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Critiques de Arnaud Nebbache (58)
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Brancusi contre États-Unis

En refermant cette BD je me suis souvenue de ce reproche, à peine voilé, de Constantin Brancusi, à ses contemporains :



« Vous ne pouvez, hélas, pas encore vous rendre compte [de la valeur] de ce que je vous laisse » (Nici nu vă puteți încă da seama de ceea ce vă las eu).



Dans ce plaidoyer pour la liberté d'expression artistique, Arnaud Nebbache se montre très habile à condenser la vie de Brancusi, les préoccupations de son époque et le procès historique. Il s'est très bien documenté et a opté pour un graphisme à mon sens très original, en tout cas très personnel.



Comme il le déclare au journal L'Express, il utilise « une technique numérique pouvant s'apparenter au pochoir et à la sérigraphie par les quatre aplats de couleurs choisis pour guider chaque séquence du récit ».



Le dessinateur précise encore : « Pour rendre le procès moins froid, j'ai pris la liberté de le faire vivre à travers les yeux et la main de Marcel Duchamp ; on sait qu'il joua un rôle essentiel de médiateur mais rien n'indique qu'il a assisté à l'intégralité des débats ou en a réalisé des croquis ».



J'ai beaucoup apprécié le début de la BD, l'entrée en matière, avec ses renvois au passé de Brancusi : page 11, une belle référence, dans la bouche d'Edward Steinchen (« Dis surtout qu'il te fait de l'ombre ! ») à la célèbre phrase prononcée par Brancusi au sujet de son ancien maître Auguste Rodin : « Il ne pousse rien sous les grands arbres » et pages 23-25, la présence d'une autre artiste d'origine roumaine, Lizica Codréano.



Un véritable coup de coeur pour cette BD, que j'ai un peu boudée au début, à cause de son graphisme, incompréhensible lorsqu'on juge sur un simple échantillon de quelques cases.



Comme la plupart d'entre vous le savent, je suis aussi d'origine roumaine et j'aime établir des liens culturels. Cette fois-ci je vais simplement citer Serge Fauchereau, qui écrit dans son livre Sur les pas de Brancusi (p. 57) :



« Toute sa vie Brancusi a sculpté des oiseaux et tous dérivent plastiquement de ce premier oiseau Măistra (1911) par l'intermédiaire des « Oiseaux en vol » jusqu'au « Grand Coq » auquel il travaillait encore à la veille de sa mort. […] La Măiastra à laquelle renvoie Brancusi est un oiseau particulier des contes et légendes de Roumanie […]. « La Măiastra ou l'oiseau-fée » version autrefois recueillie par Petre Ispirescu est peut-être la plus connue : un empereur a fait édifier un magnifique monastère mais malheureusement aucun architecte ne peut empêcher la tour de l'église de s'écouler. Un rêve lui révèle que seul un oiseau-fée y parviendrait. Ses trois fils partent tour à tour en quête de l'oiseau magique. Les deux aînés finissent par amener l'oiseau ainsi qu'une jeune fille attachée à son service : « Chacun admirait la beauté de cet oiseau : son plumage qui avait des milliers et de milliers de couleurs brillait comme un miroir en plein soleil ». La tour ne s'effondre plus mais le bel oiseau ne chante pas, ce qui plonge tout le monde dans la tristesse. Un jour il se met à chanter merveilleusement devant un jeune berger. Dès que ce berger s'éloigne, son chant cesse. Au terme d'un récit riche en rebondissements et en métamorphoses il s'avère que le pâtre est le plus jeune fils de l'empereur massacré par ses frères. Grâce à une pomme magique la jeune fille qui sert l'oiseau éclaircit toute l'histoire. Justice est faite tout finit par un mariage : elle épouse le jeune prince ».



Marielle Tabart, dans son Brancusi, l'inventeur de la sculpture moderne, dénombre pas moins de 27 variations sur le thème de l'oiseau.



Pages 107 et suivantes de la BD, j'ai cru qu'allusion était faite à cette légende sur les pouvoirs de l'artiste.



Je crois avec ferveur en la parenté de cette légende populaire avec le projet artistique de Brancusi.



C'est encore Serge Fauchereau qui traduit ce poème de Lucian Blaga (cf. p. 61) :



« L'oiseau sacré



(incarné en or par le sculpteur Brancusi)



Dans un vent que nul n'a levée

Orion hiératique te bénit

en pleurant sur toi

sa haute géométrie sacrée.



Autrefois tu as vécu au fond des mers

et tu as frôlé le feu du soleil.

Dans les forêts flottantes tu poussais

de longs cris sur les eaux originelles.



Es-tu oiseau ou cloche à travers le monde,

créature qu'on dirait calice

ou chanson d'or survolant

notre terreur des énigmes mortes ?



Tu perdures dans l'ombre comme les contes ;

à la flûte invisible du vent

tu joues pour ceux qui boivent leur sommeil

aux pavots noirs souterrains.



La lumière de tes yeux verts est pour nous

comme le phosphore qui s'écaille aux ossements anciens

à écouter les révélations sans paroles

sous l'herbe du ciel, tu prends ton vol.



Depuis le ciel voûté de ton zénith

tu déchiffres tous les mystères des profondeurs.

Prends ton essor sans fin

mais ne dis jamais ce que tu as vu ».



Grâce sois rendue aux mains de Brancusi, mais aussi à celles d'Arnaud Nebbache, qui lui rend ici, un juste hommage.



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Brancusi contre États-Unis

Ignare que je suis, je ne connaissais pas Brancusi. Il a fallu que je le découvre avec cette BD. Pour rappel, il s'agit d'un sculpteur roumain naturalisé français qui a été l'un des plus influent au début du XXème siècle. Il a notamment poussé l'abstraction sculpturale jusqu'à un stade jamais atteint dans la tradition moderniste. Bref, un Picasso dans la sculpture.



Il a notamment travaillé durant sa jeunesse dans l'atelier d'Auguste Rodin (que je connais un peu mieux). Il le quitte assez rapidement jugeant qu'il ne pousse tien à côté des grands arbres. C'est bien dit car parfois, il faut s'envoler de ses propres ailes et non rester dans l'ombre d'un maître.



Un épisode marquant de sa vie a été une affaire judiciaire l'opposant aux Etats-Unis. En effet, les américains ne comprenant rien à l'art ont saisi une œuvre en métal à la douane en pensant que c'était du matériel industriel soumis à de fortes taxations.



L’œuvre en question est intitulée « oiseau dans l'espace » mais cela ressemble à une hélice de bateau. Oui, c'est du surréalisme et de l'abstraction ! Il faut imaginer que c'est un oiseau en train de s'envoler.



Ce procès est intéressant car il pose les questions suivantes : qu'est-ce qu'une œuvre d'art ? Quels sont les critères pour juger ? Et surtout qui est juge en la matière ? Alors, objet manufacturé dont on ignore l'utilité ou œuvre d'art à exposer dans les plus grands musées du monde ?



On aura droit à une succession de visions antagonistes d'expert en art moderne, collectionneurs et marchands qui rendent la situation assez cocasse et d'une stupidité absolue à mon humble avis. De nos jours, cela ne pourrait plus se reproduire. Il faut préciser que cela se situe en 1927 à une époque où l'ouverture d'esprit sur les choses d'art n'était sans doute pas aussi élaborée.



Ce procès s'est quand même terminé favorablement pour l'artiste. On assiste à la reconnaissance d'une nouvelle conception de l'art et son intégration dans le domaine juridique. Le droit se heurte à la définition de l'art et à son évolution. En l'occurrence, on voit bien que les frontières de l'art sont élargies pour intégrer une nouvelle conception de l'art qui cherche à représenter des idées abstraites plutôt qu'imiter la nature. Il est question de liberté dans la création. Il ne faut pas punir l'audace !



J'ai apprécié cette lecture non pas par ma connaissance de l'art mais en ma qualité de juriste. Cela apporte toujours quelque chose.

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Brancusi contre États-Unis

It's a bird!

L'oiseau de Brancusi aura enfin pu prendre son envol après cette célèbre affaire!



Quel plaisir j'ai eu de découvrir le roman graphique d'Arnaud Nebbache qui a su, de par la pointe de son crayon, retracer une époque et les difficultés rencontrées par le sculpteur Constantin Brancusi, artiste précurseur en son temps.



Je tiens à remercier les Éditions Dargaud pour avoir proposé sur Netgalley cet ouvrage qui m'a beaucoup parlé. En effet, lorsque l'on fait des études spécialisées en droit culturel et que l'on recherche une définition de la notion d'oeuvre d'art, l'un des arrêts les plus connus s'y référant est celui de Brancusi contre les États-Unis avec son fameux "oiseau" dans l'espace.



J'ai trouvé qu'Arnaud Nebbache avait réussi le pari assez compliqué de rendre très accessible ce procès tout en nous offrant une véritable plongée dans l'art de l'après-guerre. J'ai beaucoup aimé les coups de crayon de cet illustrateur et rencontrer dans les vignettes Rodin ainsi que les artistes dadaïstes ou surréalisme que côtoyait le sculpteur.



Finalement Arnaud Nebbache nous propose ici une manière très sympathique et originale pour présenter un moment important de l'histoire de l'art, du statut des artistes et des œuvres d'art!

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Brancusi contre États-Unis

Club N°51 : BD sélectionnée

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C'est un album absolument passionnant sur la vie de Brancusi et plus précisément le procès en 1927 aux États-Unis autour d'une de ses oeuvres, dont le statut artistique fut remis en cause par la douane Américaine.



On suit la vie de Brancusi, tiraillé par le traitement de son art au milieu d'un Paris rempli de Man Ray, Fernand Leger, Calder et autres contemporains alors que Duchamp suit le procès et relate son déroulement à son ami.



Le procès de l'art moderne et la valeur de la représentation dans l'art.



Passionnant, avec un style visuel en aplats colorés, c'est prenant, captivant !



Un vrai coup de coeur !



Greg

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Lien : https://mediatheque.lannion...
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Brancusi contre États-Unis

Ils craignent la vérité que tu leur imposes.

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Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. La première publication date de 2023. Il a entièrement été réalisé par Arnaud Nebbache, scénario, dessins, couleurs. Elle comprend cent-vingt pages de bandes dessinées.



Fin 1906 ou début 1907, Constantin Brâncuși travaille dans l’atelier d’Auguste Rodin à Meudon : il y étudie et il participe à la réalisation de moulage pour ses sculptures. Un jour, il est appelé par le maître dans le statuaire. Le sculpteur lui explique l’enjeu. Il lui demande de regarder ces statues de danseurs, d’observer, car il faut saisir le geste vrai. Saisir le geste au plus près de la vérité du mouvement. C’est la transition d’une attitude à une autre qu’il faut voir. Brâncuși doit transmettre ce mouvement. C’est la relation du corps à l’espace qui l’environne. Il faut sentir l’air qui les entoure, inspirer. Il faut jouer avec la résistance de l’air, il faut le déplacer. C’est dans cet espace que la figure doit se déployer. Il faut sentir cet espace. Dans l’espace, la figure doit se révéler, s’élever, se brandir, s’envoler. C’est dans le ciel qu’il faut regarder. On ne peut pas faire de la sculpture en regardant la Terre. Il faut voir plus loin ! L’instant d’après, la figure est dans l’air. Alors, c’est l’air autour de soi qu’on sculpte. C’est l’air autour qui est la matière. C’est l’espace qui doit être sculpté. Après cette leçon à laquelle se sont joints les autres apprentis de l’atelier, Brâncuși sort dans le grand jardin, avec un bras de statue sous le sien. Il y retrouve Edward Steichen en train de s’exercer à la photographie. Ils discutent ensemble. Le sculpteur se demande comment il peut s’accomplir dans son métier, caché derrière ce vieux chêne de Rodin. Son ami lui conseille d’être patient et moins arrogant. Rodin a sûrement encore beaucoup de choses à lui apprendre. Son interlocuteur lui répond qu’il est bien décidé à partir : dès qu’il trouve un atelier, c’est terminé.



Vingt ans plus tard, en 1926, Constantin Brâncuși se trouve dans son atelier : il se tient dans différents endroits pour se rendre compte de l’effet visuel de ses œuvres sous différents angles de vue. Il prend en photo son œuvre l’Oiseau dans l’espace. Marthe Lebherz, surnommée Tonton, entre dans l’atelier et lui demande ce qu’il cherche, à mitrailler le même oiseau depuis des heures : s’attend-il à ce qu’il s’envole ? Il répond qu’effectivement, il cherche l’envol, il cherche l’espace autour de l’oiseau. Cet espace autour qui lui permettra de prendre son envol. Il lui demande de se rapprocher et de danser pour lui, de danser autour de l’oiseau, pour lui montrer l’espace autour, pour lui montrer l’envol. Il lui explique que le vieux Rodin l’a bien fait lui. C’est l’espace qu’il sculptait avec ses danseuses. Il se souvient du nom qu’il donnait à ses dessins : Vol, L’envolée, Aviation, Aéroplane, Ardeur du ciel. C’est donc bien d’envol qu’il s’agit. Marthe lui répond que ça fait longtemps qu’elle ne danse plus assez, qu’elle n’a plus le talent. Elle lui suggère de demander à Lizica : elle est très douée, avec elle son oiseau s’envolera. Elle sort, Constantin s’assoit et considère ses œuvres. À New York, Marcel Duchamp contemple les gratte-ciels, en fumant une cigarette, pendant que les passants circulent autour de lui, et que le flux d’automobiles s’écoule. Il se rend à la galerie Brummer où doit se tenir une exposition des œuvres de Brâncuși l’hiver prochain.



Dans un premier temps, le lecteur peut être déstabilisé. L’auteur a fait le choix d’une structure narrative dans laquelle les passages consacrés à Constantin Brâncuși en France tiennent plus d’importance que le procès aux États-Unis, auquel il n’est donc pas présent. Il vaut donc mieux que le lecteur soit familier de l’enjeu du célèbre procès Brâncuși contre États-Unis pour pouvoir apprécier pleinement l’intention de l’auteur dans les passages qui précèdent l’ouverture des auditions, le procès ne commençant qu’en page quarante. L’enjeu porte sur une œuvre d’art intitulé l’Oiseau dans l’espace, une sculpture de plus d’un mètre de haut, mince, fuselée et polie comme un miroir. En apparence un objet manufacturé, mais présentée par son créateur comme une œuvre d’art. Ainsi chaque scène, relatant le procès ou relatant la vie de Brâncuși, participe à éclairer une facette des questions soulevées par ce procès. Quels sont les critères pour juger de la notion d'œuvre d'art ? Qui peut être qualifié d'artiste ? Qui est juge en la matière ? Avec cet enjeu en tête, le lecteur se trouve plus à même de comprendre l’intérêt de certaines scènes. Par exemple, la séquence d’ouverture dans l’atelier d’Auguste Rodin (1840-1917) peut sembler ne servir qu’à établir la volonté d’indépendance de Brâncuși, l’origine de son questionnement et de son travail sur la représentation du mouvement. Puis survient l’ellipse de vingt ans pour arriver directement aux prémices du procès. Cependant, cette scène montre également un travail de fabrication et de reproduction de parties de sculptures, par moulage, déjà une forme d’industrialisation et de reprographie d’une œuvre d’art qui perd ainsi son unicité.



Dès la couverture, le lecteur peut avoir un aperçu des caractéristiques des dessins : pas de traits de contour systématiques, des contours qui peuvent comporter une part de flou dans la façon d’apposer les couleurs, un visage avec seulement un point pour les yeux, une bouche invisible derrière la barbe, mais des rides pour attester de l’âge de Constantin Brâncuși (1876-1957), cinquante ans au moment du procès. La deuxième de couverture et la page en vis-à-vis accueillent une unique illustration monochrome, toute en ombre chinoise. Puis vient un dessin qui montre le sculpteur mettre le couvercle sur la caisse contenant l’Oiseau dans l’espace, pour son voyage transatlantique, vu en légère élévation : le sculpteur tenant le couvercle, la caisse avec la sculpture à l’intérieur, deux caisses fermées sur la gauche, une sculpture enveloppée dans du tissu avec une corde sur la droite, une longue scie, un marteau, une boîte de clous et deux planches, le tout sur un fond vierge tout blanc. En page sept, une grille de neuf cases de taille identique, disposées en groupe de trois sur trois bandes : des formes de statues de Rodin, une danseuse, avec un contour un peu imprécis et des couleurs qui ajoute à la difficulté de lire les formes. En page treize, les cases sont réalisées en couleur directe, sans trait de contour, avec une simplification des formes qui évoque par certains côtés des collages de papier découpé. Lors de la scène dans l’atelier entre Tantan et Tonton, le dessinateur passe en trichromie pour des contrastes très prononcés.



Tout du long de l’ouvrage, le lecteur remarque ces effets esthétiques variés en fonction de la nature de la séquence : silhouettes caricaturées lors de la visite à la Galerie Brummer, cases sans bordure avec uniquement la robe de Lizica Codreanu en train de danser, page sans texte (vingt-six au total) ou avec un unique phylactère pour une dizaine d’autres, quelques dessins en pleine page, le sculpteur en noir & blanc avec un trait de contour plus gras au milieu de personnages en couleur pour faire ressortir sa solitude et sa déconnexion par rapport à son environnement, experts en train de déposer au tribunal sous forme de buste avec du texte rattaché uniquement par un trait sans contour de bulle et le tout sur fond blanc, Brâncuși perché au sommet de son œuvre la Colonne sans fin ou Colonne de l'infini (inaugurée à Târgu Jiu en Roumanie), dessins en noir & blanc en page cent-deux pour la dernière lettre de Marcel Duchamp, bichromie pour la dernière séquence avec Brâncuși assis sur une plage du Nord, etc. L’artiste sait jouer avec les formes de mise en scène, de découpage, de rendus, tout en maintenant une unité cohérente du début à la fin, remarquable.



Le titre annonce donc l’objet : le procès qui a opposé le sculpteur au gouvernement des États-Unis pour la qualification de ses œuvres. Art ou produit industriel ? Le lecteur assiste donc aux dépositions et aux interrogatoires d’Edward Steichen (photographe et peintre) interrogé par maître Higginbotham, de Jacob Epstein (1880–1959, sculpteur américain), de Forbes Watson (rédacteur en chef de la revue The Arts), de Brâncuși accompagné de Fernand Léger (1881-1955) à Paris, de Robert Ingersoll Aitken (1878-1949, sculpteur américain), de Thomas Hudson Jones (1892-1969, sculpteur), puis des secondes auditions de Steichen, d’Epstein, de Jones, et enfin du verdict du juge J. Waite.



L’enjeu apparaît clairement : officialiser réglementairement le fait que l’art n’est plus figuratif mais qu’il a déjà commencé à explorer bien des territoires conceptuels très éloignés de l’Homme de Vitruve (1490) de Léonard de Vinci (1452-1519). Au cours des pages consacrées au procès, le lecteur sourit en voyant comment les avocats ont toutes les peines du monde à établir la légitimité des intervenants, à justifier que leur avis fait autorité dans le monde de l’art, et qu’ils puissent donc être considérés comme une référence incontestable permettant de statuer sur la nature de l’Oiseau dans l’espace. Cela peut lui faire penser à la manière dont certains artistes contemporains sont qualifiés de tels par des experts dont les intérêts peuvent parfois être plus pécuniaires qu’esthétiques. Par la force des choses, un lecteur du vingt-et-unième siècle connaît déjà le verdict et a pu contempler des œuvres d’art bien plus conceptuelles que la sculpture objet du débat : il sourit donc devant des propos réactionnaires sur l’art car ça fait bien longtemps que l’art s’est libéré des préoccupations représentatives et de l’imitation de la nature. Il relève également le nombre d’artistes fréquentés par Brâncusi lui-même : Auguste Rodin (1840-1917), Marcel Duchamp (1887-1968), Erik Satie (1866-1925), Fernand Léger (1881-1955), Alexander Calder (1898-1957, sculpteur et peintre), Emmanuel Radnitsky (1890-1976, dit Man Ray, photographe). L’originalité et la force de cette bande dessinée est de mettre en scène le sculpteur tout du long, de montrer d’où lui vient ce projet de montrer le mouvement, de le regarder s’interroger sur son art, de le voir considérer des objets fabriqués dans une usine et de les rapprocher de ses propres productions sondant ainsi la porosité de la frontière entre l’art et la production de masse, ou plutôt ce qui sera plus tard qualifié de design.



Constantin Brâncusi est considéré comme ayant poussé l'abstraction sculpturale jusqu'à un stade jamais atteint ayant ouvert la voie à la sculpture surréaliste, ainsi qu'au courant minimaliste. Arnaud Nebbache raconte le procès qui a opposé le sculpteur au gouvernement des États-Unis, mais pas seulement. Il met aussi en scène l’artiste dans son quotidien, avec tout ce qu’il a d’extraordinaire, dans sa recherche artistique avec tout ce qu’elle a de pragmatique. La narration visuelle possède une forte personnalité, adaptée pour les dépositions presque dépersonnalisées, ainsi que pour les moments de la vie quotidienne et ceux de réflexion de l’artiste, avec une cohérence esthétique épatante du début à la fin, tout en faisant preuve de variété.
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Les mots de Mo'

Mona aime tellement les mots qu'elle les visualise - au delà de leur sens, à partir de leur sonorité. Et elle adore les dessiner.

Mais à l'écrit, les mots lui résistent : la petite fille a du mal à « former ses lettres, les aligner bien comme il faut, mettre de l'ordre dans les syllabes et faire le ménage dans les fautes d'orthographe. »



Quand j'étais à l'école primaire, les enfants qui avaient des difficultés scolaires étaient considérés comme des cancres, et puis basta. Au mieux, on les laissait à l'écart ; au pire ils étaient mal vus, voire moqués par enseignants et camarades.

Aujourd'hui, lorsque le problème est identifié, les jeunes dyslexiques sont accompagnés par un orthophoniste pour vaincre leurs difficultés et progresser, mais aussi pour garder confiance en eux malgré les mauvaises notes qui pleuvent (notamment en dictée).



Ce petit roman intéressant peut donner des idées aux parents et enseignants. Il montre aussi aux 'bons élèves' que les 'mauvais' résultats scolaires ne sont pas synonymes de mauvaise volonté, laisse-aller, désinvolture, etc.

Avec son recul et sa sagesse, la grand-mère de Mona tient ici un joli rôle de médiatrice et donne de bons conseils aux parents pour que la fillette s'épanouisse dans des domaines extra-scolaires qui lui plaisent et la valorisent.



J'ai aimé les illustrations, en ocre, rouille et bleu et la douceur des visages (mais pas les nez pointus et/ou rouges).
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Brancusi contre États-Unis

Voici mon retour de lecture sur la bande dessinée Brancusi contre États-Unis.

1927, un procès ubuesque se tient à New York.

Avocats, témoins, experts et artistes débattent pour savoir si le travail de Constantin Brancusi doit être considéré comme de l'art.


En écho, à Paris, le sculpteur et ses contemporains doutent. Le travail de Brancusi est-il à la hauteur face au génie de l'artisanat et de l'industrie ?

Le nouveau continent a-t-il les épaules pour jouer le rôle central dans l'art moderne que l'histoire lui impose désormais ?

Brancusi contre États-Unis est une bande dessinée qui m'a réellement fait découvrir cet artiste. Je le connaissais de nom mais j'ignorais par exemple qu'un tel procès avait existé. J'ai pris plaisir à lire cette bande dessinée d'une traite. C'est fascinant de suivre le travail de cet artiste, le fait que son travail soit si contreversé.

Brancusi était un sculpteur roumain, naturalitsé français. Ses œuvres fûrent très contreversés aux Etats-Unirs car elles étaient surréalistes. Ses oiseaux ne ressemblaient pas forcément à des oiseaux. Notamment son « oiseau dans l'espace » qui a été confisqué par les douanes, pensant que c'était du matériel industriel qui lui est fortement taxé. Ce qui a donné lieu à ce procès.

L'auteur nous présente la vie de Brancusi, ce qui le préoccupe et le procès. On sent qu'il s'est énormément documenté, et que cette bande dessinée lui tient à cœur.

Je n'ai pas totalement adhéré avec le graphisme, mais chacun ses goûts et sur ce point là mon ressenti est vraiment personnel.

Brancusi contre États-Unis est une bande dessinée intéressante, que j'ai apprécié et note quatre étoiles.
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Brancusi contre États-Unis

Le roman graphique débute en 1926 , le sculpteur d’origine roumaine Constantin Brancusi , ancien élève de Rodin , envoie une œuvre avant-gardiste aux Etats- Unis .

Immédiatement cette œuvre trop peu conventionnelle n’est pas reconnue comme œuvre d’art , Brancusi doit payer une lourde taxe aux douanes américaines, son œuvre étant classée comme un simple objet utilitaire.

Contre toute attente , le sculpteur intente un procès .

Arnaud Lebbache nous raconte l’histoire de ce procès avec talent , il nous fait réfléchir sur la notion d’art , à cette révolution de l’art moderne , à cette bataille juridique où les experts s’affrontent , qu’est ce qui définit une œuvre d’art , qu’en est - il de l’imagination , de l’art abstrait .

Une très belle lecture , passionnante , à mettre entre toutes les mains .

Un grand merci à #netgalley et aux éditions Dargaud .

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Brancusi contre États-Unis

Brancusi est un sculpteur célèbre, un des premiers “abstraits” de l’Art Moderne. Cet album raconte une anecdote particulière de sa vie : Il se rend aux États-Unis pour exposer dans une galerie new-yorkaise, une des ses sculptures est arrêtée à la douane pour faire payer la taxe sur les objets industriels manufacturés, Brancusi portera plainte, le procès devra alors faire valoir ou pas la valeur d’œuvre d’art à l’objet en question.



Ce que j’ai aimé, c’est que les auteurs n’ont jamais orienté leur histoire vers le sensationnel et la provocation, ni vers le fait divers, mais au contraire, ils ne parlent que d’Art moderne, de perception, d’interprétation, d’évolution, de création. Pas de débats houleux au tribunal, au contraire, ces débats sont un peu ridiculisés, mais sont racontés avec une apparente neutralité. On suit alors le sculpteur dans son atelier, avec sa compagne, ou dans ses rencontres diverses, le procès semble loin pour lui, de l’autre côté de l’Atlantique, il n’y assiste d’ailleurs pas, c’est Marcel Duchamp qui le suivra pour témoigner de son déroulé. Brancusi ne le vit à distance que comme un sujet d'angoisses et de doutes.



Le dessin est travaillé en surface de couleurs, en aplats dilués, il n’est fait que de taches de couleurs naturelles posées délicatement sur le blanc très présent, comme une vieille sérigraphie, sur un papier qui semble absorber l’encre en profondeur. Les formes sont jetées sur le papier, et elle prennent vie avec une belle élégance, dévoilant le mouvement l’élancement des formes ou leur étalement plus pesant, le dessin lui-même pose les enjeux de l’Art Moderne : confrontation des formes, réflexion de la lumière, la naissance de l’abstraction, la prédominance de l’impression, de l’émotion sur le réalisme naturaliste.

Il y a peu d’action dans cette histoire, quelques faits se croisent avec quelques réflexions et interrogations, comme se déroule en réalité la vie de ces artistes à cette époque, pas de lyrisme tapageur qui dénaturerait l’art de Brancusi qui en est dépourvu (le mouvement minimaliste est d’ailleurs son héritier).

Le fait divers n’est alors qu’un prétexte pour poser des questions essentielles à l’interprétation d’une œuvre d’Art : Quels sont les critères pour juger de la notion d'œuvre d'art ? Cette bande dessinée nous apporte un point de vue historique avec cette évolution radicale que l’Art Moderne a apportée à cette époque, et d’un point de vue plus global sur notre interprétation de toutes œuvres d’Art, celle de tout public en 2023.



Voilà donc un album très intelligent, une biographie comme j’aime en trouver, qui raconte les doutes, les interrogations et qui nous met, nous lecteur, devant l’œuvre de l’artiste en question, et devant l’Art en général.
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Brancusi contre États-Unis

Qu'est-ce qu'une oeuvre d'art ? Quels en sont les caractères distinctifs par rapport à un objet manufacturé ? Qui peut en juger ? Autant de questions soulevées lors d'un procès ubuesque qui a opposé le sculpteur Brâncuși aux douanes américaines.



En 1926, Constantin Brâncuși est un artiste moderne reconnu qui fréquente le groupe des surréalistes. Son ami Marcel Duchamp l'encourage à présenter une vingtaine de ses oeuvres aux Etats-Unis. L'exposition se tiendra à la Brummer Gallery de New York, mais malheureusement, due à l'ignorance des douaniers américains, une polémique va éclater. Une sculpture, vraisemblablement trop avant-gardiste, est considérée comme un objet utilitaire, un produit industriel susceptible d'être taxé. Il s'agit de L'Oiseau dans l'espace.



Condamnation de l'art abstrait, de la création artistique jugée dérangeante, nouvelle querelle des anciens et des modernes. Ce roman graphique, le premier d'Arnaud Nebbache, fait revivre le procès intenté à Brancusi afin qu'il prouve que son "oiseau" est bien une oeuvre d'art, même s'il ne possède ni tête, ni bec, ni plumes, ni pattes...



Un procès où se succèdent à la barre des artistes renommés, des avocats hargneux, des critiques parfois incompétents, des historiens, des collectionneurs et des marchands d'art. L'ambiance est dramatique, presque tragi-comique. Préjugés et méconnaissance se mêlent aux considérations artistiques. Finalement Brancusi aura gain de cause.



Pour ma part, j'apprécie depuis longtemps les oeuvres de Brancusi, si pures, si aériennes et j'aime de temps en temps revisiter son atelier tout proche du Centre Pompidou à Paris. Par contre, j'ignorais tout du procès qui lui avait été intenté aux Etats-Unis. Cette BD est en ce sens très instructive. Elle est bien conçue et l'auteur alterne astucieusement les couleurs pour mieux différencier les époques et les lieux, celui du procès à New York et ceux du quotidien de Brancusi. Un petit bémol toutefois, autant la retranscription de ce procès m'a intéressée et séduite, autant les graphismes ne m'ont pas enthousiasmée. Je n'ai pas réussi à adhérer à ces aplats de couleurs, aux contrastes assez ternes et aux visages très stylisés. Ce n'est que mon ressenti personnel.



#Challenge Riquiqui 2024

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La Lapindicite

Ce soir-là, Ignace est rentré de l’école tout chamboulé et il ne se sent même pas de goûter… mais sa maman lui prépare une infusion qu’ils partagent avec un gros câlin, et Ignace finit par s’endormir… Malheureusement, le lendemain à l’école, tout recommence ! Il croise Hannibal, le grand, le fort, le terrible Hannibal qui le houspille, le menace et lui vole son quatre heures. De nouveau, des crampes douloureuses lui vrillent le ventre… et il est obligé d’aller se reposer dans la salle de sieste avec l’assistante de son institutrice qui lui lit une histoire. Au fil des jours Ignace a l’impression d’avoir un caillou qui grossit dans le ventre… Cela ne finira donc jamais ?

Mon avis : Il y a quelques temps sur Babelio, j’ai vu se développer un grand mouvement de solidarité pour prévenir le harcèlement scolaire. J’ai beaucoup apprécié cette initiative visant à mettre en garde tous les partenaires éducatifs pour plus de vigilance et à essayer de venir en aide aux trop nombreuses victimes de cette calamité. Beaucoup de titres de qualité ont été regroupés dans une liste à mes yeux très utile. Les hasards de mon prochain comité lecture m’ont mis dans les mains cet album que je vous présente aujourd’hui et qui ne retournera pas à la librairie mais viendra enrichir les rayons de la médiathèque. Il vise un public plus jeune mais malheureusement déjà concerné… je peux en attester, puisque j’ai aussi travaillé dans des écoles maternelles et primaires… eh oui, il n’y a pas d’âge pour devenir cruel ! Une histoire toute simple et très accessible mais qui montre bien l’état de souffrance et d’impuissance d’Ignace. Elle nous dépeint un petit lapin très entouré par ses parents, son enseignante et son ATSEM ; c’est comme une invitation pour que le petit lecteur ose parler de ses problèmes. Ignace ne parvient à mettre des mots sur son ressenti mais l’enfant qui lira ce récit se dira probablement « A sa place, je raconterais les mauvais traitements qu’Hannibal lui fait subir. ». Les illustrations aux couleurs douces parviennent aussi bien à mettre en exergue la cruauté d’un côté et la tendresse de l’autre. Je recommande vraiment l’acquisition de cet ouvrage à toutes les médiathèques mais aussi à toutes les bibliothèques internes d’établissements scolaires… il peut réellement permettre d’ouvrir le dialogue et de désamorcer par là-même une situation délicate. Quant à moi, je compte l’exploiter très rapidement. Pour les animations d’ateliers d’activités péri-éducatives mis en place dans le cadre des nouveaux rythmes scolaires, je vais me voir confiés pour les sept semaines à venir des enfants de cours préparatoires. Une des séances étant consacrée à une petite initiation à la philosophie sous forme de goûter philo, j’ai très envie de partir de cette lecture… et de les écouter !

Public : A partir de quatre - cinq ans.

Si vous voulez vous rendre sur le blog de l'auteure, Christine Naumann-Villemin, vous pouvez suivre cette adresse :

http://naumann-villemin.blogspot.com/

Si vous voulez vous rendre sur le book de l’illustrateur, Arnaud Nebbache, vous pouvez suivre cette adresse :

http://mouk.ultra-book.com/
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Brancusi contre États-Unis

Cette BD raconte l’histoire d’un procès, un procès autour du monde de l’art.

Un procès étonnant mais également parfaitement fascinant et présente aussi pour moi un bel exemple du réalisme offert par le dessin de procès plus que la photographie.

Tout commence en 1927 lorsque l’artiste franco-roumain Brancusi est soumis de payer à la douane américaine une forte taxe pour sa sculpture Oiseau dans l’espace. Il s’agit en effet pour la douane, d’un objet utilitaire. Pour l’artiste, il s’agit évidemment d’une œuvre d’art et il ne devrait donc payer aucune taxe, puisque l’art est exonéré des droits de douanes.



Se pencher sur cette question promet de soulever de nombreux débats enflammés aussi bien sur le travail de Brancusi que sur la place de l’art - voire sur la qualification même d’une œuvre artistique. Les interrogations soulevés parlent autant du marché de l’art, du rapport à l’oeuvre, la sculpture et l’oeuvre de création et aussi des différences culturelles et intellectuelles.



Le graphisme est sublime, il transmet un rapport à art unique grâce à sa qualité et donne à voir également en contrepoids le côté très réaliste et réflectif des débats d'idées du dessin de procès.

#netgalleyfrance #brancusietatsunis
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Brancusi contre États-Unis

C'est ma bibliothécaire qui m'a conseillé ce roman graphique et je la remercie.



Le sujet est très intéressant mais je n'ai adhéré ni aux dessins, ni aux couleurs. Ce n'est que mon avis, d'autant plus que je suis novice en lecture de roman graphique.



J'ai appris beaucoup de choses sur Brancusi et j'ai eu plaisir à croiser Rodin, avec qui il a travaillé quelques semaines, Erik Satie, Man Ray ou encore Monet et ses cathédrales.



C'est sa sculpture "L'oiseau dans l'espace" qui est au centre de ce procès entre Brancusi et les États Unis. Il ne comprend pas ce qu'on lui reproche et pour cause : "Ils cherchent à prouver que je suis un artisan et non un artiste. Pourquoi l'art doit-il rivaliser avec l'industrie?"



Au final, ses amis et son avocat résument bien le coeur du problème : "Une poignée de frileux effrayés par la modernité. Ils ont peur de l'audace et veulent la punir".



Si vous aimez l'histoire de l'art, vous prendrez plaisir à lire ce roman graphique.
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Brancusi contre États-Unis

Ahh, Brancusi.

Un des grands piliers de la sculpture moderne. Un de ceux dont on peut dire il y a eu un avant et un après.

Si je connais ses oeuvres majeures et quelques anecdotes et grandes lignes sur sa vie et sa carrière, je dois avouer que cette histoire judiciaire n'avait pas marqué plus que ça mon esprit.

Mais ce n'est pas vraiment ça qui m'a attirée de prime abord avec cette BD mais l'incroyable technique picturale que l'on peut déjà apprécier sur la couverture mais qui est assez représentative des planches à l'intérieur. Les trais sont quasiment inexistants et c'est les aplats de couleurs eux même qui font resortir les formes, les personnages et les décors. Cette technique picturale est très importante et rappelle aux connaisseurs la technique de la lithographie qui sonne, en plus, un certains velouté, une certaine texture à l'aplat.

Les visages et attitudes des personnages, souvent minimalistes et un peu caricaturaux, n'en sont pas moins expressifs, parfaitement rendus et graphiquement très efficaces.

Vous l'avez compris, j'ai adoré le dessin.

Mais revenons à l'histoire.

Une des oeuvres majeures de l'artiste - fruit de très nombreuses années de travail, de réflexion et d'expérimentations diverses - et l'une de ses oeuvres les plus épurées , appelée "l'oiseau dans l'espace", est bloquée par les douanes. En effet, pour être affranchie de taxes, il doit s'agir d'une oeuvre originale, sans objet pratique, réalisée par un sculpteur professionnel. Personne ne conteste l'inutilité fonctionnelle de cette pièce, le qualificatif d'oeuvre unique pose problème. Dans le cadre d'une pièce aussi stylisée, comment être certain qu'il n'en existe qu'une seule et qu'elle a bien été réalisée par Brancusi lui-même?

Bref, c'est assurément la question de la définition même d'oeuvre d'art et de démarche artistique qui est posée. Une question qui est passionnante et dont la réponse est toujours le lieu de discussions entre amateurs d'art et de néophytes. Tout comme la différence entre artisans et artistes et la frontière, parfois trouble, qui les sépare.

Ce sont des sujets qui me touchent, qui m'intéressent et m'interpellent, et je dois dire que j'ai vraiment adoré cette lecture.

De plus, cette BD représente une incroyable galerie de portraits : Fernand Léger, Alexander Calder, Peggy Guggenheim, Marcel Duchamp, Man Ray...tous ces grands noms se succèdent le temps d'une réflexion, d'une figuration ou occupent un rôle plus important...un régal pour les amateurs.
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Brancusi contre États-Unis

Avec ce roman graphique d’un peu plus de 120 pages, Arnaud Nebbache en plus de nous faire découvrir le sculpteur franco-roumain, élève de Rodin, Bancusi nous pousse à nous interroger sur la notion d’art en nous contant le procès que le sculpteur a intenté aux États-Unis contre les douanes qui souhaitaient taxer l’une de ses créations à l’occasion d’une exposition. En effet, si les objets utilitaires sont taxés comme marchandises, les œuvres d’art sont exemptées de taxes.

J’ai beaucoup appris à la lecture de ce roman graphique qui m’a déconcerté quant à ses graphismes. Si les couleurs choisies nous plonge dans une ambiance particulière, j’ai été peu sensible aux traits.

Un travail intéressant si vous vous intéressez à l’art.

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Brancusi contre États-Unis

En 1927, Constantin Brancusi se retrouve au cœur d’un procès aux Etats-Unis pour déterminer si sa sculpture est de l’art ou non.

Cet album retrace une histoire absurde de l’art. J’avoue que je n’avais jamais entendu parler de ce procès fondateur dans l’appréciation de l’art. J’ai donc un peu vécu ma lecture avec un certaine appréhension. Comment tout cela va-t-il finir ? Parce qu’au-delà de la querelle financière de savoir si l’objet doit être taxé ou non, c’est tout la définition même de l’art qui est ici remise en question. Arnaud Nebbache retrace les rebondissements de ce procès hors normes, tant du côté américain, avec les témoignages des différentes parties, que du côté de Brancusi qui est en France et suit de loin ce qui se passe.

Côté dessin, j’ai vraiment aimé le coup de crayon d’Arnaud Nebbache et le rendu, à la fois peu défini et pourtant très expressif de ses dessins.

Un album passionnant qui retrace un pend méconnu mais essentiel de l’histoire de l’art.
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Brancusi contre États-Unis

Arnaud Nebbache revient avec brio sur cet épisode ubuesque qui opposa le sculpteur Constantin Brancusi à la ville de New-York en 1927 forçant la justice américaine à repréciser ce qu’est une œuvre d’art.



À l’occasion de la préparation de l’exposition Brummer, Brancusi fait voyager, par bateau, une vingtaine de sculptures dont L’oiseau en bronze aux alentours d’octobre 1926. Les douanes américaines considèrent que c’est un objet utilitaire et lui réclament des droits d’entrée sur le pays. Déjà exposées à l’Armory Show en 1913, les sculptures de Brancusi ont déjà beaucoup de succès. Seulement, depuis plus de dix ans, ses œuvres deviennent de plus en plus abstraites.



Seulement, le sculpteur, âgé d’à peu près cinquante ans, ne va pas s’en laisser conter. Refusant de payer, il passe à l’attaque, aidé de son ami Marcel Duchamp, et intente un procès à la ville de New-York.



Originaire de Roumanie, et voulant compléter sa formation, Constantin Brancusi est arrivé en France à pied vers 1905. Après avoir suivi les cours à l’Ecole des Beaux-Arts et être entré à l’atelier de Rodin, il s’affranchit des différentes influences en composant son Baiser, sculpture funéraire qui le fera connaître du monde entier.



L’Oiseau en Bronze mesure 1, 35m de haut, de forme fuselée et polie comme un miroir. Le procès permettra de redéfinir ce qu’est une œuvre d’art.



Arnaud Nebbache, avec des retours en arrières, un dessin épuré, des angles particuliers mis en avant sur cette affaire, rend parfaitement l’esprit obtus de la partie adverse, les affres vécues par le sculpteur, les liens étroits entre Marcel Duchamp et Brancusi, etc.



À la conception du scénario, des dessins et des couleurs, Arnad Nebbache a développé ici un style très personnel. J’ai eu un peu de mal à entrer dans cette bande dessinée. Puis, j’ai apprécié le style particulier qui sied parfaitement à l’œuvre de Brancusi. Les couleurs, les formats différents et le peu de textes renforcent les émotions recherchées.



En bref, cette bande dessinée rappelant un épisode si particulier de l’Art moderne renforce à la fois la connaissance sur l’artiste Brancusi mais aussi permet d’en poursuivre la réflexion encore aujourd’hui.
Lien : https://vagabondageautourdes..
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Brancusi contre États-Unis

Constantin Brancusi, sculpteur roumain naturalisé français, du 19e siècle n’est pas très connu de monsieur Tout-le-Monde. Elève de Rodin, il fut pourtant l’un des plus influents du début du 20e siècle. Sa sculpture funéraire « Le Baiser », objet de controverse juridique, est au centre du roman éponyme de Sophie Brocas, chroniqué en 2019.



Cette fois, l’œuvre de l’artiste donne lieu à un album graphique aux éditions Dargaud. Il s’agit de raconter le procès intenté par Brancusi en 1927 aux douanes américaines pour faire reconnaitre le statut d’œuvre d’art à une de ses œuvres. « Oiseau dans l’espace » venait en effet d’être lourdement taxée à l’importation en tant qu’objet utilitaire. Les œuvres d’art étant, elles, exonérées.



Les questions qui sous-tendent le récit sont pertinentes et toujours d’actualité : Quels sont les critères pour juger de la notion d’œuvre d’art ? A quoi reconnait-on un artiste ? Qui est juge en la matière ?... Il est aussi question de la libre circulation des œuvres à l’époque.



J’ai vraiment apprécié cette plongée au cœur de ces préoccupations artistiques. La réflexion sur la place de l’art, sur les critères de jugement et le débat des artistes sur le sujet (Duchamp, Léger, Calder…). Arnaud Nebbache fait habillement ressortir les arguments des pour et des contre et montre les difficultés d’un jugement sans subjectivité quand il s’agit de définir le beau ou l’art.



Ce livre est un bel objet : couverture cartonnée épaisse d’un beau bleu et 128 pages de papier de qualité. Chaque unité de lieu est définie par une gamme de couleurs : ocre, bordeaux, bleu-vert pour les rues de Paris ; bleu cobalt, brique, beige et noir pour la salle du tribunal aux Etats-Unis… J’ai apprécié. De même que le récit impeccablement rythmé. J’ai, en revanche, été moins séduite par les dessins de l’artiste. Si le dynamisme de Brancusi est bien rendu par la multiplication des attitudes et postures de celui-ci, j’ai peu gouté les décors faits d’ébauches et de tâches de couleurs sans réel contour. Ceci n’est qu’un avis personnel et totalement subjectif ; d’autres y prendront certainement plaisir. Et cela n’a, en rien, gâché le plaisir de lecture.



Un sincère remerciement aux éditions Dargaud et à l’opération Masse critique pour cet envoi. L’album sort en libraire le 6 janvier. Plus que quelques jours à patienter.
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A quai, à flot

Où partirez-vous en vacances sur l’Hexagone, chers jeunes lecteurs?



Les parents lecteurs ont leurs habitudes, ils descendent plus facilement qu'ils ne montent car à la période estivale, l'heure y est plus chaud.



De vrais oiseaux migrateurs!







Pourtant, ne manquons nous pas un tourisme plein de charme et injustement délaissé dans ce royaume du Nord?



Le paysage de cet album "A quai à flot" d'Arnaud Nebbache ne nous rappelle t-il pas la brave Normandie?



Plus précisément le Havre, aurais-je envie d'ajouter, avec son port, ses grues, ses empilements de conteneurs colorés, jeu de Tetris ou de Lego géant qui devraient déja servir à attirer le regard des jeunes lecteurs.







L'album est en réalité un Imagier célébrant globalement les ports maritimes.



Il rassemblera autant les détails de quais insulaires que ceux continentaux.



De quoi ouvrir sur des conversations avec les parents lecteurs qui s'y connaissent et voudront partager un peu sur le sujet.



L'imagier est habile puisque ces éléments devront, comme dit, forcer les questions et en venir à l'activité de la pêche, représentée ici à plusieurs étapes de son activité, de la capture des poissons, petits et grands, à l' envoi des produits bons pour la vente.







Avec l'apparition d'un manchot, nous comprendrons que nous voyagerons aussi bien plus loin que prévu. Nous voyagerons aussi un peu dans le temps, de quoi estimer le grand âge de l'activité.



Nous ne pourrons en dire plus sur la technique qui semble profiter de façon très colorée de l'impression.



C'est très agréable et très astucieux, car même lorsque nous n'y connaissons rien, la parole nous échappe. Un bon point pour l'imagier.



Certainement que les grands lecteurs normands seront ravis de trouver pareil outil à partager avec leurs petits, pour retrouver et nommer les choses dans leur propre paysage du quotidien.



Intéressant.
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Brancusi contre États-Unis

L'auteur, l'album (126 pages, 2023) :

C'est le bouquin de Sophie Brocas (Le baiser) qui nous avait mis sur la piste de cette histoire incroyable : le procès du sculpteur Constantin Brancusi contre les États-Unis au sujet de droits de douane sur une de ses sculptures ...

Et c'est Arnaud Nebbache (illustrateur et professeur d'art) qui s'y colle pour retracer en images ce procès historique ...



On aime :

❤️ On se passionne pour le débat ouvert par ce procès : qu'est-ce qui fait une oeuvre d'art ? Son caractère unique (oui, mais il y a les moulages successifs), la main de l'artiste (oui, mais il y a un atelier de fonderie), le jugement des pairs (oui, mais il y a des réfractaires à un nouveau style), la beauté contemplée, le plaisir ressenti (oui, mais tout cela prête à interprétation) ...

Et puis c'est aussi une époque où art, artisanat et industrie se télescopent : outre Brancusi, c'est l'époque de Fernand Léger et d'Alexandre Calder par exemple.

❤️ On apprécie les croquis supposés de Marcel Duchamp que l'artiste dessine pendant le procès pour tenir informé son ami Brancusi resté à Paris : voilà un moyen astucieux pour retracer de façon vivante les débats de la justice.

le contexte :

Dans les années 1920, Marcel Duchamp organise à NY une exposition des sculptures de Brancusi.

À leur arrivée par bateau, les "objets" sont taxés par les douanes US comme "produits manufacturés".

L'une des sculptures, L'oiseau un moulage de bronze poli quasi abstrait, est prise comme pièce à conviction et s'ouvre alors en 1927 ce fameux procès pour lui faire reconnaître le statut d'oeuvre d'art ...



L'intrigue :

Le dessin de Nebbache pourra dérouter au premier abord mais on reconnaîtra qu'il s'accorde plutôt bien avec son sujet : l'espace des oeuvres d'art et le mouvement du sculpteur, ...

En bon professeur d'art, l'auteur prend d'ailleurs tout son temps pour imaginer et dessiner tout le long processus de création qui aura conduit l'artiste (le plus abstrait des sculpteurs figuratifs) à cette forme aboutie, qui ne ressemblait plus vraiment à un oiseau mais qui voulait saisir l'esprit du mouvement, l'envol de l'oiseau.

C'est un choix de scénario judicieux qui permet de mettre le lecteur dans les meilleures conditions pour apprécier tout le sens du procès qui va se dérouler.

Laissons finalement le dernier mot au juge Waite avec une sentence qui fera date dans l'histoire de l'art :

[...] Une école d'art dite moderne s'est développée dont les tenants tentent de représenter des idées abstraites plutôt que d'imiter des objets naturels. Que nous soyons ou non en sympathie avec ces idées d'avant-garde et les écoles qui les incarnent, nous estimons que leur existence comme leur influence sur le monde de l'art sont des faits que les tribunaux reconnaissent et doivent prendre en compte.



Le lendemain du 26 novembre 1928, la presse US ironise : It's a bird !

Pour celles et ceux qui aiment l'histoire de l'art.
Lien : https://bmr-mam.blogspot.com..
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