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Citation de Cannetille


Il marchait le long de l’écume et il en arrivait à la conclusion que tout manque de spiritualité, de dimension, d’humanité plus profonde, et sans doute que tout le monde le ressent, ce manque, quand on n’est pas distrait par les écrans. C’est pour ça qu’il relit Victor Hugo en ce moment, par besoin de héros qui inspirent, des héros symboliques avec des valeurs. Enfant, il entendait dire que la société progressait, mais c’est faux. C’est toujours la même soif de violence avec le même besoin de trouver quelqu’un à blâmer. Le quotidien devient plus luxueux ou plus confortable et on n’a plus les pieds dans la boue mais on est toujours des bêtes qui exploitent la faiblesse. Peut-être que finalement il n’y a ni bien ni mal ni paradis ni enfer ni karma, et que les raisons de ne pas faire de mal aux autres sont minces. La recherche d’harmonie, de noblesse d’âme, d’esthétique, tout ça est parti à la poubelle. Quiconque ne trouve pas le monde ou l’existence atroces vit dans une grotte. Il sait que s’il disparaît, faute d’avoir une femme et des enfants, l’argent qu’il a de côté ira forcément à sa mère. L’ironie. Elle qui a cessé de se comporter comme une mère le jour où elle a compris qu’il allait grave bien gagner sa vie. Mais peut-être que les petites communautés vont s’en sortir. Dans une communauté, chacun a un rôle, chaque chose a un sens et on a envie de faire des efforts pour que les gens qu’on connaît vivent le mieux possible. Mais quand on n’a pas le sentiment d’appartenir à quelque chose, il y a peu de chance qu’on se batte pour une cause. Si on ne se sent pas considéré par l’humanité en général, si on est tous insignifiants et interchangeables, pourquoi on s’emmerderait à avoir de la considération pour son prochain et son bien-être. La globalité est bien trop vaste. Notre prochain, tant qu’on ne le voit pas, il peut crever à boire de l’eau polluée, rien à foutre. C’est comme la viande. Tant qu’on ne voit pas l’animal mort, pas de problème. On achète des steaks hachés sous vide pour que l’inconscient ne fasse pas de lien. Comme à Auschwitz, pas de lien, toutes les choses qui conduisaient à la mort étaient séparées. Pas la même personne qui faisait descendre les gens des trains, qui les menait aux fours, qui appuyait sur les boutons, qui récupérait les chaussures et les lunettes. Successions de mini tâches d’une énorme machination qui conduit à l’annihilation, et tout le monde planqué derrière la responsabilité collective alors qu’elle était aussi individuelle. Quand tout est compartimenté, on ne fait que tondre des cheveux ou sortir sa carte bleue pour payer le steak.
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