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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Coca, cigarette et brûle-poitrine [« alcool potable Guabira 96 degrés »] : c’est le combustible des mineurs – ce qui les maintient au travail six, sept, huit heures sans manger une bouchée. « Ici, dedans, la nourriture se contamine. C’est mieux de ne pas manger », explique Félix. « Ce n’est pas important, mec. Le mal de la mine va te tuer avant », répond Villca, et il éclate de rire. Puis, il me donne des explications. Au bout de huit ou dix ans de travail, le mineur a déjà la maladie professionnelle. S’il est membre de la coopérative, on lui paye sa retraite. Cependant, parfois, l’assurance dit que ce qu’il a n’est pas la silicose. Il doit alors continuer à travailler et ensuite, quand il meurt, on lui fait une autopsie, et on enlève des boules de minerai de ses poumons – comme ça, par poignées.
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Selon l’économiste Pablo Poveda, les mineurs boliviens sont à 90 % dans les coopératives… et ils apportent 3,29 % de la production minière du pays.
Dans le même temps, la mine à ciel ouvert de San Cristobal, à Potosi, extrait des quantités colossales d’argent, de plomb et de zinc : entre 2009 et 2012, elle apporta la moitié de toute la production minière de la Bolivie. Elle est exploitée par la multinationale japonaise Sumitomo qui travaille avec la technologie la plus avancée. (…) et elle emploie mille personnes.
Mille travailleurs apportent la moitié de la production minière de tout le pays. Ensuite, il y a cent vingt mille mineurs totalement superflus – cette multitude de membres de coopératives, journaliers et palliris qui détruisent leur vie en cassant des rochers, qui gagnent juste assez pour ne pas mourir de faim et qui produisent tous ensemble un insignifiant 3 % de la production. Ils pourraient disparaître et il n’arriverait rien au système.
De fait, beaucoup d’entre eux disparaissent et il ne se passe rien.
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La spéculation dans les marchés secouaient les pays pauvres. Et quand ils étaient sur le point de se noyer, apparaissaient le FMI, la Banque mondiale et le Département du trésor des Etats-Unis, disposés à offrir les prêtes sauveurs en échange de pouvoir implanter leurs mesures de privatisation, de dérégulation et de coupes sociales, en échange de réduire l’État au minimum et de lui enlever la capacité de redistribuer la richesse et de protéger les plus nécessiteux, en échange d’éliminer toute entrave à l’entrée de produits et d’entreprises étrangères. Certains économistes du FMI et de la Banque mondiale affirmèrent, des années plus tard, que les privatisations et la libéralisation n’étaient pas des décisions incontournables pour stabiliser les pays. Simplement, ils profitaient de l’asphyxie économique qu’eux-mêmes avaient créée afin d’imposer ces recettes et ouvrir ces pays aux multinationales et au marché global sans règles dans lequel les spéculateurs obtiennent d’énormes bénéfices.
Les gouvernements et les courtiers en bourse spéculent avec les matières premières ; dans ce jeu, ils ruinent des pays sous-développés ; ces pays acceptent les aides internationales et leurs conditions pour être sauvés – par exemple, ils renoncent à intervenir sur le terrain des relations entre employé et employeur, ils renoncent à tout type de surveillance, et c’est ainsi qu’au bout de la chaîne, une fille de 12 ans entre travailler dans la mine.
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Il va, courbé avec les bras collés au corps, parce que dans ce tunnel minuscule… « ce n’est qu’une galerie de vers de terre ! » … parce que dans ce tunnel, il suffit d’écarter les coudes pour toucher le mur gauche et le mur droit en même temps ; il suffit de lever un peu le cou pour toucher le plafond avec le casque. Nous sommes dans une montagne. Autour de nos corps, il y a peu de centimètres d’air et des millions de tonnes de roche compactes. C’est ce qui ressemble le plus à être enterré : il reste seulement cet orifice pour retourner à la surface (pour celui qui sait s’orienter das le labyrinthe de galeries qui serpentent, se croisent, bifurquent, tournent, montent, descendent : il n’y a rien dans les tunnels, dans les grottes et dans les puits – aucune lumière, aucune brise, aucun son – qui indique si nous retournons à la vie ou si nous nous enfonçons encore plus profondément dans la montagne). On a l’impression qu’il suffirait d’un éternuement pour que la montagne se compacte et écrase cette galerie par laquelle nous avançons comme des insectes, tâtant les murs, marchant avec les pieds et avec les mains.
Difficile de respirer. Dans cette position, ainsi courbés, avec les bras collés au thorax, les poumons se gonflent avec peine. Chaque inspiration est un effort conscient : j’ouvre les fosses nasales et j’absorbe de l’air à quarante degrés, saturé d’humidité, collant comme des boules de coton trempées dans la térébenthine. Il me reste un goût métallique dans le palais, comme si j’étais en train de sucer des pièces de monnaie. C’est la copajira, la sueur acide de la mine, qui suinte le long des murs, qui forme des flaques de boue orange et qui flotte dans la buée.
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Selon Soliz, depuis que la Comibol est partie, les mineurs travaillent où ils veulent, sans aucun plan. La Comibol (Corporacion Minera de Boliva) est l’entreprise d’État qui a dirigé les gisements du pays depuis la révolution de 1952 jusqu’à 1986 , date à laquelle elle s’est ruinée et où elle a abandonné toutes les mines sauf une. Maintenant, les mineurs travaillent des des coopératives avec un système très rudimentaire, sans technologie et sans ingénieurs pour dresser le plan des explorations. Une équipe arrive et perfore où elle veut ; parfois, les mineurs ne savent pas qu’il y a une autre galerie juste au-dessus, et elle leur tombe dessus – où ils perforent près des maisons et font céder le terrain..
Aujourd’hui c’est samedi : le jour pour mâcher les pierres.
Autour du campement, les femmes étendent des bâches sur le sol et apportent des brouettes pleines de cailloux. Elles les versent sur les bâches. Ce sont les roches que les mineurs ont extraites pendant la semaine et, maintenant, le moment est venu de les écraser, les émietter, les tasser et les triturer. Avant, ce travail était fait par les machineries mécanisées (…). Depuis 1986, l’année où l’État a fermé les machineries, les familles de Siglo XX triturent les roches avec la même technologie que les Incas : des massues et des broyeurs manuels.
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La Bolivie continua à être enlisée dans son rôle de pays sans infrastructures, sans investissements, sans industrie – un pays qui était à peine un campement précaire pour extraire du pétrole, du gaz et des minerais, comme cela avait le cas depuis les derniers cinq cents ans.
Et sans aucune capacité à se défendre contre les spéculateurs internationaux qui jouent avec les matières premières et coulent des pays, avec ou sans l’intention de le faire, sans le moindre souci.
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Le Cerro Rico est, entre autres choses, une forme. C’est la grande pyramide qui s’élève au-dessus de la ville de Potosi ; c’est la silhouette qui apparaît dans les armoiries nationales de la Bolivie, dans les sceaux, sur les affiches, sur les cartes postales et dans les paysages des tableaux baroques ; c’est un gigantesque monument triangulaire, l’icône des richesses terrestres et des pouvoirs divins. Mais il est en train de s’écrouler. Dans les journaux boliviens, les chroniqueurs manifestent leur crainte que le symbole national ne soit étêté, ou qu’il s’écroule : et là se greffent les métaphores.
Entre-temps, les 10 000 mineur , peu soucieux du blason national, entrent tous les jours dans la montagne.
Les habitants de Potosi ont peur de l’effondrement final, l’avalanche apocalyptique qui achèverait l’histoire du Cerro Rico. En son sein gisent les os, ou la poussière des os, de douzaines de milliers de mineurs – depuis le premier Indien esclave, du temps de la colonisation espagnole, jusqu’à Luis Characayo, le foreur qui apparaît dans le journal parce que hier on l’a trouvé écrasé par l’effondrement d’une galerie, mort d’un traumatisme cranio-encéphalique et d’asphyxie. On appelle le Cerro Rico de Potosi « la montagne qui dévore des hommes ».
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Alvaro a commencé à travailler à l’âge de 14 ans. Tandis que d’autres adolescents poussaient des chariots, trituraient le minerai ou même aidaient les foreurs qui perçaient le mur avec un fracas assourdissant et un nuage de poussière asphyxiant, on demandait à Alvaro, fin et souple, de se glisser à travers ces étroites galeries « de vers de terre » par lesquelles ne passe pas un adulte. C’est un travail typique des adolescents : ils plongent la tête dans un trou au ras du sol, et passent les épaules ; ils s’allongent, la poitrine sur le rocher, et rampent, ils rampent avec les bras, sans lever le nez du sol. Ils traînent un marteau et une cale. Dans ces trous, la température va au-delà de cinquante degrés et il n’y a pas de ventilation : le corps d’un adolescent remplit presque tout l’espace, de sorte qu’il a juste assez d’air pour clouer la cale sur le rocher, donner deux à trois coups de marteau et arracher quelques blocs de roche pendant cinq ou six minutes au cas où apparaîtrait une veine prometteuse à laquelle on pourrait mettre de la dynamite. Ensuite, il doit s’enrouler sur lui-même, s’il y a assez d’espace, ou reculer par le trou pour retrouver l’air et ses compagnons.
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Très rarement, quelque ministre ou même quelque président osait critiquer les privilèges des barons miniers et se risquait à dénoncer que ces derniers éludaient les impôts et qu’ils freinaient toute loi, essayant d’améliorer la vie des Boliviens quand cela ne les arrangeait pas. Ces ministres et ces présidents duraient peu de temps. Quand le président Gutierrez Guerra proposa une loi pour prélever des impôts sur l’industrie minière, les barons agirent d’un coup : ils cessèrent de transmettre au gouvernement les devises qu’ils devaient leur payer pour les exportations et poussèrent le pays au bord de la banqueroute jusqu’à ce qu’arrive opportunément un coup d’État dans ce moment de chaos. Batista Saavedra prit le pouvoir, un caudillo soutenu par le baron Aramayo. Les magnats de l’industrie minière passaient des alliances entre eux ou s’affrontaient avec des pactes variables ; ils se disputaient pour mettre au pouvoir leurs avocats et leurs généraux. C’est ainsi que la Bolivie vécut la première partie du XXe siècle, secouée par des coups d’État militaires instigués à maintes reprises par les oligarques de la mine.
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L’économie connut une croissance : trop peu et trop lentement pour faire remonter la pente au pays. Pour certains Boliviens – ceux qui n’étaient pas pauvres – la situation était meilleure qu’avant ; pour la majorité, elle était bien pire. Plusieurs milliers d’individus devinrent chômeurs, d’autres continuèrent à travailler mais dans des conditions néfastes : très bas salaires, contrats précaires, grandes coupes dans les pensions, dans les indemnités de chômage et de maladie. La pauvreté s’étendit davantage.
La solution logique dans un marché libre fut de passer à la seule économie rentable : des milliers de Boliviens se sont consacrés à produire de la cocaïne, le seul secteur où la Bolivie était en réalité très productive. En quelques années, le pourcentage de paysans cultivant la feuille de coca grimpa de 17 % à 34 %, le nombre d’hectares destinés à sa culture monta en flèche, et les exportations clandestines de drogue généraient plus de ressources pour le pays que toutes les exportations légales dans leur ensemble. Une personne sur dix travaillait dans un secteur en relation avec la coca et la cocaïne. 
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