Andreas Weber: We are islands who remake themselves
L'heure est à repenser la relation qu'entretiennent les humains avec ce que l'on appelle communément la nature, en considérant tous les êtres comme les participants à un foyer commun de matière, de désirs et d'imagination, dans une économie de transformations métaboliques et poétiques.
Il voit en chacun d'eux une chose, un moyen, et détruit ainsi les modes de vie de nombreuses communautés qui, elles, ne considérent pas l'environnement auquel elles sont liées comme source de vie, un terreau créateur d'identité.
Libérer le corps certes ancré dans le monde, mais qui s'est trop longtemps laissé coloniser par la fiction d'une rationalité prétendument plus efficace. [...].
Ce parti pris oppose l'obsession de la techné - l'analyse et la reproductibilité - le souvenir de la poïésis : le corps réel et les expériences qui le marquent.
En renversant la leçon de Horkheimer et Adorno* sur les Lumières, nous pouvons donc dire que la vérité de la nature vivante ne réside pas dans son potentiel romantique de guérison, mais bien dans le fait que rien en elle n'est soumis au contrôle d'un individu et des objectifs qu'il poursuit ; au contraire, tout en elle est processus créateur, tout suit cet élan unique : faire advenir la vie.
Penser la poïétique du monde, c'est comprendre la vie comme un phénomène au cours duquel la matière insuffle son mouvement à des individus qui se perpétuent tout en développant leur propre point de vue. [...] nous pouvons produire sur lui un discours inclusif, un discours qui tienne compte de l'ensemble du vivant.
Réensauvagez-vous, "Franchir le pas vers la vitalité", page 27-29
*Dialectique de la raison, Horkheimer, Adorno.
C'est compter sans un nombre toujours plus important de chercheurs et de philosophes qui, à l'inverse, comprennent le réel comme un entrelacs, un lieu d'interactions incessantes, chargé de signification et perceptible du point où chaque individu se situe. Le monde ne saurait être considéré comme un mécanisme fondé sur l'efficacité ; au contraire, il est le théâtre de processus créateurs, de compréhensions réciproques qui rendent possibles l'expérience et l'expression. Tel est le point à partir duquel la créativité - cantonné à la sphère de la modernité - peut se révéler une grille de lecture adéquate du monde.
Seul ce qui est profondément senti et vécu au niveau subjectif et individuel peut ouvrir la voie au savoir et à l'expérience, au sein desquels des sphères pourtant séparées peuvent s'unir.
Réensauvagez-vous, "Franchir le pas vers la vitalité", page 25-26
Œuvrer pour une politique du vivant, c'est rendre explicite ce qui nous rattache implicitement à l'existence.
Nombre de nos problèmes culturels ont une origine commune, qui peut se résumer ainsi : nous considérons le monde comme une chose morte.