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Citations de Ana Blandiana (65)


Ana Blandiana
Village

Odeur
Plus qu’image, plus que son,
Odeur de fumée, le soir, surtout
Quand reviennent les troupeaux somnolents
De trop de lait fleuri dans les les champs,
Odeur du lait mousseux d’écume,
Traite sensuelle du pis, comme si
S'unissaient sur sa chair bleutée
Le souffle vert de l'herbe
Sauvage et le souffle doux et tendre de la fumée,
Odeur de pailles humides
Et de grains amoncelés,
Odeur des pyramides de blé dressées jusqu'au ciel,
Tandis que la lueur du soir se retire en elle-même.
Et les nuages s'effilochent
En contes éthérés, puis disparaissent.
Odeur de toi-même,
De tes cheveux emplis de soleil,
De ta peau assoiffée d'herbe,
De tes mots et de ton sommeil–

Ô, Village ! Surgi dans l'air
Grâce à cette image éternelle !
Aimé de tout mon âme
Et bercé par le vent !

(Traduit par François Nicolas)
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Ana Blandiana
Elégie du matin

Au début, j'avais promis de me taire
Mais plus tard, au matin,
Je vous ai vus sortir avec des sacs de cendre devant les portes
Et la répandre comme on sème le blé ;
N'y tenant plus, j'ai crié : Que faites-vous ? Que faites-vous ?
C'est pour vous que j'ai neigé toute la nuit sur la ville,
C'est pour vous que j'ai blanchi chaque chose toute la nuit - ô si
Vous pouviez comprendre comme il est difficile de neiger !
Hier soir, à peine étiez-vous couchés, que j'ai bondi dans l'espace
Il y faisait sombre et froid. Il me fallait
Voler jusqu'au point unique où
Le vide fait tournoyer les soleils et les éteint,
Tandis que je devais palpiter encore un instant dans ce coin,
Afin de revenir, neigeant parmi vous.
Le moindre flocon, je l'ai surveillé, pesé, éprouvé,
Pétri, fait briller du regard,
Et maintenant, je tombe de sommeil et de fatigue et j'ai la fièvre.
Je vous regarde répandre la poussière du feu mort
Sur mon blanc travail et, souriant, je vous annonce :
Des neiges bien plus grandes viendront après moi
Et il neigera sur vous tout le blanc du monde.
Essayez dès à présent de comprendre cette loi,
Des neiges gigantesques viendront après nous,
Et vous n'aurez pas assez de cendre.
Et même les tout petits enfants apprendront à neiger.
Et le blanc recouvrira vos piètres tentatives à le nier.
Et la terre entrera dans le tourbillon des étoiles
Comme un astre brûlant de neige.

Traduction de Ana Blandiana et Jean-Pierre Rosnay
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Ana Blandiana
Prière

Dieu des libellules, des papillons de nuit,
Des alouettes et des hiboux,
Dieu des vers de terre, des scorpions
Et des cafards de la cuisine,
Dieu qui as enseigné à chacun autre chose
Et qui sais à l’avance tout ce qui arrivera à chacun,
Je donnerais n’importe quoi pour comprendre ce que tu as ressenti
Quand tu as établi les proportions
Des poisons, des couleurs, des parfums,
Quand tu as déposé dans un gosier le chant et dans un autre le croassement,
Et dans une âme le crime et dans l’autre l’extase,
Je donnerais n’importe quoi, surtout, pour savoir si tu as eu des remords
D’avoir fait des uns des victimes et des autres des bourreaux,
Egalement coupable vis-à-vis de tous
Puisque, tous, tu les as mis devant le fait accompli.
Dieu de la culpabilité d’avoir décidé tout seul
Du rapport entre le bien et le mal,
Balance difficilement maintenue en équilibre
Par le corps ensanglanté
De ton fils qui ne te ressemble pas.

(Traduit du roumain par Muriel Jollis-Dimitriu)
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Ana Blandiana
Élégie du matin

Au début, j'avais promis de me taire
Mais plus tard, au matin,
Je vous ai vus sortir avec des sacs de cendre devant les portes
Et la répandre comme on sème le blé ;
N'y tenant plus, j'ai crié : Que faites-vous ? Que faites-vous ?
C'est pour vous que j'ai neigé toute la nuit sur la ville,
C'est pour vous que j'ai blanchi chaque chose toute la nuit - ô si
Vous pouviez comprendre comme il est difficile de neiger !
Hier soir, à peine étiez-vous couchés, que j'ai bondi dans l'espace
Il y faisait sombre et froid. Il me fallait
Voler jusqu'au point unique où
Le vide fait tournoyer les soleils et les éteint,
Tandis que je devais palpiter encore un instant dans ce coin,
Afin de revenir, neigeant parmi vous.
Le moindre flocon, je l'ai surveillé, pesé, éprouvé,
Pétri, fait briller du regard,
Et maintenant, je tombe de sommeil et de fatigue et j'ai la fièvre.
Je vous regarde répandre la poussière du feu mort
Sur mon blanc travail et, souriant, je vous annonce :
Des neiges bien plus grandes viendront après moi
Et il neigera sur vous tout le blanc du monde.
Essayez dès à présent de comprendre cette loi,
Des neiges gigantesques viendront après nous,
Et vous n'aurez pas assez de cendre.
Et même les tout petits enfants apprendront à neiger.
Et le blanc recouvrira vos piètres tentatives à le nier.
Et la terre entrera dans le tourbillon des étoiles
Comme un astre brûlant de neige.

(Poème traduit conjointement par
Ana Blandiana et Jean-Pierre Rosnay à Paris en 1967.)

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Nous sommes ici
Entre des murs d’argile,
Avec la vache des voisins,
Dont nous buvons le lait
Chaque soir,
Trait par des mains gercées et raides
Comme du bois mort.
Nous sommes ici
Parmi les vieux pruniers
Qui n’ont plus la force de donner des fruits
Et les paysannes trop vieilles pour enfanter des paysans.
Nous sommes ici
Nous nous sentons bien et comme chez nous
Dans ce monde
Qui nous apprend à mourir.
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Ana Blandiana
Fatiguée

Je suis fatiguée de naître d'une idée,
je suis fatiguée de ne pas mourir.
J'ai choisi une feuille,
voici, c'est d'elle que je vais naître
à son image et à sa ressemblance.
Sa sève fraîche va m'envahir doucement
et ses nervures seront mes tendres reliques.
Elle m'apprendra à trembler, à grandir,
à briller dans le peine ;
puis à me détacher de la branche
comme un mot quitte les lèvres.
De cette façon simple
enfantine
dont on meurt
chez les feuilles.

(traduit du roumain par Radu Bata)
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Ana Blandiana
J’entends

J'entends marcher un homme derrière moi
sous la lune
Semant de pleurs les traces de mes pas.
Pour un pas sage, des bleuets,
Un mauvais pas, des mandragores.

J'entends marcher un homme derrière moi
sous le soleil
Déposant des œufs d'oiseaux dans les traces de mes pas.
Pour un pas sage, des tourterelles,
Un mauvais pas, des oiseaux et leurs chants.

J'entends marcher un homme derrière moi
dans l'éternité,
Abandonnant des mots dans les traces de mes pas.
Pour un pas sage, des guillemets
Un pas mauvais, de la poésie.

(Traduit par Nathalie Laubreton)
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La solidarité dans la révolte est une activité physique. C'est une lutte, une opposition, une complicité en dehors des mots, impossible à formuler. Il faut la comparer à un processus chimique, s'effectuant dans les profondeurs de la matière vivante, là où pas un décret, pas un appareil de répression ne peut intervenir. D'ailleurs, chacun a un frère, un cousin, un fils enrégimenté dans l'appareil de répression, si bien qu'entre les gens de l'appareil et ceux qui l'alimentent de leur progéniture, se produit, à terme, un mélange inextricable que personne ne voudrait démêler.

(extrait du chapitre 21 de Sertarul cu aplauze [Le Tiroir aux applaudissements], dans la traduction d'Hélène Lenz, in Les Belles Étrangères, 12 écrivains roumains, sous la direction de Laure Hinckel, p. 51)
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Ana Blandiana
Quand la justice ne parvient pas à être une forme de mémoire, la mémoire peut être une forme de justice.

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Ana Blandiana
Tu ne vois jamais les papillons

Tu ne vois jamais
Les papillons, de quel air ils se regardent au-dessus de nos têtes ?
Ni les signes que le vent
Fait à l'herbe quand nous passons ?
Si brusquement je me retourne
Les branches se figent
Et attendent qu'on s'éloigne.
Tu n'as pas remarqué que les oiseaux s'éclipsent ?
Tu n'as pas remarqué que les feuilles s'éteignent ?
Tu n'as pas remarqué ces murmures
Qui grandissent derrière nous
Comme la mousse sur les troncs, du côté du nord ?
Et le silence qui nous attend, partout…
Ils doivent tous savoir quelque chose qu'on nous cache, à nous.
Nous sommes peut-être condamnés.
Peut-être nos têtes ont-elles été mises à haut prix.
La nuit, les étoiles scintillent excitées.
Quand s'élève le cliquetis des feuilles de maïs.

(traduction en français par Aurel George Boeșteanu)
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Élégie du matin

Au début, j'avais promis de me taire
Mais plus tard, au matin,
Je vous ai vus sortir avec des sacs de cendre devant les portes
Et la répandre comme on sème le blé ;
N'y tenant plus, j'ai crié : Que faites-vous ? Que faites-vous ?
C'est pour vous que j'ai neigé toute la nuit sur la ville,
C'est pour vous que j'ai blanchi chaque chose toute la nuit – ô si
Vous pouviez comprendre comme il est difficile de neiger !
Hier soir, à peine étiez-vous couchés, que j'ai bondi dans l'espace
Il y faisait sombre et froid. Il me fallait
Voler jusqu'au point unique où
Le vide fait tournoyer les soleils et les éteint,
Tandis que je devais palpiter encore un instant dans ce coin,
Afin de revenir, neigeant parmi vous.
Le moindre flocon, je l'ai surveillé, pesé, éprouvé,
Pétri, fait briller du regard,
Et maintenant, je tombe de sommeil et de fatigue et j'ai la fièvre.
Je vous regarde répandre la poussière du feu mort
Sur mon blanc travail et, souriant, je vous annonce :
Des neiges bien plus grandes viendront après moi
Et il neigera sur vous tout le blanc du monde.
Essayez dès à présent de comprendre cette loi,
Des neiges gigantesques viendront après nous,
Et vous n'aurez pas assez de cendre.
Et même les tout petits enfants apprendront à neiger.
Et le blanc recouvrira vos piètres tentatives à le nier.
Et la terre entrera dans le tourbillon des étoiles
Comme un astre brûlant de neige.
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Nous devrions (Ar trebui)

Nous devrions naître vieux,
Venir au monde déjà sages,
Être à même de décider de notre sort,
Savoir quels chemins partent du croisement primaire
Et dont l’envie seulement d’aller plus loin soit innocent.
Ensuite devenir plus jeunes, encore plus jeunes, en avançant,
Arrivant matures et forts aux portes de la création,
Passer au-delà, et entrant adolescents en amour,
Être enfant à la naissance de nos enfants.
Ils seraient alors plus vieux que nous,
Ils nous apprendraient à parler, ils nous chanteraient des berceuses,
Nous disparaîtrions toujours plus, devenant de plus en plus petits,
Tels le grain de raisin, le petit pois, le grain de blé…

*

Ar trebui

Ar trebui sa ne nastem batrîni,
Sa venim întelepti,
Sa fim în stare de-a hotarî soarta noastra în lume,
Sa stim din rascrucea primara ce drumuri pornesc
Si iresponsabil sa fie doar dorul de-a merge.
Apoi sa ne facem mai tineri, mai tineri, mergînd,
Maturi si puternici s-ajungem la poarta creatiei,
Sa trecem de ea si-n iubire intrînd adolescenti,
Sa fim copii la nasterea fiilor nostri.
Oricum ei ar fi atunci mai batrîni decît noi,
Ne-ar învata sa vorbim, ne-ar legana sa dormim,
Noi am disparea tot mai mult, devenind tot mai mici,
Cît bobul de strugure, cît bobul de mazare, cît bobul de grîu…

****
Traduit du roumain par Luiza Palanciuc
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Ana Blandiana
D’un village

Tous, nous venons d’un village ;
Les uns, immédiatement, les autres, au travers de leurs ancêtres.
Les uns, immédiatement, messagers de fables et des contes
Bienheureux de pouvoir s’en retourner toujours.

Les autres, au travers de leurs ancêtres, errent
Dans les lointains, sur les branches frêles de l’arbre du sang
Et ne savent des pâturages, des semailles et des chevaux
Que des mots où seul demeure l’alcool extrait de ces choses.

Je veux reprendre le chemin de mes ancêtres,
Je veux retrouver le village avec les cris de mes larmes.
Le sentier à travers champs qui a connu mes premiers pas
Pour fondre les mots dans les choses à nouveau.

Je veux entrer dans le cimetière aux croix délaissées,
Pour que mes ancêtres frémissent au son de mes pas semblables aux leurs
Et, qu’entremêlés dans les racines de l’arbre,
Ils balbutient des mots enflammés d’amour dans leur sommeil.

Mais, nul n’a su me dire d’où je venais. Pourtant, le soir
Le long des boulevards, les ombres incertaines des portiers
Aux pieds des immeubles me semblent familières,
Comme aux portes, sur les bancs, dans un village.

Traduit par Françoise Nicolas
Éloge du village roumain, Éditions de l’Aube, 1990, p. 244.
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Qu'est-ce que l'amour sinon l'impossibilité d'être séparés pour deux êtres qui n'ont pas choisi de s'unir ?
Tout simplement, à un moment donné j'ai senti que tout était décidé jusqu'à la mort. Mais ce dernier mot n'est qu'une convention, comme toute frontière qu'on peut faire glisser un peu plus haut ou un peu plus bas, ou qu'une loi peut abolir.
Et qu'est-ce que l'amour sinon la loi universelle qui abolit les frontières ?
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Ana Blandiana
Il faudrait

Il faudrait naître vieux,
Débuter par la sagesse,
Puis décider de son destin
Et savoir quels chemins partent du premier carrefour,
Notre désir de marcher irresponsable.

Plus tard il faudrait devenir plus jeune, plus jeune,
Mûr et puissant, et arriver au seuil de la création,
Le passer, entrer en amour comme les adolescents,
Devenir enfant à la naissance de nos fils.
Ils seraient alors plus vieux que nous,
Ils nous apprendraient à parler, nous berceraient pour dormir,
Et nous disparaîtrions de plus en plus petits,
Comme le raisin, le petit pois, le grain de blé…

(Traduit par Alain Bosquet)
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Ana Blandiana
Pastel de matin

Au début, j’avais promis de me taire ;
Mais plus tard, au matin, je vous ai vu sortir avec des sacs de cendres devant les portes,
Et la répandre comme on sème le blé ;
N’y étant plus, j’ai crié : Que faites vous ? Que faites vous ?
C’est pour vous que j’ai fait neiger toute la nuit sur la ville,
C’est pour vous que j’ai blanchi chaque chose toute la nuit
Ô si vous pouviez comprendre comme il est difficile de faire neiger !
Hier soir, à peine étiez-vous couchés, que j’ai bondi dans l’espace.
Il y faisait sombre et froid. Il me fallait
Voler jusqu’au point unique où
Le vide fait tournoyer les soleils et les éteint,
Tandis que je devais palpiter encore un instant dans ce coin,
Afin de revenir, neigeant parmi vous.
Le moindre flocon, je l’ai surveillé, pesé, éprouvé,
Pétri, fait briller du regard,
Et maintenant, je tombe de sommeil et de fatigue, et j’ai la fièvre.
Je vous regarde répandre la poussière du feu mort
Sur mon blanc travail et, souriant, je vous annonce :
Des neiges bien plus grandes viendront après moi
Et il neigera sur vous tout le blanc du monde.
Essayez dès à présent de comprendre cette loi,
Des neiges gigantesques viendront après nous,
Et vous n’aurez pas assez de cendre,
Et même les tout petits enfants apprendront à faire neiger.
Et le blanc recouvrira vos piètres tentatives à le nier,
Et la terre entrera dans le tourbillon des étoiles
Comme un astre brûlant de neige.

(Traduction de Claude Sernet)
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Prière

Dieu des libellules, des papillons de nuit,
Des alouettes et des hiboux,
Dieu des vers de terre, des scorpions
Et des cafards de la cuisine,
Dieu qui as enseigné à chacun autre chose
Et qui sais à l’avance tout ce qui arrivera à chacun,
Je donnerais n’importe quoi pour comprendre ce que tu as ressenti
Quand tu as établi les proportions
Des poisons, des couleurs, des parfums,
Quand tu as déposé dans un gosier le chant et dans un autre le croassement,
Et dans une âme le crime et dans l’autre l’extase,
Je donnerais n’importe quoi, surtout, pour savoir si tu as eu des remords
D’avoir fait des uns des victimes et des autres des bourreaux,
Egalement coupable vis-à-vis de tous
Puisque, tous, tu les as mis devant le fait accompli.
Dieu de la culpabilité d’avoir décidé tout seul
Du rapport entre le bien et le mal,
Balance difficilement maintenue en équilibre
Par le corps ensanglanté
De ton fils qui ne te ressemble pas.
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Ana Blandiana
Tout

feuilles, mots, larmes,
boîtes d'allumettes, chats,
tramway parfois, files d'attente pour la farine,
charançons, bouteilles vides, discours,
images allongées de télévision,
cafards du Colorado, essence,
petits drapeaux, portraits connus,
Coupe d'Europe des Champions,
remorques avec bombonnes de gaz, pommes refusées à l'export,
journaux, baguettes de pain, huile mélangée, œillets,
accueil à l'aéroport, soda Cico, « pains–bâtons »,
salami Bucarest, yaourts diététiques,
tziganes vendant des Kent, œufs de Crevedia*,
rumeurs, le Dallas du samedi soir,
ersatz de café,
la lutte des peuples pour la paix, chorales,
production à l'hectare, Gerovital*, anniversaires,
compote bulgare, l'assemblée des travailleurs,
vin de pays supérieur, baskets Adidas,
blagues, les « gabardines » de la Calea Victoriei*,
morue surgelée, le festival « Chantons la Roumanie »,
tout

(traduit du roumain par Cécile Folschweiller )

* Nom de la seule entreprise roumaine de production d'œufs avant 1990.
* Nom de la grande marque roumaine de cosmétiques toujours avant 1990.
* Renvoie aux agents de la Securitate en civil postés dans la Calea Victoriei [le boulevard de la Victoire], l'une des rues principales de Bucarest.
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Ana Blandiana
L'austère et la naïveté

Comme Racine, j'ai quitté trop jeune
L'austérité, la candeur solitaire.
Trop tôt, dans mon long manteau couleur de cendre
Je l'ai jeté, en souriant, dans le passé.

Presque nu maintenant, aux yeux du monde,
Fier et heureux des beautés de mon corps
Parmi tant de regards croisés comme des fers
Je passe en lacérant, mon auréole.

Je n'ai pas honte, mais souvent j'ai froid.
Pas encore de regrets, mais dans mes rêves
J'emporte le portail sévère du couvent
Et la chaleur de mon manteau de cendre,

Qui me couvrait ainsi qu'une cellule,
D'où, éternel dans mon inexistence,
Stérile, immaculé, je maudissais
La merveilleuse vanité du monde.

Mais – le sens-tu ? – en moi le temps s'effrite
Et le passé que je pressens deviens réel.
Phèdre m'attend, le roi et le remords
D'être parti de Port-Royal, trop jeune encore.

(traduction en français par Irina Radu)
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Ana Blandiana
Le Nord

Nous ne trichons pas par veulerie,
Mais par maladresse.
Dans la brume confuse nous ne savons
Plus qui nous sommes ni comment.
Dans notre dos, un cortège de parents inconnus.
Que savons-nous ? Qui connaissons-nous ?
Incertains nous nous mouvons :
Nous faisons un pas, puis un autre,
Et un autre encore, et à la fin partons
Lorgnant avec nostalgie vers la direction opposée…
Si au moins on répondait à notre question :
Où est le Nord ?
Sur nos fronts les cheveux tremblent légers
Dans le vent qu'engendre
Le passage du temps.

(adapté du roumain par Gérard Bayo, extrait de « Clair de mort », 1994)
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