Dans le ruissellement opaque des âges, l’infini laissa choir sa divinité. Il se fit angoisse et tremblement et nulle adoration ne put réconcilier les hommes avec la mémoire perdue de la terre. Loin très loin s’exila l’infini, infiniment lointain, infiniment brisé, infiniment enchaîné au dieu chasseur de lumière. Alors fut effacée la route des étoiles, tout feu disparut des poitrines usées, des esprits écrasés d’impénétrable ennui. Hommes. Ils ne savaient plus. Obsédés d’un unique au-delà, ils voyagèrent au-devant de leur mort, mais la mort, entêtée, les poursuivait toujours.
Poursuivis ils marchèrent parmi les monstres endormis puis éveillés soudain — et c’était la cendre des apocalypses, la terreur guerrière de l’impensable. Hommes à peau de tigre, dévoreurs des aurores promises, gravisseurs de montagnes où s’érige l’abandon étendard du sacrifice. Enfants bercés des couteaux de lune dans le temple des nuits. Hommes aux songes de panthères tapis parmi les fougères arborescentes du mensonge.
Hommes à la voix de soufre perdus aux marécages de la honte. Hommes de toute haine et de l’ailleurs physique des ténèbres. Qui guérira votre lente agonie de sève purulente, qui évidera l’écorce fragile du silence, dans la férocité du temps qui gronde ?
Orage des murmures.
Anne Brouan. Le style arraché au néant. C’est à peine si la douleur l’ étonne. Dans son périple en-dessous du verbe, par une vitesse de songe et le jeu mêlé des ombres de la vie et de la mort, elle ressuscite le bien auquel on n’ose croire. Evaristo. Pas à pas et au-delà, larmier géant et éclairs de joie, il va dans le désert du dieu et des hommes et délivre la beauté close. Ils ont fait ce livre, rêveur, puissant, subtil, où ils vont ensemble, de la fleur rapide de l’ éther au choc puissant des racines. Puis quand la touche vénérable du temps est atteinte, l’ immortel envol bleui des ténèbres nous ramène vers la source. ( extrait de la préface de Patrick Laupin)