AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Cannetille


(…) nous allions parfois au Louvre, visiter les chefs-d’œuvre et contempler, devant les Murillo et les Vélasquez, les légions de copistes qui rappelaient des souvenirs à Clémence. Elle n’avait pas été copiste au Louvre, mais copiste à Lyon, copiant tout ce qu’elle pouvait jusqu’à ce qu’elle fût capable de s’émanciper et de se satisfaire de ses propres compositions. Elle me confia que si elle avait été copiste au Louvre, elle y aurait sûrement habité, ce qui était presque le cas des copistes qui nous environnaient. Il faisait froid, alors ils plantaient leur chevalet près des bouches de chaleur, et comme il y avait des banquettes rouges moelleuses, ils s’y allongeaient pour se reposer, et comme il y avait beaucoup de jeunes femmes parmi ces copistes, leurs mères n’étaient jamais loin et tricotaient en gardant un œil sur leur progéniture. Il y avait beaucoup de filles d’officiers parmi elles, orphelines de père et filles de veuve, qui pour avoir reçu une sommaire formation artistique utilisaient leur « art » pour réaliser des copies qu’elles proposaient aux visiteurs. La médiocrité dominait plus que l’art, et le spectacle de ces femmes aux mains sales, s’usant les yeux tout le jour pour produire de malheureuses croûtes qui devaient les aider à arrondir la maigre pension de leur veuve de mère contrastait fort avec l’opulence des chefs-d’œuvre qui pendaient aux cimaises. Ce spectacle pathétique ne laissait pas Clémence si sereine qu’elle aurait pu l’être lors de nos visites, et au salon hollandais, comme les tableaux étaient plus petits, les copistes étaient presque totalement absents, ce qui la déridait un peu. Je lui dis un jour, pour la réconforter sur le sort de ces malheureuses, que l’État leur commandait beaucoup de copies pour décorer les institutions provinciales à bon compte et répandre les « chefs-d’œuvre » auprès des populations les plus lointaines, jusque dans les colonies, ce à quoi elle me répondit :
— Philéas, si l’État permettait à ces femmes de perfectionner leur art à l’École des beaux-arts plutôt que de les laisser à faire des copies médiocres contre quelques francs, il se montrerait réellement généreux à leur égard.
Commenter  J’apprécie          40





Ont apprécié cette citation (2)voir plus




{* *}