LE RÊVE
Je savais , j'étais dans ton rêve
Et je n'ai pu m'endormir.
Une lueur bleue et terne
M'indiquait le chemin à suivre.
Tu voyais le parc royal,
Le blanc palais orné d'or,
Le contour des grilles noires,
Les marches de pierre sonores…
Tu allais cherchant ton chemin,
tu pensais :« vite ! que c'est lent !
La trouver avant le matin,
Ne pas m'éveiller avant ! »
Le gardien au portail béant
Te héla : « Où allez-vous ? »
La glace cédait en craquant,
L'eau noire était en-dessous.
« C'est un lac, c'est un lac » pensais-tu,
« Il y a une île plus loin… »
Et soudain une lueur têtue
A surgi sur ton chemin.
Dans le petit jour dur et froid
Tu as gémi en t'éveillant.
Et pour la première fois
Tu as dit mon nom à haute voix.
Mars 1915 (Tsarskoïe Selo).
p.63-65