[Aux Pays Bas ]
Si un chemin n'offre pas la possibilité de boire un café tous les cinq cents mètres, il est catalogué comme radioactif.
Certains types d'endroits l'incommodaient. Ce genre de maison impersonnelle, en particulier. Une résidence décorée par un ou une professionnel.le, sans aucun faux pas. Pas de photo ratée sur le frigo, aucun grain de poussière, ni de meubles abîmé, aucun carreau félé, ni de magazine qui traîne, pas de clef sur la table d'entrée, ou de vieille eenveloppe de mutuelle jamais ouverte ni jetée, aucune plante à rempoter de toute urgence depuis l'été dernier. Aucune trace de vie, en réalité. Rosita détestait les maisons-témoins.
Steven n'était pas le seul à encore habiter chez ses parents, en pension compléte et service pressing inclus. Ils étaient assez nombreux à jouer au Tanguy, à Beck aan Zee, pour le plus grand bonheur de Papa et Maman, la plupart du temps. Pourquoi envoyer son enfant payer un loyer ailleurs, alors que leur université ou leur premier emploi ne se trouve qu'à une demi-heure de train à tout casser ?
Rosita ne supportait pas les gens qui traitaient une partie de l'humanité comme des sous-humains du fait de leur profession, de leur classe sociale, de leur origine ethnique, religieuse ou cosmique. " Benetton" on l'appelait, à ses débuts, à la PJ. Assez vite, les collègues retournérent à "Marcadet". Vu ses résultats , on n'osait plus la taquiner.
Au fond, Rosita adorait ça. Se perdre dans une enquête, réfléchir à dix personnes à la fois, échaffauder des théories, rager de buter sur des incohérences, s'enorgueuillir de décréter pouvoir les déchiffrer, traquer la logique, au point de n'avoir plus soif, plus faim ( rarement quand même ) , observer des centaines de psychologies, flairer enfijn la seule hypothése valable, résoudre l'équation, pleine d'adrénaline. Etudier d'autres vies que la sienne.
- Ça existe " Casper le fantôme " en France ?
- "Alsjeblieft, man ", (s'il te plaît , mec) qu'est-ce qui n'existe pas en France ? On est le centre du monde, tu sais bien .
Une droguée, un garçon contrarié aficionado des chevaux, une voisine serviable, un mari monomaniaque balancé d'un toit, un enterrement, des histoires de famille, d'amour, des soeurs caractérielles et un char qui disparaissait. Enfin ! On commençait à y voir un peu plus clair .
Les Néerlandais, à l'instar des scandinaves, attachaient un soin tout paticulier à rendre leur cocon le plus chaleureux et le plus lumineux possible. Vu la météo locale, ils étaient en effet susceptibles d'y passer pas mal de temps.
- J'imagine oui, lui répondit d'un ton constipé la vendeuse, en âge (français) de la retraite.
Le repas était déjà terminé, les Néerlandais dînant aux alentours de dix-huit heures.