Et rappelle-toi Aurélien, dans la vie l'important n'est pas de savoir tomber, mais de savoir rebondir.
Orpheline de son écran, son regard balaya l’espace et ne croisa qu’une bande de zombies en mode « casual Friday ». Captivé par le dernier jeu sur mobile à la mode, une série en vogue ou encore sa lecture du moment, comme s’il fallait que son esprit soit sans arrêt occupé, l’animal parisien se déplace en meute, mais terriblement seul. Et au milieu de cette foule, d’étranges pensées gagnèrent Anna
Quel drôle de spectacle quand on y pense !
On vit tous les uns à côté des autres sans jamais échanger autre chose que des doléances ou des noms d'oiseaux ? Et ces
petits appareils, on y est tous devenus accros, moi la première. En même temps, ça permet d'optimiser son temps…… Optimiser. De nos jours, il y avait même des applications pour vous indiquer dans quelle rame monter afin de gagner une poignée de secondes sur votre correspondance ou sur votre retour à la maison. Anna l'utilisait d'ailleurs souvent, à chaque fois qu'elle sortait de ses routiniers sentiers urbains. Son temps était d'ordinaire précieux. Mais pas ce soir-là.
Et par-dessus tout, Aurélien appréciait l'idée de pouvoir, même l'espace de quelques toutes petites semaines, repartir de zéro dans un lieu où personne ne le connaissait et où il n'avait pas à rentrer dans la moindre case.
Au petit jour, il émergea vaseux, avec tous les symptômes d'une sévère gueule de bois, l'exaltation de l'enivrement en moins. Malgré son insistance, ses trois amis firent une croix sur leur matinée de ski.
Il peina à respirer, pressentant instantanément le pire. Le joli ciel bleu sans l'ombre d'un nuage, qu'il contemplait encore du télésiège cinq minutes plus tôt, venait de lui tomber sur la tête.
Bien planqué derrière ses lunettes de soleil contrefaites, Aurélien ressassait ces questionnements et observait Lucile. Il ne pouvait pas quitter le centre, pas maintenant...
Les jours suivants, Aurélien trouva déjà le temps moins long. Mine de rien, il retrouvait un semblant de rythme, avec ses quelques heures de travail quotidien.
Sur ce trait d'humour, je me levai, soufflai un baiser en direction de Monique et laissai tout ce beau monde, ne voulant en aucun cas rater le début du match.
C'est quoi soixante secondes à l'échelle d'une existence ? C'est ridicule, insignifiant, quelques poussières, et pourtant, ça peut parfois changer une vie.