse-tête... mais, mis à part cela, tout l’ensemble marche sur le fil de la mesure et parvient à maintenir l’intérêt, et, plus encore, le plaisir du lecteur.



Pourtant, les choses étaient mal parties, à mon sens, moi qui ne goûte que le genre policier, avec sa mise en place un peu trop longue et qui tenait plus du roman de mœurs que du mystère et du crime. Mais force est de constater que cette introduction était nécessaire au récit et, plus encore, que son expansion renforce la qualité de ce qui suit et donc, du plaisir de lecture.



Car, c’est dans cette phase liminaire que se nouent tous les nœuds de l’histoire, certes, mais que naissent, également, les liens du lecteur avec les divers personnages. C’est par ce préambule que l’auteur confère le mystère de la suite de son récit. La seconde partie tire sa force de la première et la première, sans être un mal nécessaire, devient, à la lecture de la seconde, comme une évidente introduction.



Maxime Aubry, artiste peintre de renom, divorcé depuis quelques années, décide d’aller flâner sur la côte en quête de paysages à esquisser. Sur sa route, il s’arrête à l’auberge de La Pie qui vole, tenue par un sympathique couple et dans laquelle vivent également le jeune fils du couple et le frère du mari, frère jumeau que rien ne distingue l’un de l’autre, ni la voix, ni l’allure, ni le visage, pas plus que les yeux ou aucun détail physique. La seule différenciation que l’on puisse leur reconnaître réside dans un anneau d’argent que le marié porte au petit doigt et qui lui est incrusté dans la chair.



Aubry, appréciant les lieux et ses hôtes, reste plus que de raison dans l’auberge, devenant un ami proche des occupants sans se douter du drame qu’il va bientôt vivre.



Je n’en dis pas plus pour ne pas déflorer toute l’introduction du récit qui met en place lentement les pièces du puzzle. Car, Albert Boissière s’ingénue à placer ses éléments, un à un, distillant avec parcimonie les indices afin d’aboutir au drame que le lecteur a déjà anticipé. Et c’est cette même anticipation qui renforce le récit là où, d’ordinaire, elle aurait pour cause de l’affaiblir.



Effectivement, le drame devient assez vite prévisible, et c’est une volonté assumée de l’auteur qui distille toutes les indications pour que cela arrive. Et c’est parce que cela arrive, et que la tragédie semble inéluctable que l’effet est multiplié. Parce que le lecteur possède tous les éléments et que, pour autant, tout comme le héros de l’histoire ou le juge, il est incapable d’infirmer ou de confirmer sa théorie. Pis encore, les éléments servant la défense d’une théorie bénéficient, dans le récit, à un autre protagoniste, à défendre l’hypothèse contraire. Cela donne d’ailleurs lieu à une scène délectable où l’accusé, parodiant son accusateur, réutilise ses termes et les éléments qu’il met en avant, pour étayer une théorie toute contraire.



Et tout cela est fait avec modestie, ou fausse modestie, allez savoir, puisque le récit est conté à la première personne par le personnage du peintre et que celui-ci ne cesse de répéter que sil était littérateur, il aurait raconté tout cela avec bien plus de style et de qualités.



Certes, Albert Boissière utilise comme base à son récit une base qui sert souvent de dénouement dans le milieu du polar : les jumeaux. Sauf, qu’ici, cette gémellité est le point de départ de l’histoire et non son dénouement. Cette caractéristique n’est pas usitée pour servir de climax et de rebondissement final (quoique), mais pour lancer la course à l’aventure et au mystère.



On notera, enfin, que l’ensemble du récit est maîtrisé, tant la narration que les différentes phases et que si le style est daté, plus par son ancrage, d’ailleurs, que réellement par sa plume, l’histoire se lit avec un grand plaisir.



Au final, un récit à la fois sobre et classique, mais d’une sobriété et d’un classicisme qui forcent le respect et qui multiplient le plaisir de lecture tant cela est non seulement voulu par l’auteur, mais en plus, assumé et nécessaire à l’épanouissement du récit.
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Les contes d'Albert Boissière, tome 1

Jean-Baptiste-Eugène-Albert Boissière est un écrivain et feuilletoniste né en 1864 et mort en 1939.



Il écrivit de nombreux romans, nouvelles et contes qui parurent dans divers journaux de la fin du XIXe siècle et le premier tiers du XXe. Les romans, pour la plupart, eurent également l’honneur d’une publication sous forme de livres et certains furent même traduits en anglais, en italien et en espagnol.



Principalement connu et reconnu pour son humour protéiforme, Albert Boissière dû également son succès à ses intrigues, la morale de ses histoires et aussi à son regard pertinent et ironique sur les méandres de l’âme humaine et le comportement de ses contemporains.



Mais Albert Boissière était avant tout un bon conteur et un excellent manieur de la langue française.



Il était urgent de le redécouvrir, car un tel talent ne mérite pas de disparaître des consciences et des piles de lecture.



Pour ce faire, ses romans, bien sûr, tels « La tragique aventure du mime Properce », « Un crime a été commis », « Z, le tueur à la corde », « L’homme sans figure » et tant d’autres, mais aussi, à travers des écrits plus courts comme sa nouvelle « Williamson brothers et Cie » ou ses contes écrits pour divers journaux de l’époque.



« Les contes d’Albert Boissière – Tome 1 », un recueil de contes de la toute fin du XIXe et tout début du XXe siècle est l’occasion idéale pour avoir une idée de l’étendue de la plume de l’auteur.



On retrouve donc dans ce recueil un large panel de courts textes (14) permettant de découvrir une autre facette de l’auteur que l’on avait pu entrevoir par intermittence dans ses romans (notamment la fin de « La tragique aventure du mime Properce ») : le conte ou la fable, ces courts textes ayant pour but de mettre en exergue les travers de l’être humain et, ou, de proposer une morale à méditer.



Ainsi, dans ces divers contes, Albert Boissière nous livre ses pensées sur la place peu envieuse de la femme (« Paulette et Paula ») dans une société patriarcale, critique la société de l’être et du paraître à travers des personnages qui dénotent physiquement (« Z »), ou d’autres qui se veulent pieux, mais qui n’attendent que l’occasion de pécher (« Le pavillon de chasse »). Il nous parle de l’adultère (« Et Cie », « Ostende, Biarritz, etc. », « L’aveu »), sujet de plaisanterie par excellence à l’époque, avec différentes manières de réagir à la tromperie, nous explique les tracas de la vie prolétarienne (« Les vieux », « Le dernier mot »), la légèreté des gens de la haute société (« L’amateur », « Le bonheur de l’un... »)...



À travers ces contes, Albert Boissière multiplie donc les sujets, les formes, les genres, les émotions...



Capable de nous faire sourire avec cette femme qui surnomme ses enfants du nom de la cité balnéaire dans laquelle elle les a conçus (mais pas avec son mari) ou de nous émouvoir avec ce jeune homme difforme et sot qui aime aimer et aimerait être aimé ou encore, avec ce petit vieux au chevet de sa femme agonisante qui s’apprête à lui faire un aveu.



L’auteur joue avec les mots, les chiffres, les émotions, les sujets, les consciences, pour le plus grand plaisir des lecteurs.



Il conte, il raconte, des petites histoires, des instants de vies, offrant des petits moments de lecture tous différents, tous agréables, qui nous font tous réagir : sourire, réfléchir, s'attrister...).



Au final, Albert Boissière démontre qu’il est tout aussi performant dans les textes très courts qu’il ne l’était dans les nouvelles ou dans les romans. Et, si la concision ne lui permet pas de développer tous les atouts de sa plume, elle n’empêche pas et même, favorise, la recherche des sentiments, ceux des personnages, ceux des lecteurs.
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