AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Nastasia-B


Au début du mois d'octobre, nous avons enterré mon grand-père. Ce n'était pas un bel automne. Je me souviens de ce matin brouillé et humide, de cette boule douloureuse au fond de ma gorge qui m'empêchait toujours de respirer.
Je suis arrivée devant le cercueil ouvert. Ma mère, le visage saccagé par des flots de larmes qui s'écoulaient depuis plusieurs jours, me retenait le bras, me demandant de ne pas regarder. Je l'ai fait malgré tout. Je me suis avancée et j'ai fixé le visage de la mort sous mes yeux, jusqu'à sentir un vertige. Je me suis retirée, tant cette impression était profonde et abjecte, puis je suis allée vomir derrière les murs du funérarium. Je n'ai pas eu le courage de pleurer.
Au cours du repas, je les ai regardés tous, un à un, minutieusement, comme si je découvrais pour la première fois leur terrible insignifiance. Ils me dégoûtaient. Je plaignais leur bêtise, méprisais leur insouciance et l'ineptie qui les enfermait dans cette vie dérisoire. Ma famille, à présent, n'était plus qu'un sordide clan d'étrangers.
Mes parents, pourtant, n'avaient pas changé. Mais je me rendais compte, après quinze ans de vie à leur côté, à quel point ils pouvaient être ridicules. Ils avaient terriblement vieilli, tous les deux, ma mère toujours à se lamenter, se plaignant à tout bout de champ dans le seul but de pouvoir s'effondrer dans les bras de n'importe qui ; et mon père, stoïque et silencieux, torturé, bouffé par des années de travail acharné, qui avaient fini par tout détruire autour de lui. Mes grands-parents paternels, eux, les vieux, demeuraient cloîtrés dans leur petit monde comme pour se protéger du moindre danger extérieur, ne vivant plus que dans l'attente morose de leur mort et l'angoisse que vienne leur tour.
Ils avaient tous peur. Ils espéraient. Leur champ de vie minuscule ne dépassait pas les limites de leur petite sécurité, de leur petit égoïsme. Ils ignoraient tout. Ils parlaient fort, c'était à celui qui saurait imposer sa voix autour de la table ; ils passaient leur temps à contester les idées des autres, mais eux-mêmes ne savaient rien. Qui étaient-ils ? Où était ma place ? Avaient-ils ne serait-ce qu'une vague idée de ce qu'il y a de dérisoire dans la vie ? Pouvaient-ils comprendre la haine, le dégoût qui me submergeaient, moi, moi qu'ils voyaient à peine, prisonniers qu'ils étaient d'eux-mêmes ?

SUBIR.
Commenter  J’apprécie          350





Ont apprécié cette citation (25)voir plus




{* *}