La chronique de Mélanie - Berlin 2 0
Pablo Escobar. Ambitieux, violent et meurtrier. Si tu le contredis, tu meurs. Père de famille affectueux.
Même les punks attendent que le feu passe au vert...
- Alors comme ça tu es française ? Tu viens de Paris ?
- Oui. Enfin non. J'ai vécu quelques années à Paris mais je suis née dans le sud. En province quoi.
- Ah j'adore la Provence ! Je suis allée à Aix-en-Provence quand j'étais petite.
- Non, pas la Provence. La province, c'est le nom que donnent les parisiens aux autres régions.
J'avais rendez-vous chez un conseiller. Non pas un conseiller matrimonial, ni fiscal...
- Tu veux du thé ?
Mais un agent spécialisé dans les assurances... qui allait m'aider à trouver la sécurité sociale qu'il me fallait, au milieu des centaines d'offres privées et publiques existantes.
- Alors, raconte-moi tes malheurs...
- Eh bien, mon problème, c'est que l'Europe, ça n'existe pas.
- Allons bon.
- J'y croyais pourtant? J'ai grandi avec les étoiles sur le drapeau et dans la tête. Les coupoles franco-allemands. La même monnaie partout. les frontières ouvertes. La liberté. J'ai déménagé comme ça, hop, trop facile. Je prends l'avion en un clic avec ma carte d’identité et une seule carte bleue qui marche partout.
- Hum hum...
- Et puis la langue allemand, son datif, son génitif, son accent pas possible. Le froid et le gris de Berlin. La bouffe trop riche en cholestérol. La bière qui fait prendre du ventre... Tout ça, je suis arrivé à le surmonter. Par contre je n'ai rien compris à votre système de sécurité sociale.
- Ah ! T'en fais pas aucun cas ne me résiste. Où t'en es à présent ?
- Eh bien, je paie 60 euros par mois un truc nul pour les étudiants. Qui n'est valable qu’en cas d'urgence. Genre si je me fais piétiner par un ours.
- tu es étudiante en ce moment ?
- Non... mais ils n'ont pas vérifié.
- Et en France ?
- En France je ne peux plus m’inscrire à la sécu, car je n'y vis plus. Même si je travaille encre de temps en temps en tant qu’indépendante, avec l'adresse de mes parents. Et ici je ne suis pas salarié. Je n'ai que des contrats en freelance. Ça parait simple, dit comme ça. En venant te voir, je pensais que j'aurais droit à la sécu des artistes ?
- Si tu es artiste, tu dois prouver que tu a au moins trois clients réguliers qui te passent commande. Dans des domaines différents, pour des sommes qui te permettent de vivre.
- Euh...
- Bon, Oublions ça. Écoute, c'est simple une sécu pour un travailleur indépendant va te couter 150 euros par mois. Il n'y a pas moins cher.
- !
- Fais-moi un sourire.
Je n'en trop envie mais bon...
- Bon tu as une bonne dentition. tant mieux. Par contre, il ne faut pas leur dire que tu vis ici depuis plusieurs mois.
- Pourquoi ?
- Parce qu'ils vont te demander de payer rétroactivement pour tous les mois qui viennent de s'écouler depuis ton arrivée.
- Quoi ?! Mais par définition ils n'ont rien fait pour moi pendant ce temps-là. C'est absurde.
- Je sais. C'est bien parce que ce système qu’un métier comme le mien existe...
Et voilà, le cliché sur l'Allemagne, pays de la logique implacable et du sens pratique, s'envolait.
Tous les hommes libres, où qu'ils vivent, sont citoyens de cette ville de Berlin-Ouest, et pour cette raison, en ma qualité d'homme libre, je dis " Ich bin ein Berliner ".
Le salaire est de 600 euros.
Ah... C'est... C'est donc un mi-temps ?
Non, c'est 40 heures par semaine, classique.
Mantra mafieux :
Moins tu poses de questions, plus tu vivras !
Moins tu en sais, moins tu seras torturé !
La loyauté ou la mort !
Ta parole vaut un contrat !
Ici t'as rien vu !
De ta mort, tu paieras la trahison !
(page 132)
Berlin, pauvre mais sexy. Des milliers de jeunes du monde entier y débarquent chaque année. En quête d'une qualité de vie meilleure, à la recherche d'une certaine lenteur, dépourvue de stress urbain. A la conquête d'un marché du travail plus moderne, plus prometteur, plus créatif. Décomplexée et attractive la ville bouillonne, elle qui a si bien su renaître de ses cendres. Mais parfois, elle ne dévoile, sous son irrésistible appel à la liberté, que le vertige encouru par ceux qui refusent le cruel principe de réalité. Berlin, c'est la liberté au risque de la réalité. Un des symptômes du mal dont souffre l'Europe aujourd'hui.
[En Allemagne] Même les punks attendent que le feu passe au vert. (p.86)
"Si à 30 ans je ne suis pas avec cette fille et si j'ai pas un million de dollars sur mon compte, je me suicide, les amis. Souvenez vous de ça."
Mon père était ainsi. Quand il décidait quelque chose, il allait au bout, à tort ou à raison.
(page 123)