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EAN : 9782378561161
192 pages
Verdier (09/09/2021)
3.89/5   436 notes
Résumé :
« Je suis venu ici pour disparaître, dans ce hameau abandonné et désert dont je suis le seul habitant » : ainsi commence La Petite Lumière. C’est le récit d’un isolement, d’un dégagement mais aussi d’une immersion. Le lecteur, pris dans l’imminence d’une tempête annoncée mais qui tarde à venir, reste suspendu comme par enchantement parmi les éléments déchaînés du paysage qui s’offrent comme le symptôme des maux les plus déchirants de notre monde au moment de sa disp... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (105) Voir plus Ajouter une critique
3,89

sur 436 notes
« La petite lumière » est un texte au pouvoir magique qui envoûte le lecteur pour le laisser à la fin pris entre enchantement et étouffement, émerveillé comme cet homme devant la beauté fragile de la vie, les lucioles, trois lys odorants, un vol d’hirondelle mais aussi sa prolifération destructrice.

Cet homme seul nous dit dès le début : « Je suis venu ici pour disparaître, dans ce hameau abandonné et désert dont je suis le seul habitant.»

Il va nous entraîner entre la vieillesse du monde et sa renaissance éternelle, au sein de la lutte pour la vie dans un enchevêtrement monstrueux :
« un furieux enchevêtrement muet de formes nées des graines portées par le vent ou par d’autres bombes qui pullulent dans le ventre pourri du monde, et qui entament leur lutte pour grimper vers le haut, vers la lumière. »

Mais à l’inquiétude et l’angoisse des moments où il se dit :
« Il n’y a rien ! Il n’y a rien ! », je me disais en rentrant en voiture au long de ces lacets de plus en plus serrés et déserts au fur et à mesure que je m’approchais de l’endroit où je vis.
« Il n’y a, en tous lieux, que cette pullulation désespérée de vie et de mort à travers le temps, l’espace, que cette imagination désespérée… »

va répondre « la lucina », la petite lumière dont il ne sait d’où elle vient, qui le fait se questionner :
« quand le soleil disparaît à derrière la ligne de crête et qu'il commence à faire nuit, et que tout ce monde végétal devient invisible et noir comme une grande éponge nocturne, de l'autre côté, là-bas, au loin, chaque nuit, chaque nuit, toujours à la même heure, s'allume soudain cette petite lumière. »

Entre pulsion de vie et de mort cet homme solitaire va aller, de questionnement en questionnement, à la rencontre de son enfance retrouvée.
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La petite lumière est un récit très court d'un auteur italien que je ne connaissais pas, Antonio Moresco, et qui m'a touché.
Pour l'anecdote, je l'ai découvert à l'occasion d'une émission de la Grande Librairie où Daniel Pennac était l'invité et indiquait quel serait le livre qu'il emporterait sur son île déserte...
Difficile de décrire ce roman, commençons peut-être par le début, le côté narratif.
On entre dans ce récit comme dans une histoire ordinaire.
Le narrateur est un homme qui éprouve l'envie de disparaître, se retire dans un hameau désert dont il devient le seul habitant, une terre ancienne qui est la sienne et en même temps il l'aborde de manière détachée. On ne sait pas pourquoi et sans doute ce n'est pas important.
Il est usé, abîmé physiquement, semble perdu, ne sachant peut-être plus qui il est vraiment.
« Je suis venu ici pour disparaître, dans ce hameau abandonné et désert dont je suis le seul habitant ». Ainsi commence ce roman.
Lorsqu'il se pose dans la maison qu'il habite, il est intrigué par une petite lumière qu'il perçoit au loin tous les soirs. Elle s'allume comme un phare, comme un réverbère, comme un rendez-vous.
C'est une lumière au loin de l'autre côté du paysage, sur l'autre versant.
C'est une lumière qui devient obsessionnelle, à tel point que le narrateur veut en savoir plus, n'aura de cesse que d'aller retrouver cette petite lumière, savoir son origine.
Cette lumière, elle pourrait peut-être sortir tout droit de l'imaginaire du narrateur. Il n'en est rien, cette lumière est bien réelle.
Alors il décide d'aller chercher la source de cette lumière. Il n'y a pas de route pour y parvenir. Mais il va trouver un chemin.
Il part en quête de cette lueur, il traverse alors le paysage par les chemins, les futaies, les broussailles...
Il parvient à une maison, cette maison où brille la lumière. Une fenêtre est accrochée à la nuit. Il s'en approche, il voit un garçon qui fait ses devoirs. Tout semble normal, à part le décor, les vêtements de l'enfant, les cahiers, tout semble venir de l'autrefois. L'enfant semble vivre seul. Cet enfant, qui est-il ? Pourquoi vit-il tout seul ?
Voilà pour l'intrigue. Pour le reste, il faudra se fier à notre capacité et envie de cheminer plus loin...
Et puis, c'est là qu'est notre richesse de lecteur, nous avons une capacité énorme à imaginer la suite, ou même pas forcément la suite, mais peut-être ce qui était avant ou ailleurs...
C'est une écriture singulière, concise, à l'épure.
Il y a quelque chose qui tient de la grâce, du mystère absolu, d'une respiration suspendue à la fenêtre de la nuit.
Cette lumière, d'où vient-elle si ce n'est de l'autre côté d'un horizon improbable qui ne mènera à rien, si ce n'est à nos propres existences, à notre enfance, à un pays perdu dont les séismes de la vie ont fait dériver nos souvenirs comme des plaques tectoniques ?
Ce livre appelle, égare, déroute...
Oui, je me suis fait une réponse en traversant moi aussi le paysage, je me suis fait une idée sur cette petite lumière, mais je vous laisse deviner et cheminer aussi vers l'autre côté du versant...
Alors, comment revenir en arrière après ce texte ? Éteindre la lumière, la petite lumière, et puis se retirer des pages... Refermer le livre. Continuer notre chemin...
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Intrigant mais aussi apaisant.
"La petite lumière" qui scintille dès la nuit tombée aiguise la curiosité du narrateur qui est venu s'isoler dans un hameau où il est le seul habitant.
D'où vient cette petite lumière ? Qu'est-ce que c'est ? Nous sommes, nous aussi, avides de savoir et nous suivons avec attention le cheminement du narrateur. Ce n'est pas une recherche dans la précipitation, nous prenons le temps de découvrir la nature, de parler aux lucioles, d'observer les renards, les grenouilles...
La nature est ici omniprésente, fascinante et bien vivante.
Et puis nous rencontrons un petit garçon et là encore nous prenons le temps de comprendre qui il est d'où il vient. Je ne suis pas sûr qu'il faille absolument trouver une réponse il est sans doute préférable de se laisser aller à cette solitude poétique, reposante.
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« Je suis venu ici pour disparaître, dans ce hameau abandonné et désert dont je suis le seul habitant. »

Qui est cet homme ? veut il en finir où simplement se faire oublier quelques temps ?

Que représente cette petite lumière qui apparaît toujours à la même heure et semble l'attirer comme un aimant ?

Qui est ce petit garçon qui vit seul, se débrouille comme un grand et va à l'école du soir, alors qu'il semble déjà en savoir plus que beaucoup d'adultes ?

Ce roman est incroyable, une expérience hors norme dans ma vie de lectrice.
Je suis restée scotchée à ces pages avalées en deux petites heures et je vais vous faire un aveu, je n'ai pas les réponses, simplement mon interprétation.
Est-elle la bonne ?
Je n'en suis pas sûre et au fond, quelle importance !

Si vous acceptez les mystères, les questions sans réponse, les non-dits, alors foncez, ce livre est un bijou.

Si vous aimez la belle littérature où chaque mot est posé au bon endroit, au bon moment, alors foncez, ce livre est fait pour vous.

Bref, quelques soient vos attente en ouvrant un livre, ne passez pas à côté de ce … Je ne sais plus que dire pour vous convaincre de suivre « La petite lumière ».
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Cette Petite Lumière (2009) de l'Italien Antonio Moresco est une pépite.

Un homme dont on ne saura rien a décidé de disparaître. Il a trouvé refuge tout près d'une forêt dans un hameau qui semble abandonné depuis peu. Mais derrière les collines entièrement recouvertes de végétation, au loin, chaque soir, il aperçoit une lumière qui semble venir d'ailleurs. Alors il enquête auprès des rares habitants des hameaux voisins, il traverse la sombre forêt, gravit des chemins escarpés et finit par entrer dans une petite chaumière toute propre où il rencontre un enfant en culottes courtes. Seul.

Ce roman est magnifique, puissant et emporte totalement dans un monde à la frontière du rêve et de la réalité, de la mort et de la vie. Un univers végétalisé crépusculaire, post-apocalyptique et méticuleusement réaliste. Dans le hameau les figues traversent les fenêtres des maisons, les barbelés en bordure des champs semblent tout juste enterrés, les plantes comestibles serpentent au sol. le long du chemin traversant le hameau, se trouve un cimetière avec des lumignons qui fonctionnent toujours. La nature était domestiquée, il n'y a pas si longtemps. Que s'est-il passé ? Un tremblement de terre ? Peut-être. La nature est devenue hostile, des essaims de guêpes attaquent avec férocité. l' homme seul les combat avec son bâton et les interpelle : « Mais comment peut-on vivre ainsi ? L'homme s'adresse à un châtaigner qui donne encore des fruits mais dont la cime est nue et comme pétrifiée : « Ce n'est pas possible pour les hommes : ils sont soit vivants, soit morts. C'est du moins ce qu'il semble... » L'homme erre au milieu de cette nature grouillante et proliférante qui semble devoir l'engloutir. Il a peur. Il invective les hirondelles qui pourront s'échapper, croise le regard blanc d'un blaireau qui n'ose pas traverser la route, est poursuivi par un rottweiler aux quatre pattes cassées. Plus tard, il rencontre une vieille épicière qui dégage une odeur fétide d'urine de chat puis un chevrier albanais étonnant. Réalité rurale et réminiscences de contes merveilleux se mêlent. Il arrive dans cette chaumière.
L'écriture est simple, au présent, dégagée de fioritures. Elle scrute les profondeurs de l'âme jusqu' à retrouver l'enfant. Quel enfant ? Celui qu'il était en lui-même ? Peut-être. Il rencontre cet enfant sage et solitaire qui a peur du noir. Il le console, il l'apprivoise doucement, patiemment, il retrouve son école. Est-il vivant ? Est-il mort ? Qui apprivoise l'autre ? Qui console l'autre ? le livre reste en suspens et ouvert aux interprétations.
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critiques presse (3)
BoDoi
20 juin 2023
Une histoire puissante et touchante qui met en scène un vieil homme face à un gamin meurtri, peut-être le fantôme de celui qu’il fut un jour, ou même l’incarnation de tous ces enfants abandonnés et brutalisés par le monde des adultes.
Lire la critique sur le site : BoDoi
BDGest
09 mai 2023
Économe en mots car les images parlent d'elles-mêmes, voici un conte philosophique sur le sens de la vie, la vieillesse, le temps qui passe, la mort… Mais tout cela abordé d'une manière sensible et originale.
Lire la critique sur le site : BDGest
Telerama
22 octobre 2014
Entre fable et roman métaphysique, Antonio Moresco esquisse, de son trait précis, le portrait d'un homme avide de solitude, submergé par la nature.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (53) Voir plus Ajouter une citation
Quand l'hiver prend fin, ces vieux murs et ces pierres se couvrent de cruelles feuilles nouvelles et de fleurs. Des nuages d'insectes qui viennent juste de naître volent tout autour, se jettent dans leurs plaies profondes, entrent tête la première dans les blessures des figuiers poussés sur les murs en se tordant vers le haut pour arriver à la lumière, des pommiers et des pêchers sauvages dont les petits fruits se déshydratent, racornissent, tombent, restent un moment accrochés aux branches de plus en plus nues. Les feuilles aussi tombent, recouvrent les toits effondrés, les racines pressent sous les ardoises gelées, pour soutirer un peu de sève à ce monde minéral suspendu dans l'espace. Tous continuent à mourir et à renaître et à mourir à nouveau, toute chose dans le même cercle de la douleur créée. Leurs cellules végétales continuent à lutter désespérément et à se reproduire et à se dupliquer en silence, et c'est ce qu'elles continueront à faire une fois que les hommes ne seront plus là, qu'ils auront disparu de la surface de cette petite planète perdue dans les galaxies, il ne restera plus que ce tourment de cellules qui luttent et se reproduisent, tant qu'arrivera encore un peu de lumière de notre petite étoile. Tous continueront à casser et à disjoindre encore plus les murs entre les pierres desquels leurs petites racines se sont accrochées, sur le sol, sur les plafonds, ils jailliront en passant à travers les ouvertures des fenêtres enfoncées, ils briseront les rares vitres encore intactes de leur douce et irrésistible pression végétale, envoyant en éclaireurs leurs tendres pédoncules qui oscillent dans l'espace en quête d'amarrage, ils disjoindront et effondreront les toits, envahiront les chemins, les ruelles, les routes, projetant leurs minuscules pointes qui se montrent pour la première fois à l'espace. Ils écartèleront les structures intimes de la matière qu'ils rencontreront sur leur route, ils s'insinueront avec leur vide atomique dans leur vide atomique, ils feront tourbillonner l'espace vide avec ces résidus de particules dotées de charge électrique qui flottent dans l'espace vide. Ils rongeront les maisons, les routes, les autoroutes qu'il y a loin d'ici, quelque part dans le monde, les grandes villes désertes pleines de gratte-ciel et de tours, ils enfonceront les vitres des fenêtres, les rideaux de fer des garages, ils feront exploser dans le silence les tuyauteries, les bouches d'égout, sous leur tourment végétal et leur pression muette, les carrosseries des voitures, les pompes à essence, les centres commerciaux tout en verre aux abord des métropoles. Ils lanceront leurs colonnes végétales sur les gratte-ciel, dont ils dépasseront les toits avec leurs ultimes et tendres crochets moelleux, ils tâtonneront à la recherche de nouvelles structures et de nouveaux points de débarquement dans l'espace. De nouvelles villes remodelées et de nouvelles visions végétales urbaines phagocytées se pencheront sur les masses liquides horizontales des mers, des océans, lançant plus avant leurs crochets pour s'unir aux forêts dormant sous leurs eaux muettes dans l'obscurité la plus profonde, pour les sortir de leur sommeil et recouvrir le monde.

(P119)
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Je suis venu ici pour disparaître, dans ce hameau abandonné et désert dont je suis le seul habitant.
Le soleil vient tout juste de s’effacer derrière la ligne de crête. La lumière s’éteint. En ce moment, je suis assis à quelques mètres de ma petite maison, face à un abrupt végétal. Je regarde le monde sur le point d’être englouti par l’obscurité. Mon corps est immobile sur une chaise en fer dont les pieds s’enfoncent de plus en plus dans le sol, et pourtant, de temps en temps, j’ai le souffle coupé, comme si je chutais assis sur une balançoire aux cordes fixées en quelque endroit infiniment lointain de l’univers.
Le ciel est traversé par les dernières hirondelles qui volent, çà et là, comme des flèches. Elles passent en rase-mottes au-dessus de moi, s’abattant tête la première sur de vastes sphères d’insectes suspendus entre ciel et terre. Je sens le vent de leurs ailes sur mes tempes. Je vois distinctement devant moi le corps noir, plus caréné et plus grand, de quelque insecte englouti par une hirondelle qui le suivait le bec grand ouvert en lançant des cris. Le silence est tel que j’arrive même à entendre le craquement de son corps qui continue à souffrir, broyé et démembré, dans le corps de l’autre animal qui remonte grisé dans le ciel.
Je reste encore un long moment assis là. La lumière disparaît progressivement, tout ce monde végétal devient de plus en plus sombre sous mes yeux.De tous côtés commencent à se lever les cris des animaux nocturnes, invisibles dans le feuillage noir.
Pas un signe de vie humaine.
Excepté, quand l’obscurité se fait encore plus épaisse et que les premières étoiles commencent à disparaître, de l’autre côté de cette étroite gorge abrupte, sur une partie plus plane de la ligne de crête, incurvée au milieu des bois comme une selle, chaque nuit, chaque nuit, toujours à la même heure, cette petite lumière qui s’allume soudain.
(Incipit)
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À présent ils (les trois lys blancs) sont là, en pièces, les calices massacrés, les tiges brisées, la poudre jaune des pollens coulant sur ce qui reste des blanches corolles déchiquetées.
« Quel désastre ! Quelle horreur ! je me dis en m’éloignant pour ne pas voir. Se prendre la grêle juste au moment de la floraison ! Après tout cet énorme travail chimique obscur, dans les bulbes qui sont sous terre, durant l’hiver, le printemps, et puis cet essor soudain et presque miraculeux des longues tiges droites comme des épées, puis ces turgescences que l’on commence à voir, çà et là, et qui les font plier sous leur nouveau poids, puis cette ouverture, rapide et fulgurante, en quelques heures, le soir ils sont encore fermés et le lendemain matin ils sont déjà ouverts et diffusent leur parfum… La machine lancée de la floraison qui ne peut ralentir, qui ne peut plus s’arrêter, et puis, d’un coup, à ce moment-là précis, le fouet de la pluie froide, du gel, tous ces morceaux de glace qui s’abattent soudainement du ciel sur ces calices blancs à peine inventés… »
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Comment savoir si au-dessus du ciel il y a un autre ciel ? je suis en train de me demander, assis devant le précipice. Du moins celui qu'on voit d'ici, de cette gorge, au-dessus de cet agglomérat de maisons et de ruines abandonnées. Comment savoir si la lumière n'est pas elle aussi à l'intérieur d'une autre lumière ? Et quelle lumière ça peut bien être, si c'est une lumière qu'on ne peut pas voir ? Si on ne peut même pas voir la lumière, qu'est-ce qu'on peut voir d'autre ? Comment savoir si la matière dont se compose l'univers, tout du moins le peu qu'on réussit à percevoir dans l'océan de la matière et de l'énergie noire, n'est pas à l'intérieur d'une autre matière infiniment plus grande, et si la matière et l'énergie noire ne sont pas à leur tour à l'intérieur d'une obscurité infiniment plus grande ? Comment savoir si la courbure de l'espace et du temps, si courbure il y a, si espace il y a, si temps il y a, ne sont pas eux aussi à l'intérieur d'une courbure plus grande, un espace plus grand, un temps plus grand, qui vient avant, qui n'est pas encore venu ? Comment savoir pourquoi ça s'est arrangé comme ça, dans ce monde ? Est-ce que c'est comme ça partout, s'il y a un partout, dans ce déchainement de petites lumières qui percent le noir dans cette nuit froide et dans l'obscurité la plus profonde ? Est-ce qu'il y a des gens qui nous voient, d'une de ces planètes qui gravitent autour de ces masses de gaz incendié qui de loin nous paraissent des étoiles blanches, comme le pense cet homme que je suis allé trouver dans son étable, au milieu de ces bêtes qui ont voyagé, ébahies, dans l'hyperespace ? Qu'est-ce que ça doit être la vie pour eux ? Pourquoi donc aller se balader dans l'univers dans cet œuf de lumière sans coquille ? Est-ce que leur vie est aussi malheureuse que la nôtre ? N'y a-t-il, pour eux aussi que la douleur et le mal qui distraient, au moins pour quelques instants, du malheur ? Est-ce qu'ils ont eux aussi ce rêve bref et cruel qu'on appelle amour ? Est-ce que celui-ci aussi est à l'intérieur de quelque chose qui se trouve ailleurs ? Est-ce qu'il existe quelqu'un d'autre au milieu de tous ces globes de gaz qui brûlent dans l'obscurité la plus profonde et de ces conglomérats qui se refroidissent et se calcifient, avec leur surfaces minérales couvertes de blessures et d'impacts, au milieu de toutes ces masses mortes expérimentales qui peuplent ce vertige qu'on a appelé espace ? Alpha du Centaure, l'étoile la plus proche de notre soleil, se trouve à une distance de quatre années-lumière. Le Grand Nuage de Magellan, la galaxie la plus proche de notre galaxie, se trouve à cent soixante-cinq mille années-lumière de notre système solaire. Et moi, là, assis sur cette chaise en fer qui s'enfonce de plus en plus dans le sol, dans cet endroit hors du monde, à la même distance de tout et de l'espace et du temps et de ma vie et de ma mort...

(P 106)
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Et puis il y a tout ce sous-bois féroce et ces mille et mille formes végétales qui s’entrelacent et se combattent, déjà sous la ligne de la terre, dans les mille et mille radicelles et dans les mille autres formes pressées par leur turgescence chimique et encore sans forme, qui jaillissent de la terre comme des armées avec leurs corps nus encore dépourvus d’écorce, et qui s’inventent leurs premières machines à respirer et à échanger avec l’atmosphère et commencent à grimper en un furieux enchevêtrement muet de formes nées des graines portées par le vent ou par d’autres bombes qui pullulent dans le ventre pourri du monde, et qui entament leur lutte pour grimper vers le haut, vers la lumière.
Pourquoi il y a tout ce sous-bois mauvais ?, je me demande. Qui essaie d’envelopper et d’effacer et d’étouffer les arbres plus grands. Pourquoi toute cette férocité misérable et désespérée qui défigure toute chose ? Pourquoi tout ce grouillement de corps qui tentent d’épuiser les autres corps en aspirant leur sève de leurs mille et mille racines déchaînées et de leurs petites ventouses forcenées pour détourner vers eux la puissance chimique, pour créer de nouveaux fronts végétaux capables de tout anéantir, de tout massacrer ? Où je peux bien aller pour ne plus voir ce carnage, cette irréparable et aveugle torsion qu’on a appelée vie ? »
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