La plupart du temps, ces situations sont vécues douloureusement, d'autant que les pères sont contraints au départ. Les femmes devaient donc "expier" pour ce mélange des races au sein de la cellule familiale et subir brimades et vexations de la communauté. Mademoiselle de Geyer, qui a mis en place un service de marraines à Pontivy et s'est beaucoup occupée des prisonniers, raconte la naissance d'une petite Marie-France, en 1945, dont le père biologique est tirailleur sénégalais. La mère, qui habitait en face du camp de prisonniers, était mariée à un prisonnier de guerre resté en Allemagne. Revenu à Pontivy en mai 1945, l'époux découvrira cette petite métisse qu'il adoptera et aimera comme sa fille. Mais les railleries - "à force de voir les Noirs, son sang a tourné", "Tellement inquiète sur le sort de son mari, son sang a tourné" - ont blessé cette famille.
L'appartenance à la Résistance et les ralliements aux différents maquis via les FFI et les FTP sont pour le moins minorés, sous prétexte que ces hommes ne seraient pas moralement, intellectuellement et socialement capables de comprendre la grandeur, la beauté et la nécessité de ce mouvement. Au-delà de l'injure, l'on enterre sans gloire ceux qui sont morts pour cet idéal. Ils sont d'ailleurs encore nombreux, les courageux résistants d'outre-mer, à ne pas voir leur tombe honorée.
L'administration française a toujours estimé que les Africains ne savaient pas se servir utilement des sommes perçues. Ainsi, la mise en place des prestations familiales a été retardée jusqu'en 1956, sous prétexte que les Africains dépenseraient cet argent pour la polygamie et l'alcool.