RETOMBÉES
Tel geste au piège du présent
La mémoire s'en libère très vite
On se souvient encore des bords de mer
du sablier comptant les jours
au sommet de la dune
d'une colonne de lumière dans le lointain
On se souvient d'un orage qui roulait
sur les gouffres blancs de la nuit
On se souvient des meules sur le pré
qui ont pris le ton gris des choses à l'abandon
on se souvient d'un corps disparaissant
sur le souffle de l'adieu
dans une gare
On se souvient des lueurs blafardes
abusant chaque lendemain
On se souvient d'une page écrite
comme d'un labour semé de cailloux
On se souvient même de l'avoir tournée
On se souvient des gestes sans attaches
des mots revenus à leur solitude
On se souvient de son premier amour
et de sa première cigarette
On se souvient
Mais on n'a de haut ni de bas
de juste milieu de plan de projet
de point d'équilibre ou de chute
de sens autre que déporté
sur des gisements de fossiles
Au milieu d'un camp d'extermination.
NOS DOUTES ÉTAIENT COMME L’ÉCUME DE LA MER…
Nos doutes étaient comme l’écume sur la mer, répandue
partout, étalée, allant et venant sur le sable gorgé de coquilles
et de mousse.
Notre anxiété était pareille à une nuée de criquets, si
dense qu’elle voilait un moment le soleil et s’abattait dans un
grand bruissement métallique sur les cultures et les jardins.
Attachés aux jeux de la mort, la vague, la nuée, le vent
tirant par les cheveux ce qui encombre son passage,
renversant, entraînant, navrant, déracinant…
L’un de nous intervenait : « Cessons de dire comment
nous ressentons les choses, cela ne peut faire que les
retourner. » L’une d’entre nous ajouta : « Écrire est
dangereux. Les métaphores donnent de l’air mais font des
trous dans la pensée. Il faut raccommoder les trous, colmater
les brèches, combler les sillons pervers que font les images. En
pure perte d’ailleurs. Nous n’échapperons pas à notre
destinée. »
La mer est grosse de ce qui ne la contient qu'une fois passée la barre de corail ‒ comme il était dit naguère de la terre échouée dans le sang des premiers rois ‒ qui vécurent pour un battement de paupières : le continent cerne de ses rivages la mer qui l'a transporté là, dans l'ultime sursaut de son entraille zébrée de feu. Il ne reste pour elle que le souvenir des spasmes quand un œil étonné se porte au-devant de la mort : il ne reste rien du grouillement intime de ses fonds... Le rivage aussi se souvient du ventre qui tressaille sur sa peau. Poursuivant le jusant il s'obstine parfois dans le sillage d'un cachalot, et l'impudeur de l'ambre gris éclate sur la vague... Impudeur ? Elle renaît plus loin au contact d'une résine qui s'échauffe sous les doigts. Car l'ambre épouse l'ambre, et le sang du corail trouve le chemin de l'arbre de vie... C'est ce qu'enseigne le livre des tempêtes où rien n'est écrit : Il n'a que sa page immaculée pour défier le temps. La page est le pétale blanc couvrant le bruit du monde. L'air et l'eau, les joies et les peines, la braise et le flocon, s'y échangent avant de mourir sur la note étirée du vent.........
Extrait :
Lorsque CELA s’était produit nous étions sur la plus lointaine avancée de terre prenant appui sur les hauts-fonds de la mer de corail. Après l’assourdissant éclair, des vents brûlants chargés de poussières embrasées nous avaient chassés vers les hautes terres où nous survivions par miracle, investis (le souhaitions-nous ?) d’une impérative mission. était-ce l’aura de notre survie ? Dans une réserve quantique un promeneur de passage se serait demandé ce que nous faisions là, si nous étions des « élus » de la planète terre ou de simples touristes.
Le monde avait perdu ses « briques ». S’il voulait se reconstruire il faudrait lui rendre les tout premiers mots, armes nécessaires, pointes de flèches et pierres taillées, pour le retour au primitif et le choix des bifurcations. Telle devait être notre tâche.