Citations de Alia Cardyn (466)
Le conflit des hommes nous a laissé une chance à nous les femmes. Pour la première fois, nous pouvons porter seules nos ambitions. En nous privant des hommes, la guerre nous a pourvues d'un droit d'initiative, d'une détermination nouvelle, d'une liberté inespérée.
Ma mère me racontait que lorsqu’un paysage se teinte de rose, un nuage, un champ, un arbre, c’est que les fées s’y sont réunies pour danser.
C'est la relation aux autres qui donne toute sa valeur à la vie.
Leur maigreur leur donne l’allure chétive d’un plus jeune tout en durcissant leurs traits, mélange étrange que dessine la faim sur ces visages d’enfants. Cet ensemble formé par leur teint terne, leurs joues creuses, leurs cheveux sales et leurs sourires, m’interpelle. Cette combinaison insolite me captive, ne me lâche jamais, telle une urgence que j’aurais laissée de côté. (page 35)
Pourquoi donc l’a-t-elle choisi, lui ?
La réponse est facile. Elle tient au manque d’amour que l’on se porte, aux chances qu’il faut saisir quand on ne croit pas en soi, aux propositions que l’on n’ose pas décliner.
Tant de fois, je n'ai pu qu'être cette infirmière inutile, tant de fois, je n'ai pu que poser une main sur une épaule et sourire comme si tout allait bien. Finalement, c'est tout ce que l'on a besoin de savoir à quelques secondes de mourir. Que tout va bien.
La peau est le reflet de l'âme. Elle rougit, s'assèche, s'irrite, ternit, elle se laisse envahir par les aspérités ou, au contraire, reste lisse, lumineuse. La peau expose ce que nous voudrions dissimuler, raconte le vécu avec une précision troublante.
Pourtant rien n'a de pouvoir sur la vraie souffrance si ce n'est le temps.
Nous devons aussi leur offrir l’affection qui les aidera à se sentir chez eux. Ce sera même vital pour les plus jeunes. Vous voyez ?
- Oui, très bien. Ma maman disait toujours qu’il n’y a pas que la nourriture qui fait grandir, les câlins aussi ! (page 100)
Ce soir, je pense aux parents de Madeleine. À leur chagrin, à l'amour immense qui pousse à préserver l'autre au mépris de soi-même, en s'infligeant la plus douloureuse des souffrances, celle de peut-être toucher son enfant pour la dernière fois.
Le conflit des hommes nous a laissé une chance à nous les femmes. Pour la première fois, nous pouvons porter seules nos ambitions. En nous privant des hommes, la guerre nous a pourvues d’un droit d’initiative, d’une détermination nouvelle, d’une liberté inespérée. Au début, on ne savait pas trop quoi faire. Il a fallu apprendre, et vite. (page 90)
Pour accéder à la liberté, le bébé doit pouvoir respirer tout seul, digérer, maîtriser sa température, s’alimenter de façon autonome et avoir atteint un certain poids. Toutes ces choses naturelles pour un enfant né à terme. (page 47)
Le mot qui rassure au creux de la nuit, on le crie dans un cauchemar d’enfant et la tendresse arrive. Maman.
Parfois, j’imagine un monde où nous nous baladerions tous avec notre histoire à la main, qui expliquerait nos choix, nos actes. La vie serait sans doute plus simple si nous comprenions l’autre, car en dépit de nos différences, nous sommes tellement semblables.
Ma maman disait toujours qu'il n'y a pas que la nourriture qui fait grandir, les câlins aussi !
Pour nous, les enfants orphelins, le lien est un défi. Il exige la prise d’un risque énorme, celui d’être à nouveau abandonné. Le départ prématuré de nos parents nous a ôté bien plus que des présences aimantes, il nous a privé de cette confiance dans la vie, la confiance que les relations peuvent durer, que l’autre peut rester.
On dit toujours qu’il faut être soi-même mais la vie n’est pas si simple. Les gens aiment reconnaître dans l’autre une part d’eux-mêmes. Ça les rassure.
Il a pris dix ans en quelques minutes. Ses bras se sont resserrés autour de l'enfant. Il plonge son nez dans les cheveux bouclés. Le temps manque pour la quitter décemment. Le temps manque toujours lorsque l'on est contraint d'abandonner son enfant. Il doit lui dire au revoir ici, sous ce buisson, accroupi à même la terre. La sentir contre lui puis la laisser dans ce lieu inconnu. Il ne pourra pas apaiser les craintes de son enfant, mettre des mots sur ce geste incompréhensible d'un père qui part. Il n'en est pas capable. Comment lui expliquer la cruauté d'un monde qui décime les hommes pour leurs origines ?
Même lorsque la vie nous prive d’une affection vitale, il existe toujours de l’amour quelque part. Parfois, il faut attendre, lutter, chercher encore, mais l’amour est là.
En un éclair, elles revisitent les semaines qui viennent de s’écouler : l’image de leur enfant dans une lumière constante, leurs oreilles en proie au son des machines, leur corps loin des bras chauds, et ces foutus horaires de visite. Toutes ces heures où les portes sont fermées, où elles, les mères, n’ont plus aucun droit. Ces heures où l’on pourrait croire que l’autre est mort ou n’a jamais vu le jour, l’enfant ou la mère. Ces heures ne devraient pas exister. (pages 218-219)