Et elle referma les lèvres sur sa virilité chaude et palpitante, songeant que ce moment avait un goût de paradis.
Elle risqua un autre coup d'oeil et s'aperçut qu'il la regardait toujours. Son chapeau à large bord projetait des ombres sur son visage, en soulignant les méplats. Une barbe naissante lui assombrissait les joies et les cheveux qui frôlaient son col apparaissaient d'un noir de jais. Vêtu de laine et de cuir noirs, il évoquait Hadès surgissant des Enfers pour arracher l'innocente Perséphone à la lumière du soleil.
Ce n'était pas ainsi que Carolie Blacknall s'était imaginée mourir. Non qu'elle y pensât souvent. Vivre prenait trop de temps et d'énergie pour qu'on songe à la mort. Mais elle avait espéré quitter ce monde paisiblement, après une longue vie bien remplie, plutôt qu'en se noyant à l'âge de vingt ans, à la poursuite d'une chimère...
La façon dont ils dardaient sur les gens leurs grands yeux bruns faussement candides lui donnait l'impression qu'ils fomentaient quelque mauvais coup. Comme s'ils attendaient le bon moment pour jeter à terre leur cavalière avant d'en rire de leurs grandes dents jaunes.
Soudain, il sut qu'il devait la revoir. Il fallait qu'il sache ce qui se passait vraiment. Elle l'avait quitté, abandonnant leur vie commune sans même un regard en arrière.
Pour la première fois, elle eut vraiment peur. Peur d'elle-même, de la créature sauvage en elle qui criait qu'on la libère. Peur de lui aussi, de sa force brute, de la fascination qu'il exerçait sur elle. Peur qu'il fût celui qu'elle le soupçonnait d'être. Peur qu'il disparaisse à nouveau de sa vie.
Je ne crois pas que nous ayons besoin de littérature pour que la passion nous embrase.