Et soudain, oui, j'en suis sûre, c'est elle, la première mère de mon père, ma grand-mère de sang que je n'ai pas connue. Mon angoisse se cristallise d'un coup et tous ces moments de délire qui étaient sur le point de m'anéantir entre soudain en résonance. Je comprends la gêne qui a toujours plané autour de cette grand-mère-là, aïeule mystérieuse dont on ne nous parlait jamais, et le lien se fait avec les images brumeuses de ma nuit : oui, ma grand-mère était comme on dit « passée à l'acte ». Allons, n'ayons pas peur des mots, elle s'était suicidée.
J'irai voir papa ce soir (…)
d'ailleurs, je me souviens qu'un jour il m'avait parlé un peu de sa première mère, enfin de ce qu'il lui en avait été dit, parfois, à demi-mot, et de ce qu'il avait cru comprendre, il y a longtemps, en surprenant une conversation : cette fameuse « maladie intestinale », ces médecins qui n'avaient pas pu la soigner – décidément ! - et sa mort brutale, deux mois après avoir accouché.
Guérir les blessures du passé, c'est éviter aux générations suivantes à les porter.