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Citation de GabySensei


Quand l'hiver prend fin, ces vieux murs et ces pierres se couvrent de cruelles feuilles nouvelles et de fleurs. Des nuages d'insectes qui viennent juste de naître volent tout autour, se jettent dans leurs plaies profondes, entrent tête la première dans les blessures des figuiers poussés sur les murs en se tordant vers le haut pour arriver à la lumière, des pommiers et des pêchers sauvages dont les petits fruits se déshydratent, racornissent, tombent, restent un moment accrochés aux branches de plus en plus nues. Les feuilles aussi tombent, recouvrent les toits effondrés, les racines pressent sous les ardoises gelées, pour soutirer un peu de sève à ce monde minéral suspendu dans l'espace. Tous continuent à mourir et à renaître et à mourir à nouveau, toute chose dans le même cercle de la douleur créée. Leurs cellules végétales continuent à lutter désespérément et à se reproduire et à se dupliquer en silence, et c'est ce qu'elles continueront à faire une fois que les hommes ne seront plus là, qu'ils auront disparu de la surface de cette petite planète perdue dans les galaxies, il ne restera plus que ce tourment de cellules qui luttent et se reproduisent, tant qu'arrivera encore un peu de lumière de notre petite étoile. Tous continueront à casser et à disjoindre encore plus les murs entre les pierres desquels leurs petites racines se sont accrochées, sur le sol, sur les plafonds, ils jailliront en passant à travers les ouvertures des fenêtres enfoncées, ils briseront les rares vitres encore intactes de leur douce et irrésistible pression végétale, envoyant en éclaireurs leurs tendres pédoncules qui oscillent dans l'espace en quête d'amarrage, ils disjoindront et effondreront les toits, envahiront les chemins, les ruelles, les routes, projetant leurs minuscules pointes qui se montrent pour la première fois à l'espace. Ils écartèleront les structures intimes de la matière qu'ils rencontreront sur leur route, ils s'insinueront avec leur vide atomique dans leur vide atomique, ils feront tourbillonner l'espace vide avec ces résidus de particules dotées de charge électrique qui flottent dans l'espace vide. Ils rongeront les maisons, les routes, les autoroutes qu'il y a loin d'ici, quelque part dans le monde, les grandes villes désertes pleines de gratte-ciel et de tours, ils enfonceront les vitres des fenêtres, les rideaux de fer des garages, ils feront exploser dans le silence les tuyauteries, les bouches d'égout, sous leur tourment végétal et leur pression muette, les carrosseries des voitures, les pompes à essence, les centres commerciaux tout en verre aux abord des métropoles. Ils lanceront leurs colonnes végétales sur les gratte-ciel, dont ils dépasseront les toits avec leurs ultimes et tendres crochets moelleux, ils tâtonneront à la recherche de nouvelles structures et de nouveaux points de débarquement dans l'espace. De nouvelles villes remodelées et de nouvelles visions végétales urbaines phagocytées se pencheront sur les masses liquides horizontales des mers, des océans, lançant plus avant leurs crochets pour s'unir aux forêts dormant sous leurs eaux muettes dans l'obscurité la plus profonde, pour les sortir de leur sommeil et recouvrir le monde.

(P119)
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