Citations de Anne-Sylvie Sprenger (18)
Hurlement dans les couloirs. Lena court. Les pieds nus sur le sol froid, elle court, passe devant le bureau des infirmières, les douches, le fumoir: la chapelle. Lena pousse la lourde porte, court dans l'allée entre les bancs, renverse les fleurs, l'eau s'étend en grosse flaque sur le carrelage. Lena s'agrippe au bois, grimpe sur le socle, ses orteils moites glissent, elle se hisse encore, s'accroche au cou de l'homme crucifié.
Souvent la nuit, Lena rêve de renards, de fouines et de hiboux. Etrange sarabande au milieu des sapins. C'est toujours l'hiver, dans la forêt épaisse. Lena s'agite, presque nue. Les pieds nus et orteils vernis dans la neige, les mains levées au ciel, elle ne ressent pas le froid. Et danse, danse la gamine, loin du regard des hommes.
Judith n’aime pas les romans vrais. Elle a en horreur le poids du réel. La jeune femme veut que ça explose, les cadres et les vérités. Que le réel se déglingue, que la folie guette dans l’ombre claire. Gagne, peut-être. Judith aime les histoires outrancières, sans queue ni tête.
Elle voudrait l’aimer comme dans les romans d’amour qu’elle déteste, elle se retient. Elle sait qu’il n’aime pas ça, les effusions sentimentales. Alors la tendresse. La terrible tendresse qui l’ébranle et la chavire plus qu’aucun ébat.
Inutile de jouer ou de se dissimuler sous un faux visage. Ils s’aiment vraiment. Dans le dedans, à l’âme. C’est tout différent.
La rumeur envahit le bled, remonte les rues, bifurque aux croisements, se glisse sous les pas de portes et les sourires gênés.
« alors gifle-moi encore, séquestre-moi dans le noir, joue avec mon corps. Laisse-moi m’abandonner à ton plaisir, puisque rien ne m’apaise autant que de m’oublier ».
Presque toujours, quand j'ai trop bouffé, je me fais vomir. Quand je me sens sale, je me fais jouir. Et Dieu me regarde.
Je ne connais pas mon père. Je ne l'ai vu que quelques fois, une poignée d'anniversaires qu'il avait jugés suffisamment dignes d'être honorés de sa présence....
Je fêtais mes quinze ans et il se crut obligé, peut-être pour combler les vides qu'il avait laissé dans mon éducation, de me donner des conseils en matière de sexualité. ...
... Tu verras, une fois qu'on a goûté au sexe, on ne peut plus s'arrêter.
... Je suis secouée par deux forces irrépressibles : l'obsession de me prostituer ; le besoin de me purifier en dévorant de saintes hosties.
Judith ne sait plus ce qui est vrai, ce qui est faux. Qu’importe : Dieu existe, il n’y a pas d’autre vérité.
Le temps a passé, effacé les souvenirs, gardé les histoires.
On ne se tue pas quand on a l’amour d’un enfant.
Une bonne maman doit toujours veiller à ce que son enfant ne prenne pas froid, ça, au moins, elle sait faire.
Une maman c’est fort, ça prend sur soi, ça se sacrifie. Ça ne pleure pas, une maman. Ça aime en toutes circonstances.
Rien ne peut se résumer à de simples phrases, si belles soient-elles. Que tout est toujours plus complexe. Que ça ne sert à rien de vouloir tout comprendre. La vie est ainsi faite.
Breton, Nerval, Kafka, elle vous supplie encore. Venez la bercer de vos cauchemars aigres et de vos délires si doux. La réalité n’existe pas. Adieu, certitudes, mensonges, confessions diverses. Bonjour, névroses. Bonjour, métamorphoses !
Paul s’est refermé sur lui-même, coupe court à toute discussion. Il veut rester seul, seul dans son ivresse. Ou à deux, dans la bagarre.
Le brouillard, toujours. Le temps qui se fige, l’ennui qui s’installe.
À trente-huit ans, on ne trouve plus quelqu’un si facilement !