Angie Le Gac

Il y avait quatre saisons, où la température et le caractère du ciel variaient, où la végétation se développait à un rythme qu’alors on pensait immuable : l’hiver froid, le printemps, doux et pluvieux, l’été sec et chaud où l’on pouvait observer quantité de fruits sur les arbres — les fruits étaient des choses délicieuses, sucrées ou acidulées qui parfois piquaient la langue mais toujours donnaient une énergie incroyable — et enfin l’automne, la saison préférée de Nanie avec ses couleurs incroyables et ses ciels tourmentés.
Or, de cette belle planète — et accessoirement de Nanie Inès — il ne restait plus que des cendres. Des cendres et une bague.
Et puis cette drôle de boîte que Tabitha n’arrivait pas à ouvrir.

La passion était souvent éphémère alors que l'amour profond n'avait pas de fin.

12 janvier 2011…
La première fois qu’elle le voit, Elena le prend pour un visiteur et elle regrette aussitôt qu’il ne soit pas venu la voir. Elle se dit que ce serait bien d’avoir quelqu’un comme lui dans sa vie, une personne avec un visage doux, un regard bienveillant. En plus, il est beau gosse, grand et bien bâti, des cheveux bruns portés à hauteur des épaules, des vêtements de marque, qui dénotent avec la tenue en vogue à la clinique : le jogging défraîchi.
Elle le croise seulement, avec un petit pincement au cœur. Elle aurait bien aimé... Oui vraiment. Mais elle ne le verra certainement jamais plus.

Elena aimerait que ce moment dure mille ans. Elle se sent en sécurité. Enfin à sa place. Sereine. Simon agit sur elle comme un baume miraculeux. Elle a besoin de lui. Elle n’a besoin de rien d’autre. Elle pense que si elle pouvait le garder à ses côtés, il éloignerait la douleur et le malheur. Elle voit Simon comme un homme-talisman. Elle espère de toute son âme que ce début d’histoire a de l’avenir. De façon moins égoïste, elle espère aussi avoir quelque chose à lui offrir, arriver à le rendre heureux. Elle fera de son mieux, en tout cas.

Soudain, une voix, un éclat de rire, une silhouette qui passe, un homme tenant une jeune femme par la taille, deux yeux bleus qui balayent la place où elle se tient et semblent ne pas la voir. Son fantôme ! Son premier amour. Mathieu. Il marche rapidement et tourne le coin de la rue en direction du Palais des Thés, avec sa compagne, poussés par le vent complice de leur fuite. Cette apparition laisse un tatouage douloureux, une marque au fer rouge dans la poitrine d’Éva. Son cœur se remet à saigner immédiatement. Même après tout ce temps, la blessure n’est pas cicatrisée. Elle n’a pas oublié, elle s’est juste habituée. Et le voilà qui revient, comme un air d’autrefois, un tourment de jadis. Surtout ne pas penser à ce qu’aurait pu être sa vie à ses côtés, ne pas regretter. Continuer à avancer, poursuivre sa route.

Elena referme son cahier. Ce résumé lui fait se remémorer le chemin parcouru : elle a trébuché, elle est tombée, cela a été douloureux, mais elle s'est relevée et a poursuivi sa route. En un an, elle a réussi à prendre un nouveau départ, changer de métier et se reconstruire. Elle se sent plus forte à présent. Et mieux entourée. La futilité n'a pratiquement plus de place dans sa vie. Elle a gagné en profondeur. Elle devient une autre Elena, une Elena entière, faite d'un corps et d'un esprit, comme si elle s'était découvert une âme. Elena 2.0., pour reprendre un terme emprunté à l'informatique : capable de pleurer, d'être heureuse, de vivre, d'aimer, de perdre ou de gagner avec une intensité nouvelle. Elle aime bien la femme qu'elle est en train de devenir.

C’est la douleur qui réveille Elena. Une sorte d’éclair fulgurant qui lui déchire les entrailles. Ce n’est pas continu. « Probablement le début des contractions », pense-t-elle. Cette souffrance la prend par surprise et la laisse vidée de toute énergie, avec la hantise que cela se produise à nouveau. Et cela se produit à nouveau, immanquablement, toutes les cinq minutes.
Si au moins elle n’était pas attachée, sanglée sur ce lit inconfortable. Si au moins elle n’était pas seule. Si Simon, son mari-courage était auprès d’elle. Il lui tiendrait la main. Il pourrait la rassurer. Elena a tellement peur. Et depuis si longtemps.

Tout était effrayant dehors : du gris, de la cendre et des maisons écroulées. Au-delà de la ville en ruine, vers l’ouest, la mer, à perte de vue. À l’est, un massif montagneux. Un monde immense et désolé. Hostile.

Partir pour ne jamais revenir. Essayer d'oublier. Se reconstruire. Ailleurs.

Elena aimerait que ce moment dure mille ans. Elle se sent en sécurité. Enfin à sa place. Sereine. Simon agit sur elle comme un baume miraculeux. Elle a besoin de lui. Elle n’a besoin de rien d’autre. Elle pense que si elle pouvait le garder à ses côtés, il éloignerait la douleur et le malheur. Elle voit Simon comme un homme-talisman. Elle espère de toute son âme que ce début d’histoire a de l’avenir. De façon moins égoïste, elle espère aussi avoir quelque chose à lui offrir, arriver à le rendre heureux. Elle fera de son mieux, en tout cas.