Dans un livre écrit en 1937, La Chine et les Chinois, l’écrivain Lin Yutang met en exergue une des maximes de Confucius qu’on trouve dans le classique chinois Zhong Yong : La Vérité est inséparable de la nature humaine. Si ce qui passe pour être la vérité s’écarte de la nature humaine, il ne s’agit pas vraiment de la vérité. Cette même phrase est traduite par François Jullien : La voie n’est pas loin de l’homme : si ce que les hommes prennent pour la voie les éloigne de l’homme, ce ne saurait être la voie 4 . Le mot clé, ici, est le fameux terme dao (ou tao), connu pour être une des notions importantes du taoïsme à qui il a même donné son nom, mais qu’on retrouve également dans les paroles de Confucius. Pourquoi Lin Yutang a-t-il utilisé le mot vérité ? C'était un écrivain ouvert aux idées occidentales ; bien qu’écrivant parfaitement en chinois, il maîtrisait également « la langue » et la mentalité occidentales. Ce n’est donc pas inconsciemment qu’il emploie tel ou tel terme. Il ne pouvait en trouver un qui touche plus profondément au cœur de la pensée philosophique occidentale que le terme de vérité, signifiant par là que quand Confucius parle de dao, évoquant une des valeurs les plus importantes de la pensée chinoise, il faut imaginer un philosophe occidental parlant de la vérité pour en saisir toute la portée.