A Colombine
Les fleurs pâles du clair de Lune,
Comme des roses de clarté,
Fleurissent dans les nuits d'été:
Si je pouvais en cueillir une !
Pour soulager mon infortune,
Je cherche, le long du Léthé,
Les fleurs pâles du clair de Lune,
Comme des roses de clarté.
Et j'apaiserai ma rancune
Si j'obtiens du ciel irrité
La chimérique volupté
D'effeuiller sur la toison brune
Les fleurs pâles du clair de Lune.
Lune malade
O Lune, nocturne phtisique,
Sur le noir oreiller des cieux
Ton immense regard fiévreux
M'attire comme une musique !
Tu meurs d'un amour chimérique,
Et d'un désir silencieux,
O Lune, nocturne phtisique,
Sur le noir oreiller des cieux !
Mais dans sa volupté physique
L'amant qui passe insoucieux
Prend pour des rayons gracieux
Ton sang blanc et mélancolique,
O Lune, nocturne phtisique !
Cuisine lyrique
La Lune, la jaune omelette,
Battue avec de grands œufs d’or,
Au fond de l’azur noir s’endort,
Et dans les vitres se reflète.
Pierrot, dans sa blanche toilette,
Guigne sur le toit, près du bord,
La lune, la jaune omelette,
Battue avec de grands œufs d’or.
Ridé comme une pomme blette,
Le Pierrot agite très fort
Un poêlon, et, d’un brusque effort,
Croit lancer au ciel qui paillette
La Lune, la jaune omelette.
Décollation
La Lune, comme un sabre blanc
Sur un sombre coussin de moire,
Se courbe en la nocturne gloire
D'un ciel fantastique et dolent.
Un long Pierrot déambulant
Fixe avec des gestes de foire
La Lune, comme un sabre blanc
Sur un sombre coussin de moire
Il flageole, et s'agenouillant,
Rêve dans l'immensité noire
Que pour la mort expiatoire
Sur son cou s'abat en sifflant
La Lune, comme un sabre blanc.