Anne Stien

Une heure passe. Derrière mes lunettes noires, je m’attarde ici ou là sur une silhouette entrevue ou sur un visage intéressant. J’en suis là de ma contemplation oiseuse, lorsque mon sixième sens m’alerte. Un type, comme échappé d’un magazine de mode, cherche une place libre. Il n’y a qu’une chaise vacante. Elle est à ma gauche.
Le garçon prend la commande en renouvelant ma boisson à la demande de ce homme devenu mon vis-à-vis. Nous avons l’air de fêter un évènement. Le seau à champagne brille de tous ses feux. Les coupes tintent au moment de porter un toast. La gravure de mode s’anime. J’ai beau chercher, aucun défaut apparent. Élocution moderne et distinguée, léger accent méditerranéen, teint mat et dents éclatantes de blancheur, regard profond bordé de cils recourbés, cheveux coupés court et barbe naissante complètent le style faussement négligé de mon invité surprise.

Cependant je plains l'humanité, ballotée comme un fétu de paille. Le bonheur est de courte durée. Certains ne savent pas l'apprécier. Ils passent leur temps à se plaindre. Il suffit de regarder autour de soi. Je dois dire que c'est édifiant (extrait de "Allez au diable")

D'une saleté repoussante, les cheveux en broussaille où se battaient les poux entre eux, la fillette n'avait aucune idée de ce que pouvait être une petite fille normale. Une masure en ruines constituait son environnement. Elle se situait à la lisière de la forêt qu'elle connaissait comme sa poche. La corvée de bois lui incombait et elle s'en acquittait chaque jour d'hiver. Elle ne sortait de la souillarde que lorsqu'elle n'entendait plus aucun bruit. La porte d'entrée grinçait avant d'être repoussée d'un coup de pied rageur. Après une courte attente, elle ouvrait le placard où elle se terrait pour éviter les brutalités et sévices que lui infligeait son père.

SCHIZO
Une nuit de pleine lune, la voix lui a parle pour la premiere fois. L'homme l'a ecoutee. Elle lui a dit de s'enfuir loin, très loin, aussi loin que possible. Il a voyagé clandestinement. Il est allé partout où les chemins menaient. Lorsqu'il eut parcouru le monde entier, il fut enfin ordonné "Messager". C'est un sacerdoce, une charge à laquelle on ne peut se soustraire. Pendant quelques semaines, il a tergiversé, se posant maintes questions. Il n'a jamais eu de réponse.

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