La volonté de libérer tous les hommes de l'esclavage est également clairement affirmé, et contraste avec la conviction de Nietzsche que ce n'est ni possible ni souhaitable.
C'est surtout le sens de la lutte qui diffère de la conception ouvriersiste de la lutte des classes : pour Serge, s'attaquer à l'institution de la classe exploiteuse ou à ses membres est illusoire et ne sert à rien, il faut s'attaquer à la double mentalité des exploitateurs et des exploités.
L'anarchisme ne réside pas dans un système organisationnel mais dans un choix de valeurs et d'attitudes. C'est une éthique, un mode de vie et seuls les individus peuvent le réaliser.
En outre, s'il y a pas d'émancipation intellectuelle préalable s'interrogeant sur le sens de l'existence humaine et favorisant la créativité individuelle, la révolution sociale se contentera de faire passer au bénéfice des prolétaires les mêmes activités et les mêmes satisfactions purement économiques et matérielles, uniformes et grégaires. Sur cette question, la philosophie nietzschéenne est une alliée inégalable car, selon elle, la liberté ne se donne pas à quelqu'un d'autre, elle se gagne par ses propres efforts; seuls donc ceux qui auront personnellement lutté pour elle seront dignes du changement.
Nous sommes tous fatigués des philosophes incolores, des verbalistes vides, des mots usés, des expressions hypocrites, des enseignements sans sincérité ni passion.
On se sent à la fin comme dans un brouillard. Ah, les pensées grises qui végètent dans toute cette vie incolore, les discours officiels, les pauvres petits mensonges, les minuscules idées des Lilliputiens ! On aimerait se boucher les oreilles et crier : assez !