Lorsque je dessine la ligne d'un corridor, j'en perçois son allure de sentier.
Les citations servent donc à établir des parentés, à révéler des amitiés et à faire comprendre à ceux qui regardent que la flèche du temps domine l'architecture et la ville ; en fait de la ville, pourrait-on dire, le lieu du dialogue entre plusieurs générations. Une architecture qui se veut "urbaine", [...]doit, pour atteindre ce but, devenir une architecture de relations qui non seulement ne cache pas, mais affiche ses parentalités, ses dettes, les étoiles fixes qui en permettent la localisation exacte.
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Peut-être ce lieu qui nous semble parfois n’être que silence, nous apprendrait-il quelque chose de plus si nous le regardions d’un autre point de vue, à partir de ce qui l’informe avec des contours non pas plus rationnels mais plus familiers, plus connus ; aussi longtemps que nous continuons à discerner ces contours, qui rapidement s’effacent et disparaissent.
Ces contours sont ceux de l’individualité des monuments, de la ville, des constructions, et du concept d’individualité et de ses limites, où elle commence et où elle finit; ceux de la relation de l’architecture au local, le lieu de l’art.
La pensée d’une même architecture se manifeste dans des lieux différents ; nous pouvons donc faire dériver nos villes d’un principe identique en appréhendant l’aspect concret de chaque expérience.
Je considère l’architecture dans une vision positive, comme une création inséparable de la vie des citoyens et de la société où elle se produit ; elle est, par sa nature, collective.
Je pense souvent aux places représentées dans les tableaux de la Renaissance italienne, ou le lieu de l’architecture, la construction humaine, acquiert une valeur générale de lieu et de mémoire en étant fixé par le peintre dans une heure particulière ; mais cette heure, c’est aussi la première idée, la plus profonde, que nous ayons des places d’Italie, et elle se rattache donc à l’idée même que nous nous faisons de l’espace des villes italiennes.
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Et sans doute, la plus grande tentative de rénovation, depuis la Rome antique, est-elle l'invention du théâtre comme lieu bien délimité : les planches de la scène, des scénographies qui ne veulent plus imiter quoi que ce soit, les fauteuils, les balcons, le vertige de la fiction, des actions et des personnages qui, dans leur perpétuelle répétition, sont comme détachés de l'intelligence et du corps ; c monde qui, dès les premières notes de l'orchestre, s'impose avec la magie du théâtre.
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Si je devais aujourd'hui parler de l'architecture, je dirais qu'elle procède plutôt du rite que d'un processus créatif ; car je connais parfaitement les amertumes et le confort du rite.
Le rite nous donne le confort de la continuité, de la répétition. Il nous contraint à des oublis détournés, car ne pouvant évoluer, toute mutation signifierait destruction.
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Un projet d'architecture c'est une vocation ou une histoire d'amour ; dans les deux cas, c'est une construction.
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Et donc ce qui fait du locus même un fait singulier déterminé par l'espace et le temps, par sa dimension topographique et par sa forme, par le fait d'être le lieu d'une histoire ancienne et récente, par sa mémoire.