la petite fille que j'étais à huit ans
dans les rangs du jardin
ma petite fille de dix ans
et moi devenue mère
nous piochons à trois dans l'espace-temps
de nos gestes répétés
au jardin je vais
des heures et des heures
le temps s’arrête
je rentre boire à la cuisine
il est déjà le temps d’un repas
les mains dans la terre
arrêtent les aiguilles
au cadran solaire
les vêtements gardent l'odeur des maisons que l'on traverse
l'humidité de l'air amollissant les tissus
les parfums de lessives et de nourritures imprégnant la peau
les marques des cintres impriment des rictus
aux étoffes si bien que tu t'endors dans
les plis d'un autre lieu
bordurer rabibocher
les mains réparent des bouts de terre
et de végétaux
sans autre outil que l'idée
qui redonne vie à ce qui s'étiole
déraciner au couteau de cuisine sans manche
greliner la terre la griffer
tailler les branches mortes
sous le soleil la pluie le gris
les habits de jardin nous transforment
foulard pull trop court sabots chaussettes percées
maillot taché jean sali
genoux à terre
quelle épouvantaille suis-je
Quelle robe
tes enfants ont-ils choisi de te mettre
pour partir
toi qui étais toujours prête en avance
quand on venait te chercher
une courte et fleurie et saumon
comme tu les aimais
ton sac à main en bandoulière
serré sur ton ventre
SUR LA POUSSIÈRE…
Entre les vitres certains jours et les fumées,
les yeux hésitent un instant. Savent-ils que les jardins,
avec leurs tas de cendre et les touffes des herbes
— et le verre certains jours est poussière.
Lente dans les yeux la poussière disperse ses maisons.
où se glissent les chats, sont du verre pilé
Des maisons grises et leurs toits, mais les maisons
ont toutes peur du soir, et leurs couleurs s’éloignent.
Les yeux certains jours habitent nulle part, ni les jardins
en bas qui rôdent autour des herbes. Et quand la lumière penche
quelque chose des yeux, ou une main qui bouge,
un instant se dessine sur la poussière.
la terre encore humide
après les pluies
je désherbe les raies
les racines cèdent entre deux doigts
les genoux à terre
le cœur lavé
Maman, on danse la musique, mets ton rouge la lèvre, tes bouquets d'oreilles.
Maman, pourquoi tu pèses tes kilos ?