C’est précisément la formulation de ces frontières symboliques dans les termes de l’imaginaire collectif, à partir de la mise en évidence et de la politisation des frontières réelles de la ségrégation coloniale, qui semble être la première des tâches de construction nationale de l’actuel mouvement social indigène : pour cette raison, celui-ci se présente simultanément comme un mouvement de construction nationale indigène
la communauté se présente comme une entité sociale caractérisée par des liens technologiques, des formes de circulation des biens et des personnes, la transmission d’un héritage, la gestion collective de savoirs et de ressources, la sédimentation d’expériences, des fonctions politiques et une projection dans l’avenir, toutes choses qui précèdent et en viennent à définir individualisé de chacun
Et, parce que cette construction communale d’un destin partagé a pris une dimension d’un conflit pour le territoire et l’autonomie politique, elle constitue une réarticulation d’ensemble de l’identité nationale indigène, majoritairement aymara, dont on mesurera dans les années à venir la vitalité ou la fragilité
Ce soulèvement d’usagers urbains relativement inédit en Bolivie (mais qui n’est pas sans évoquer des précédents argentins au cours des années 1990, ou encore l’exemple ultérieur (juin 2002) de la rébellion des habitants d’Arequipa, la troisième ville du Pérou, contre la privatisation de l’entreprise électrique municipale) marqua un véritable point d’inflexion en mettant fin à près de quinze ans de déroutes populaires et à l’illusion – encouragée par les intellectuels néolibéraux – du déclin de la ”politique de la rue” et du triomphe de la démocratie représentative libérale en tant qu’unique espace de l’action politique
Nous avons à faire à un mouvement combinant défense de ressources qui existaient antérieurement (l’eau) et demande de ressources qui n’existaient pas antérieurement, autrement dit, dans ce cas, les droits démocratiques et le pouvoir politique
nous considérons les mouvements sociaux comme des structures d’action collective capables de produire des buts autonomes de mobilisation, d’association et de représentation symbolique de type économique, culturel et politique