XXVII
Nous sommes allés au bois, jusqu’aux ombres hautes.
La montagne là-haut, indemne, grave,
nous voyait monter. Nous avons traversé, seuls,
dans le matin clair, l’étendue marine de l’air.
Derrière se tenait le sourd fourmillement du monde.
Parmi des taches de soleil, je t’ai parlé de vers anciens,
d’un enlèvement, d’une ascension. L’ombre ouvrait
son giron très frais pour nous accueillir.
De vivantes taches de soleil parmi les pins,
extase de bouches sous le pur ciel irisé.
Air de la forêt, prends nos vies
pour tourner avec toi dans la lueur du monde.
/ Traduit de l’espagnol par Claude Le Bigot
Au commencement, un nom, sa muette résonance.
Rien d’autre qu’un nom ? Tu sais bien qu’ainsi commence,
et peut-être ainsi finit,
la vibration du soleil sur le versant, dans le couchant
de septembre,
sur la couleur du chardon,
une couleur indistincte,
entre l’acceptation et l’abandon, comme si
dans l’aubépine brillait la lumière finissante,
que personne ne contemple. Ainsi le commencement.
Le commencement. Un nom, deux syllabes qui jaillissent
comme la langue de l’eau sur le rivage.
Elles glissent ainsi que deux petites vagues
sur cette plage déserte,
et font tinter des galets,
s’entrechoquer des cailloux sous la lumière du temps.
Le nom. Ne glisses-tu pas, toi, à l’intérieur de l’ombre,
entre noms et rivages, entre les noms véritables
et la lumière qui sauve ?
Mais ne dis pas qu’un nom n’est rien d’autre qu’un nom,
il contient le matin, et le soir qui s’éteint, tamisé
par le temps,
deux syllabes s’enflammant dans le brasier de juillet.
Le vent s’agite en elles, et dans la canne sifflante.
Le nom te convoquait. Tu connaissais le signe.
Il n’y a peut-être rien d’autre que tu connaisses,
ce son obscur des noms, les paroles
obscures,
les archétypes,
comme sur la page d’Hölderlin,
lue en juillet,
quand le soleil est un ravissement.
Va aux syllabes
indestructibles.
C’est le son obscur qui convoque ainsi
dans les montagnes de l’île.