Le cœur léger, le cocher s’apprêtait comme tous les soirs à tourner les talons et à remonter l’escalier lorsqu’un détail troublant arrêta son regard. A quelques mètres de l’endroit où il s’était arrêté, dans l’amas de branches mortes, de paille et d’immondices qui étalaient contre le quai une nappe épaisse et graisseuse, aux ondulations obscènes, surnageait une forme étrange. Gustave Destouches s’approcha lentement, intrigué, sans parvenir à distinguer dans les ténèbres environnantes s’il s’agissait d’un fagot de bois ou du cadavre d’un animal. Bah ! songea-t-il, penché au-dessus des flots, sûrement un chien ou un dindon qui se sera noyé ! Et comme il allait cette fois déguerpir pour de bon, une main surgit du fleuve et lui saisit la cheville.
Lorsque les lourds sucs du sommeil eurent quitté ses paupières, et que ses membres gourds se furent ranimés dans la tiédeur du lit, Farmer se leva, hagard et titubant, perclus de douleurs sourdes…
A peine éclairée par le chandelier dont les flaques de lumière glauque imbibaient les murs festonnés, la pièce baignait dans une atmosphère acide, une odeur de ranci que les rideaux mités, le bois vérolé du lit et le plafond couvert de larges tâches d’humidité ne faisaient qu’amplifier. Nonobstant cette tristesse et une imperméabilité totale aux rayons du soleil, les draps s’avéraient propres et la couche moelleuse, suffisamment du moins pour permettre à Farmer de trouver en ce lieu les voies réparatrices du sommeil.
Et son mentor, précisément, le transperçait en cet instant de son regard de lame, poignard bleu tiré du fourreau.
Le lecteur pourra me reprocher de clore chacun de mes chapitres sur un meurtre innommable dont je m’empresse de me détourner en changeant de sujet. Aurait il affaire aux exhalaisons fétides d’une imagination malade qui se complait dans cette accumulation de cadavres?