Anne-Laure Sellier

Le ventre s’arrondit, la future maman peine à se tourner ne serait-ce que partiellement pendant son sommeil, et découvre parfois qu’il lui est devenu nécessaire de marcher comme un canard. Chaque matin, elle ouvre lentement les yeux en songeant : « Ah ! Toujours enceinte ». Comme dans le film Un jour sans fin, dans lequel le protagoniste revit indéfiniment la même journée, le ventre est là, plus rond que jamais, mûr à souhait. Il continue pourtant sa croissance folle, et ne cesse de pousser. Ce n’est pas possible, ça va exploser ! Mais parce que nous sommes en capacité de mettre un peu de rationalité dans tout cela, nous parvenons cependant à nous rassurer : l’enfant va finir par arriver, c’est pour bientôt ! Et l’heure n’est plus à la superstition des premiers mois.

L’instinct. C’est ce même instinct qui pousse certains à vouloir prénommer leur enfant Nutella (sic), Merdique (sic), ou encore Pierre lorsque le nom de famille est Tombal (sic). L’instinct, il y a le bon et le mauvais. Or nous avons besoin, sinon d’accumuler de l’expérience, au moins d’accéder à l’information pour prendre de bonnes décisions dans un domaine dans lequel nous sommes novices. Pourquoi, alors, ne pas accompagner les futurs parents dans le choix du prénom ? En dehors du cas des prénoms totalement inappropriés que je viens de citer, et que l’état civil a refusés, de nombreux parents hésitent longuement, se déchirent, et parfois même regrettent le prénom qu’ils ont donné à leur enfant, ou bien encore l’assument un temps pour mal le vivre par la suite.

Notre appétit national pour les mêmes prénoms perdure, mais s’essouffle par rapport aux siècles passés. Le sociologue Michel Bozon note que, vers le 13e siècle, dans le Limousin, cinq prénoms sont portés par 70 % de la population masculine. En 1900, près de 50 000 petites filles étaient baptisées Marie, soit une fille sur onze. En 1970, le prénom Nathalie a été salué à l’époque comme un phénomène, puisqu’une petite fille sur quinze avait reçu ce prénom. Si les prénoms-phénomène demeurent une réalité aujourd’hui, celle-ci devient plus relative. En effet, il est très net que la notion même de prénoms « les plus donnés » a fortement évolué depuis 1970

Dans la mesure où presque tous les prénoms risquent d’avoir un problème ou un autre, que ce soit leur étymologie, leur sonorité, les gens peu recommandables qui les ont portés en France ou à l’étranger, ou encore leur traduction dans des langues étrangères, il est difficile de se tromper avec un bon Louis, Nicolas, Marie, ou Claire.

Donner un prénom est un acte qui reste exceptionnel dans une existence. Cet acte associe l’enfant qui va naître à un prénom pour la vie. À moins, bien sûr, qu’il n’entreprenne plus tard une démarche, encore assez lourde et souvent mal comprise, pour changer son prénom.