AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Tandarica


L'oiseau peint en plein vol renvoie à l'idée que le peintre se fait du vol, voire à l'idée du vol de cet oiseau précis. Cela ne dispensera pas le peintre de reconnaître sa dette envers le vol de l'oiseau, envers l'oiseau même, dont l'acte de voler a, seul, présenté quelque intérêt à ses yeux. Il lui sera tout aussi loisible de considérer qu'il a trahi l'oiseau, en volant mentalement du vol qui était sien. Cette culpabilité, l'artiste (le peintre, l'écrivain) la conservera vivante jusqu'à la fin de ses jours, en la faisant peser sur ceux qu'il côtoie. Car il sait que tout ce qui leur arrive, ne constitue pas un événement intrinsèque, bon ou mauvais – plus mauvais que bon, s'entend. Parce qu'il est artiste, il voit de la matière première en tout ce qui advient, un dépôt placé à la banque de la vie, l'enrichissant des souffrances qu'elle lui porte autant que des souffrances d'autrui ressenties pour rien, demeurées simple souffrance. Tout événement advenu resurgira dans son œuvre en qualité d'élément porteur de sens (ce qu'il n'est pas dans la réalité, car la vie n'est jamais porteuse de sens, bien qu'en ultime instance, elle engendre ce dernier). Une fois incorporé à l'œuvre, l'événement ne portera pas son propre sens (le sens qu'il a engendré). Il sera porteur du sens conféré par l'artiste. Il sera, par conséquent, pour lui un élément de construction de son œuvre. Quant à l'événement réel dont l'artiste profite en vertu d'une loi éternelle, il le transforme en éternel débiteur. C'est banal et en même temps difficile à comprendre. J'en suis conscient mais je n'ai pas entrepris ma démonstration par plaisanterie. Si j'ai commencé, c'est en raison de l'atmosphère fraternelle de cette chambre, parce que j'étais échauffé par ce bon vin. Peut-être, aussi en raison de la troublante évocation des mystères dionysiaques par Tudor. Il a parlé de cet instant parfait où l'unité se recrée moins par disparition d'un des termes opposés que par l'absorption d'un des termes par l'autre. Comme si, par exemple, un loup dévorant des agneaux devait être logiquement considéré comme un agneau, du seul fait que sa chair, son sang, sa force finissent par être réductibles au résultat de l'ingestion, de la digestion réitérée d'agneaux…

(extrait du chapitre 21 de Sertarul cu aplauze [Le Tiroir aux applaudissements], dans la traduction d'Hélène Lenz, in Les Belles Étrangères, 12 écrivains roumains, sous la direction de Laure Hinckel, p. 54-55)
Commenter  J’apprécie          100





Ont apprécié cette citation (3)voir plus




{* *}