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Citation de ValZer


Si les Chrétiens considèrent ce monde comme une « vallée de larmes », les fidèles du Hinayâna sont invités à méditer sur l’aspect répugnant du corps considéré comme un sac contenant un estomac, des intestins, etc… remplis de substances malpropres : bile, urine, excréments, etc…, le résultat cherché étant de produire le dégoût et de combattre l’attachement à la forme physique et la sensualité. L’attitude des enseignements secrets est toute différente. On n’y cherche point à provoquer le dégoût de l’élève. L’aversion n’est qu’une forme d’attachement à rebours et tous deux ont un effet identique : celui de lier à cela à quoi l’on confère de l’importance en le laissant occuper son esprit. Aucun sentiment spécial envers quoi que ce soit n’est prescrit dans les enseignements secrets. Le Maître s’attend à ce que l’élève qui a examiné les sujets vers lesquels son attention a été attirée y trouve des raisons d’une sereine indifférence. S’il ne peut pas se refuser à tenir un rôle dans la pièce – comédie ou drame – du monde, il comprend du moins qu’il n’y a là qu’un jeu. S’il lui est dévolu de personnifier un roi, un homme illustre, un grand savant, il ne s’enorgueillit pas ; s’il doit figurer un pauvre hère, un ignorant, il n’en conçoit point de honte. Il sait que ces différences n’existent que sur les tréteaux et que, la pièce terminée, les acteurs seront dépouillés des défroques dans lesquelles ils se sont montrés. Les enseignements secrets conduisent l’élève plus loin. Ils lui apprennent à regarder avec la même sereine indifférence le travail incessant de son esprit et l’activité physique que son corps déploie. Il doit parvenir à comprendre, à constater que rien de tout cela n’est à lui, ne provient uniquement de lui, n’est lui. Lui, physiquement et mentalement, c’est la foule des autres. Cette « foule des autres » comprend les éléments matériels – le terrain pourrait-on dire – qu’il doit à son hérédité, à son atavisme, puis ceux qu’il a ingérés, qu’il a respirés dès avant sa naissance, à l’aide desquels son corps s’est formé et qui, assimilés par lui, sont devenus avec les forces complexes qui leur sont inhérentes, des parties constituantes de son être. Sur le plan mental, cette « foule des autres » inclut de multiples présences contemporaines de l’individu : gens qu’il fréquente, avec qui il s’entretient, qu’il regarde agir. Une continuelle inhibition s’opère ainsi tandis que l’individu absorbe une partie des énergies diverses émises par ceux avec qui il est en rapport et ces énergies disparates s’installant dans ce qu’il tient pour son Moi y forment une cohue grouillante. Celle-ci comprend également un nombre considérable de présences appartenant à ce que nous appelons le Passé. Chez un Occidental, Platon, Zénon, Jésus, Saint Paul, Calvin, Diderot, Jean-Jacques Rousseau, Christophe Colomb, Marco Polo, Napoléon et maints autres peuvent constituer une foule hétérogène, turbulente et querelleuse dont chaque membre, avide de prééminence, tend à imposer la répétition de ses propres gestes physiques et mentaux et, pour ce faire, tire en sens opposés les ficelles qui font mouvoir le pauvre Moi trop aveugle pour distinguer ces fantômes et impuissant à les reléguer à leur place. J’ai cité des noms au hasard comme étant ceux de personnalités avec qui un Occidental a pu être en rapport au cours de ses lectures et pendant son éducation. Ils ne sont là qu’à titre d’exemples. Les hôtes que X… héberge dans son hôtellerie intime ne sont point les mêmes que ceux qui résident chez Z… Les influences qui agissent sur un Indien ou un Chinois émanent évidemment de personnages de leurs races respectives ou ayant été mêlés à l’histoire de leur pays.

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Lorsque l’étudiant prend conscience de cette foule en lui, il doit éviter de s’imaginer, comme certains le font, qu’elle représente des souvenirs de ses vies précédentes. Il ne manque pas de gens qui affirment et se sont persuadés que tel ou tel personnage ayant vécu autrefois s’est réincarné en eux. Les histoires dépeignant des réincarnations sont innombrables en Asie où elles alimentent la soif puérile de merveilleux des masses populaires. D’après les enseignements secrets, la « foule des autres » est faite de bien autre chose que de « souvenirs ». Elle est constituée par des êtres vivants dont l’activité suit son cours et le continuera indéfiniment en assumant des formes diverses car il n’y a pas de mort. Ce n’est pas le « souvenir » de Platon, de Jésus ou de Christophe Colomb qui hante le Moi appelé M. Pierre. Ce sont Platon, Jésus ou Christophe Colomb eux-mêmes toujours vivants et agissants par les énergies qu’ils ont déclenchées jadis. Et les hommes qui ont porté ces noms n’étaient eux-mêmes aussi que des manifestations d’énergies multiples.
En Platon enseignant en Grèce, en Jésus parcourant la Galilée, en Colomb s’aventurant sur l’océan tout comme en M. Pierre, résidaient une foule de présences vivantes dont les ascendances se perdent dans les profondeurs insondables de l’éternité. Est-ce à dire que les personnalités diverses assemblées qui forment un Moi demeurent inertes ou, en d’autres termes, est-ce à dire que ce Moi n’est point agissant ? Loin de là est-il répondu dans les enseignements oraux secrets. L’individu Pierre ou Paul est un centre d’énergies qui, à chacun de ses gestes, chacune de ses paroles, chacune de ses pensées, s’élancent dans le monde et y produisent des effets. Ce ne sont pas seulement des personnages de marque : Platon, Jésus, Christophe Colomb, etc… que l’on rencontre dans les assemblées constituant les individus, nos contemporains ; ce sont aussi les obscurs savetiers, les humbles servantes de ferme que nul ne parait enclin à revendiquer comme ayant été « soi-même » dans des vies antérieures.
Tous, grands et petits, forts et faibles, travaillent incessamment – et généralement inconsciemment – à la formation de nouveaux groupes dont les membres manquant de clairvoyance ne discernent pas leur hétérogénéité et, sans percevoir la discordance de leurs voix, ou sans s’y arrêter, clament en chœur « Moi », je suis MOI ! Telles sont dans leurs grandes lignes les théories concernant la multiplicité et la succession des vies à formes individuelles, qui sont exposées dans les enseignements secrets. Il convient d’ajouter que les forces rassemblées sous l’aspect de Pierre ou sous celui de Paul n’ont point une puissance égale. Il en est qui assument une position directrice et relèguent leurs compagnons à l’arrière-plan, voire même les suppriment. C’est à ces forces prédominantes que les Maîtres tibétains des enseignements réservés font appel pour expliquer de manière non vulgaire et strictement conforme à la doctrine de la non-existence du « moi » homogène et permanent, le phénomène des tulkous très en vue dans leur pays. On sait que les tulkous sont ces personnages que les étrangers dénomment très improprement des « Bouddhas vivants ». En fait, le tulkou est considéré comme étant la réincarnation d’un précédent individu, ce dernier ayant été, lui-même, la réincarnation d’un autre précédent individu et ainsi de suite, en formant une série de réincarnations qui remonte, dans le passé, jusqu’à une personnalité plus ou moins éminente qui peut avoir vécu il y a plusieurs siècles. L’on comprend immédiatement que cette conception implique la croyance en un ego permanent qui transmigre à la façon d’un homme changeant de domicile, ce qui est le point de vue des Hindous. Or, le Bouddhisme dénie catégoriquement l’existence de l’ego. Les foules bouddhistes répètent automatiquement la formule classique de cette négation, tout comme les fidèles de toutes les religions en récitant les credo respectifs sans comprendre le sens des mots qu’ils récitent, mais, pratiquement, la majorité des Bouddhistes voit dans les vies successives les pérégrinations d’une entité vagabonde. Je viens de dire que les initiés aux enseignements secrets envisagent les choses différemment. Parmi les forces groupées sous l’aspect d’un individu l’une d’elles, ou quelques-unes d’elles unies, peuvent tendre à un but qu’il leur est impossible d’atteindre dans le court laps de temps d’une vie humaine. Une volonté puissante de créer un instrument capable de continuer des efforts que la mort interrompra peut, est-il dit, parvenir à susciter la naissance d’un individu qui deviendra cet instrument, ou peut se saisir d’un individu déjà existant et aiguiller son activité dans la direction propre à conduire au résultat désiré. Telle est la théorie. Le nom de tulkou la reflète fidèlement. Tulkou signifie littéralement un « corps illusoire » créé par magie. Il n’y a point là d’ego permanent qui transmigre. Qu’est-il dit dans les enseignements secrets concernant le quatrième des pouvoirs supernormaux, celui qui permet de connaître ses vies précédentes, ses précédents domiciles comme il est dit, parfois, de façon imagée et très propre à faire concevoir une fausse notion du sujet ? Le lecteur a déjà compris, d’après ce qui vient d’être dit, que l’initié aux enseignements secrets considère ses vies précédentes comme étant multiples. Non point multiples seulement dans une succession qui se prolonge dans le temps, mais multiples en directions différentes, en épisodes coexistant, en rayons divisés émanant de multiples faisceaux de forces – faisceaux que nous dénommons individus. Il s’ensuit que si Platon, Jésus, Christophe Colomb et d’autres continuent leur vie en de nombreux M. Pierre et M. Paul, chacun de ces Pierre et de ces Paul n’est pas autorisé à se croire Platon, Jésus ou Christophe Colomb réincarné. De ces personnalités une fraction seulement revit en lui. Elle y a pris la forme de tendances, de sentiments transmis par le véhicule de lectures, de discours ayant évoqué les pensées, les paroles ou les actions de ces éminentes individualités. Mais, encore une fois, répétons que l’audition des paroles et la vue des gestes de vulgaires acteurs : le savetier, la servante, ont pu apporter en Pierre ou en Paul, même du viv
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